Ca existe un poète nazi ?

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Ce sont parfois les questions qui paraissent le plus anodines qui apportent les plus grosses pierres à l’édifice de notre pensée. Telles l’arbre qui cache la forêt, elles amènent avec elles des développements inattendus et, parce qu’ils les remettent en cause ou parce qu’ils leur apportent une lumière nouvelle et bienvenue, ces développements sont l’occasion de progresser sur le chemin de nos convictions. Ma question à moi, l’air de rien, elle m’a rappelé que mon combat était juste, et croyez-moi ça fait un bien fou.

Tout a commencé alors que je cherchais l’inspiration pour un article. Avec l’idée de chroniquer un bouquin, je farfouille dans ma bibliothèque, et je tombe sur mon exemplaire à moitié défoncé de Fureur et mystère de René Char. La particularité de ce recueil, c’est qu’il contient ce qui est pour moi le chef d’oeuvre de la littérature du XXème siècle, à savoir les Feuillets d’Hypnos. En fait de feuillets, il s’agit de 237 fragments rédigés alors que René Char était officier dans la Résistance, et qu’il se faisait appeler Capitaine Alexandre.

Federico Garcia Lorca

En feuilletant le livre, et soudainement inspiré, je me dis que parler poésie sur le Poisson Rouge ne serait pas si mal, et je me replonge furieusement dans mes poèmes préférés. Et là, la Vérité (avec un énorme V) me saute au visage : les poèmes qui m’ont le plus marqué, à part quelques romantiques et un Baudelaire qui traînent, ont tous soit été écrit pendant la Seconde Guerre Mondiale, soit l’ont pour sujet (le plus souvent évidemment, ce sont les deux). Parmi ceux-ci, les Feuillets d’Hypnos, donc, mais aussi le Nouveau chant d’amour à Stalingrad de Neruda ou bien la Rose et le Réséda d’Aragon.

Ce qui me frappe alors, ce n’est finalement pas l’intérêt particulier que je peux porter à ces oeuvres (intérêt qui peut s’expliquer assez facilement par ailleurs) mais l’abondance même de ces oeuvres. J’ai l’impression (mais des lecteurs plus calés en poésie pourront sans doute me contredire) que le combat contre le nazisme et le fascisme a été l’une des sources les plus intenses de poésie dans l’Histoire, aussi bien en termes de quantité que de qualité.

C’est le moment où on en arrive à la question du titre : des poètes et des poèmes antifascistes, on en trouve à la pelle, et la plupart du temps des très bons, mais qu’en est-il dans l’autre camp ? Hitler et Mussolini avaient-ils leurs poètes ? A-t-on jamais écrit une ode à Pearl Harbour ou à la bataille de France ? En cherchant un peu, on trouve effectivement quelques Maurras allemands qui ont gravité autour du NSDAP. Mais quand on y regarde d’un peu plus près, ce n’est évidemment pas si simple et peu nombreux sont ceux qui ont continué à soutenir Hitler après la Nuit des Longs Couteaux. Rien à voir quoi qu’il en soit, ni en nombre ni en postérité (oh really ?), avec ceux d’en face. En bref, pas de Desnos ni d’Éluard chez les fachos…

Robert Desnos

C’est bien beau tout ça, mais où veut-il en venir, le Delouse ? Eh bien, il veut en venir à l’explication qu’il propose à tout cela. Et si, finalement, la barbarie nazie c’était tout simplement la mort de la poésie ? Il me semble que, confrontés directement à cette barbarie, comme Neruda le fut en Espagne, tous ces poètes ont senti immédiatement l’urgence de la lutte, et c’est pour cela qu’ils se sont si massivement engagés. D’ailleurs, une lecture au premier degré des Feuillets d’Hypnos suffit amplement à se convaincre que pour Char au moins c’était le cas.

Dans son film sur Missak Manouchian (un autre poète, d’ailleurs…), Robert Guédiguian expliquait que la Résistance c’était le combat du « Parti de la vie contre le Parti de la mort ». Les poètes nous montrent quant à eux que l’antifascisme, c’est aussi le combat pour la poésie. En existe-t-il de plus beau ?

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2 commentaires sur “Ca existe un poète nazi ?

  • Je crains que dans les groupuscules néos tout ça ils aient quand même des pouets, (pas vraiment des poètes), mais qui n’écrivent pas de cette plume humaniste qui nous touche nous tous, gens de bons sens, de bons sentiments à l’égard de notre prochain, de la nature, de la vie… Car ces barbares inspirent encore le même aire que nous (enfin, je crois, je ne m’avance pas sur le phénomène d’expiration qui est déjà nauséabond).

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  • Ping : Poisson Rouge » La complainte du partisan

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