Pour une hellénisation des esprits

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Depuis bientôt 4 mois, grèves, manifestations et émeutes, agitent l’Europe. Et qui est-ce qui a commencé en premier ? C’est NOUS !!!! C’est peut être un peu prétentieux, mais rappelez vous ! Entre septembre et octobre 2010, partout en France, des millions de personnes sont descendues dans les rues manifester contre la réforme des retraites prévue par le gouvernement Sarkozy-Fillon. Quel gâchis ! Tous ces jours non-payés pour finir encore plus bas que le niveau de départ, qui était déjà bien bas.

Pourtant le mouvement était bien parti. La solidarité fonctionnait. Certains entrainaient le pays vers la pénurie d’essence, pendant que les autres manifestaient. Les étudiants bloquaient l’accès aux universités, puis allaient prêter main forte aux secteurs qui n’avaient pas encore engagé la lutte. Les lycéens organisaient des cortèges unitaires avec leurs enseignants. Mais que s’est-il passé, pour que du jour au lendemain, l’on passe de 2 millions de manifestants dans les rues de France, à ZERO aujourd’hui ? Enfin à peine 1 millier à Paris, il y a deux semaines pour la manifestation contre la politique d’austérité.

La réponse n’est pas toute faite, c’est évident, et plusieurs facteurs entrainent l’essoufflement d’un mouvement. Entre l’écart qu’il y avait entre deux manifestations, les déclarations unilatérales du gouvernement, et le manque de combativité de tous les syndicats, la liste des raisons de la fin trop précoce à mon gout du « plus gros mouvement social que la France ait connu depuis 1995″, est bien longue. Cependant il reste une raison, toujours oubliée, systématiquement mise à l’écart des discussions et des débats politiques : les modalités de la lutte.

"Liberté pour les emprisonnés de décembre"

En effet, personne n’ose évoquer, dans la presse officielle, la non pertinence des modes et moyens d’actions employés et fournis par les chefs de la lutte : les admis-au-carré-de-tête des cortèges ! C’est vrai que c’est difficile à admettre, mais il faut prendre acte de nos échecs passés, bien trop nombreux, afin de construire un mouvement, combatif et organisé, propre à renverser la donne face à un État de plus en plus autoritaire et policier, et dont l’appareil répressif ne cesse de se développer. Il est grand temps que le rapport de force s’inverse, que les dictateurs chutent face au mouvement populaire, que le peuple ait son mot à dire. La crise qui traverse les pays est la conséquence on-ne-peut-plus logique de la gestion capitaliste des affaires économiques, sociales et politiques. Les travailleurs n’ont jamais eu leur mot à dire quant à cette mauvaise gestion, ce n’est donc absolument pas à eux d’en payer les frais. D’ailleurs à chaque fois qu’ils ont voulu interférer dans cette gestion, les travailleurs ont systématiquement été mis à la porte, réprimés, et bâillonnés par la force publique.  Ainsi, les militants des luttes ont urgemment besoin de s’approprier de nouveaux moyens d’actions, plus aptes à enrayer l’action gouvernementale et rayer le capitalisme de la carte, pour qu’enfin leurs volontés soient respectées.

Jusqu’aujourd’hui le défilé est la modalité d’action la plus partagée par l’ensemble des organisations et associations qui existent dans le monde. Le défilé (la manif, si vous préférez) est indispensable à un mouvement. Il permet de rassembler le maximum d’individus au même endroit, et d’être très visible et entendu. Le défilé est donc une démonstration des forces en présence, il permet de comptabiliser le nombre d’opposants, et ainsi de constituer une pression dite « de la rue » sur le gouvernement ou les députés. La manifestation est très utilisée, car la pression qu’elle exerce est très forte, et pour cause, elle signifie pour l’État une zone de non droit, où ce sont les contestataires qui dominent. Mais force est de constater qu’une manifestation de taille égale, n’a pas systématiquement le même effet. Tout simplement, une gaypride rassemblant quelques centaines de personnes à Moscou, a un caractère beaucoup plus révolutionnaire que 2 millions de manifestants dans toute la France. En fait, toute la différence, c’est à dire le caractère révolutionnaire d’une action, repose sur les revendications portées par les manifestants, et leur accord avec les principes de l’Etat. En 2006, l’organisation des Jeunesses Communistes tchèques (KSM), a été interdite sur décision de la cour de Justice, en vertu d’une loi sur l’interdiction de partis politiques et d’associations qui se revendiquent de la révolution, de l’abolition de la propriété privée et de la suppression du capitalisme. Cela en dit long sur l’attitude à adopter pour exercer une réelle pression sur l’Etat, et le mener à céder. Cette année, face aux différentes démarches engagées, l’interdiction des JC tchèques a été levée.

L’important dans ce cas, n’est pas de modifier en profondeur la modalité d’action, puisqu’elle a les capacités de faire reculer l’adversaire. Tout dépend de son caractère plus ou moins, combatif, légal, subversif. Un autre exemple est encore plus explicite quant à cette attitude qui consiste à franchir les limites du droit octroyé par les tyrans. Celui de la barrière présentée ci-dessus. Ce morceau appartenait à la barrière qui entourait l’université polytechniques d’Athènes en 1973, où elle est exposée. Cette même année, des étudiants de l’université sont montés sur cette barrière pour appeler les passants au soulèvement contre la dictature des colonels. La réaction du pouvoir a été de défoncer la barrière en envoyant un char l’enfoncer, causant évidemment la mort des agitateurs. Encore une fois, ce qui est intéressant, c’est que la réaction nous montre le degré de subversion de l’action engagée malgré, ici, sa non-violence. Aujourd’hui les échelles ont changé. Le droit de manifestation est acquis, et partout en occident l’on s’accordera pour dire que cela n’est plus possible de nos jours. Mais ne soyons pas si sûrs ! L’institutionnalisation des luttes à travers les droits accordés aux organisations qui structurent le mouvement populaire n’est en fait qu’une arme de plus au service des intérêts économiques et financiers. Nos défilés n’exercent aucune espèce de pression. Les parcours sont négociés entre les organisateurs et le préfet, les forces de l’ordre sont pré-mobilisées, et les lieux de dissolutions sont soigneusement choisis. C’est à nous de sortir de nos droits, et d’en gagner de nouveaux.

Nous avons besoin de sortir des cadres que l’on a bien voulu nos céder, pour se faire entendre et, pourquoi pas, gagner, à l’image des évènements en Grèce : la population est soumise depuis bientôt deux ans à une lourde politique de coupes budgétaires et de réductions de salaires, des allocations et autres aides. Le FMI et le gouvernement grec, avec l’aide de la France et de l’Allemagne, sont les seuls fautifs de la situation dans laquelle se trouve la Grèce, et refusent encore de prendre l’argent auprès des entreprises milliardaires qui se portent très bien. La population l’a bien compris et ne compte pas se laisser faire. Les manifestations organisées prennent tous leur sens, elles sont le théâtre d’affrontements avec les forces de police, qui sont le premier rempart de défense de l’Etat. L’objectif des manifestants est clair, refuser le diktat du FMI et de l’euro, et ils entendent bien obtenir satisfaction.

Mais si les manifestants Grecs agissent avec une telle radicalité c’est que d’une part, ils n’ont aucun autre moyen pertinent pour parvenir à leurs fins, et que d’autre part les étudiants des années 2000 ont entendu parler tout au long de leur jeunesse des luttes qui ont animé le pays pour sa souveraineté et son indépendance : la guerre de 1830, la guerre civile des années 40, puis les luttes des années 60 et de la révolution de 1974 contre les colonels. La société leur a inculqué un esprit d’attachement à la démocratie, pour laquelle il faut être prêt à se battre. La jeunesse grecque est héritière d’une tradition de combat politique comme nulle part ailleurs en Europe, parce qu’encore fraiche dans la mémoire collective. Ici en France, les militants estiment souvent être à la pointe du combat, qu’ils mènent en quelque sorte les dynamiques européennes, et cela a été vrai pendant un moment. Dernièrement on remarque un inversement des tendances, et c’est plutôt nous, en France qui sommes menés à voir ce qu’il se passe à l’extérieur et s’en inspirer. Les évènements de ces derniers mois devraient nous donner de nombreuses idées à développer afin de briser la glace et s’opposer au conformisme et au légalisme de nos structures de lutte. Si nous voulons renverser le régime nous devons apprendre, apprendre de ceux qui luttent et qui meurent, apprendre à accepter la répression pour mieux la combattre et arriver à renverser l’ordre établi. Hellénisons nous !

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2 commentaires sur “Pour une hellénisation des esprits

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