Voina: la guerre de l'art (et vice versa)

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Par LOUSTIC

Le groupe Voina (qui signifie »guerre » en russe), basé à Moscou, est un groupe « d’art politique » lancé symboliquement le 23 février 2007, date souvenir de la création de l’Armée Rouge. Ce collectif d’artistes non syndiqués et non encartés a développé une structure auto-organisée dont le but affiché est de joindre le politique à l’artistique en diffusant et organisant une sorte de street-art subversif, « accessible » à tous, dans les lieux publics. Ils sont une trentaine d’activistes, mais ce sont environ 200 personnes qui gravitent autour du mouvement et qui organisent des actions de manière autonome.

Xenia, membre de Voina, et étudiante à Paris nous a présenté son collectif, dans le cadre d’une projection de vidéos à la faculté de Censier le 2 Décembre dernier. Vidéos toutes plus ou moins censurées sur Youtube des différentes actions qu’ils ont pu faire entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Elle commente avec beaucoup de courage les vidéos, en insistant pas mal sur le coté très préparé de ces mêmes actions et sur leur vocation artistique, indéniablement non séparable du politique.

Une de leur premières actions en 2007 est la destruction d’œuvres d’art d’une expo de mise en avant de l’art militant mais qui était en fait apparemment une belle farce hypocrite à la botte des municipalités. En septembre 2008, et ceci pour dénoncer la politique homophobe et xénophobe du maire corrompu de Moscou, Iouri Loujkov, Voina organise dans un supermarché des fausses pendaisons de travailleurs immigrés, de juifs et d’homosexuels. L’ironie de l’action résidant en une sorte d’offrande symbolique et de soutien au maire. Le 29 mai 2009 ils peignent en 23 secondes une grande verge de 65 mètres sur un pont qui, en se levant, fait face au siège du FSB (ex-KGB). C’est ce qu’on appelle un joli bras d’honneur…

Les artistes semblent ouvertement se foutre de la police en se fixant des seaux bleus sur la tête pour imiter les flics en voiture (Rémi Gaillard n’a qu’à bien se tenir) qui, forts de leur gyrophares, se permettent les plus grandes incartades sur les routes.

L’urgence ici de la diffusion de l’action de Voina réside dans le fait que deux « leaders » du collectif se sont fait arrêter (Xenia nous rappelle tout de même la non verticalité de celui-ci : « on a pas vraiment de hiérarchie, c’est pas le but ») après une action osée : « La révolution du Palais ». Le concept ? Arriver rapidement vers des bagnoles de flics vides, s’y mettre a plusieurs, et en quelques secondes, la retourner. Au sens propre du terme, la retourner ! Faut dire qu’ils sont balèzes hein, les russes!!!

Donc oui, en attendant, deux types, Oleg et Leo, sont en prison préventive depuis le 15 novembre dernier dans des conditions exécrables (le peu d’infos revenues à Voina sur les conditions de détentions des deux copains ont révélées qu’un des deux a déjà perdu une dent et qu’ils subissent quelques passages à tabac, sans grande surprise). Être en prison en Russie parce que tu t’es attaqué au symboles du pouvoir, ça craint. L’arrestation faite par le « Centre anti-extrémisme » (« centre E ») a, dans l’ordre des choses, aussi donné lieu a la saisie de toute source d’informations sur le collectif, documents persos, portables, ordinateurs, carnets … de nouvelles arrestations sont donc a redouter dans les mois qui viennent. Les membres du noyau dur des activistes vivent dans la clandestinité car le « centre E », considéré comme le nouveau KGB, traque Voina en invoquant un nouvel article 280 contre les extrémistes. Xenia nous explique que les « extrémistes » selon le « centre E » sont beaucoup plus de gauche que de droite … comme c’est étonnant.

Devant le réel danger que courent Oleg et Leo en prison, et dans un objectif de lutte en général de l’oppression démesurée que subi tout type d’opposition politique en Russie, le collectif Voina nous exhorte a diffuser l’information au maximum, afin qu’au moment du procès (la date n’est pas encore sûre) les inculpés soient soutenus et évitent d’écoper de 7 ou 10 ans ferme. Eh oui, 7 et 10 ans de prison pour avoir retourné une bagnole de flic qui n’a au final eu qu’une petite égratignure. L’article engagé dans la procédure judiciaire est apparemment celui qui condamne les actions visant à la stigmatisation d’une classe sociale ou a l’appel a la violence contre celle ci. Jolie image de la fracture entre les flics, et le reste du monde. Nous, quoi.

Bon, je vous l’accorde, le côté « nous sommes un collectif d’artistes » peut en faire tiquer certains au départ. L’aspect symbolique de la lutte paraît critiquable au vu des abus qui en ont été fait … Mais quel est le mode d’action a proprement dit « légitime » de la lutte ? Vaste question. Néanmoins, ce qui est sûr, et ce qui est largement plus critiquable, c’est la répression, la surveillance et l’enfermement que subissent les diverses formes de contestation de l’État, des violences policières et des abus exercés par les détenteurs du pouvoir politique. Et en cela tout simplement, le groupe Voina semble poser les bases d’un problème qui nous pousse à le soutenir dans ses démarches contre l’ordre établi.

Alors pour cette histoire, affaire a suivre … des actions sont proposées « type Voina » a Paris, devant l’ambassade de Russie notamment. Pour le concret, le soutien, et les infos :

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