Les étudiants ne battent pas en retraite

facebook twitter google tumblr reddit pinterest email

Par BARBEROUSSE

Barberousse, étudiant à la Sorbonne, nous raconte ici sa participation à une manifestation jeudi 4 novembre qui s’est terminée, une fois n’est plus coutume, au commissariat du 11ème arrondissement de Paris. Plus personne ne semble ému par ce qui est devenu la routine des manifestants, matraques et paniers à salade en tête. Témoignage d’un militant qui ne lâche pas le pavé.

Il est 17h30, après deux heures de manif sauvage, Mado court, ses ballerines glissent, elle tombe aux pieds d’un civil. Nous n’avons pas encore atteint la République que le civil lève déjà sa matraque télescopique qu’il avait développée dans un mouvement martial avec la soldatesque. Mado se relève : « on se calme ».
C’est déjà joué ; nous sommes acculés face au coiffeur, sous la plaque de naissance de Pierre Mendès France. Ceux qui ont pu y échapper sont de l’autre côté de la rue, ils se font petits, avant de devenir narquois, puis de nous donner du soutien. Ça rappelle la stratégie des soumis (aux forces qui nous oppressent, au système capitaliste ou plus immédiatement à la réforme des retraites) : « on n’a pas le choix, on a lutté quand on était jeune mais aujourd’hui c’est pathétique de lutter. Ça sert à quoi d’aller dans la rue ? tout est joué ! mais je respecte ce que tu fais il en faut des comme toi » disait ainsi Vincent, mon examinateur de l’auto école.

Les flics poussent : brimades et semblants de coups. Mais nous ne sommes que des étudiants, pour certains effrayés par ce premier contact avec les bleus, et sans connaissance de leurs droits. Enclos par des gendarmes mobiles, rapidement relevés, ils nous font attendre. C’est le moment pour nous de vider nos poches des « armes » supposées (canif, stylo, briquet…la police nationale est connue pour ses interprétations hasardeuses). Les quelques insultes de rigueur, puis le traditionnel « Libérez nos camarades » entonnés, on s’assoit, sous le regard amusé des camarades en liberté. Il est 17h40, heure de l’interpellation. Nous sommes quatre-vingts dans la nasse. Pendant les quarante minutes passées à attendre les camions-cellules, on fume les dernières clopes, on se réconforte, les camarades dehors nous envoient de l’eau, et on se questionne : GAV ou vérification d’identité ?

Alors que, comme le rappelait une camarade lors de l’occupation de la Sorbonne le mercredi soir (3 novembre), le gouvernement français a rarement été aussi répressif, preuve de son manque de contrôle de la situation, j’ai peur d’être arrêté : j’ai été contrôlé la veille pendant l’occupation de la Sorbonne ; là ça fait deux fois en deux jours. Je me demande si ils vont tenter de me calmer par la force. Ils ne feront pas de rapprochement, et après un dernier coup de fil aux camarades à l’extérieur qui vérifieront plus tard que tout le monde est bien sorti des cachots, une petite fouille et montée dans le deuxième camion.

Les camarades crient à chaque arrivée ! Nous sommes une quarantaine dans chaque camion, et c’est de concert que les quarante chantent, crient, chahutent dans le car ! La formation des jeunes se fait ici car ils ne doivent pas être effrayés. Pour les calmer, et pour le plaisir, les chants révolutionnaires se succèdent ! On donne de la voix, on graffe, on colle des affiches et des messages pour l’extérieur, on tape sur les vitres, on fait des signes aux passants. En effet, la flicaille a décidé de nous balader dans la capitale : il y a des touristes qui payent pour faire ça ; nous le faisons gratuitement, entre camarades et en chantant bien fort ! Pendant deux heures et demie, entre Clignancourt (« s’il existe un dieu des activistes, pas le commissariat de la Goutte d’Or  » !) et République, on finit par descendre au commissariat central du XIe, près de la mairie, gonflés à bloc par le soutien massif des passants.

Là, on nous fait descendre dans le parking du commissariat, quatre enclos pour quatre sorte d’animaux selon qu’ils sont majeurs ou mineurs, qu’ils ont ou non leurs papiers d’identité. On passe encore trente minutes ici, loin des regards et de la dignité, mais j’ai d’ores et déjà entendu que ce n’était qu’une vérification d’identité. On est tous soulagés de savoir qu’à 22h max on sera dehors ; et dès 21h30 on retrouve les camarades qui nous attendaient devant le commissariat. Leur présence me fait l’effet d’un verre d’alcool fort dans une nuit froide. Et au propre, c’est un peu leur objectif : ils ont ramené de la bière, des tranches de pain, et du fromage…Ça fait chaud au cœur !

On s’organise, on échange et tout ça le cœur gai car il n’est pas question, que ce soit en manif, dans le car de la milice ou en cellule, d’agir autrement. Ça fait plaisir d’être là et puisque nos actions sont justes, il n’est de raison de ne pas s’en glorifier, ni de ne pas apprécier leur réalisation. L’instant de l’action est celui de la joie. Il est aussi celui du présent, un présent énergique, présentable, représentable, mais aussi un présent aux humains, pour l’amélioration de nos conditions de vie à tous.

facebook twitter google tumblr reddit pinterest email

Un commentaire sur “Les étudiants ne battent pas en retraite

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>