Do you want another riot?

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Le vendredi 18 février: Jour d’élection pour les Ougandais qui doivent élire leurs parlementaires et un (nouveau) président. Kampala, la capitale de l’Ouganda, pays au cœur de l’Afrique des Grands Lacs, semble étrangement calme.
Dans les jours suivants ont lieu les élections des districts et municipalités.

Ainsi, en ce mois très chaud de février, le pays retient son souffle.

Yoweri Museveni, président en place depuis 1986, brigue un nouveau mandat. Membre d’un parti à tendance marxiste, le National Resistance Movement, doté d’une branche armée, la National Resistance Army.
Pendant les régimes (sanglants) de Milton Obote et d’Idi Amin Dada ( interprété par Forest Whitacker dans Le Dernier roi d’Ecosse), la NRA a combattu dans le maquis pendant de longues années.
Museveni, au moment de sa prise du pouvoir, est alors d’abord apparu comme le sauveur qui est parvenu à restaurer la sécurité après des années de guerre civile.
Aujourd’hui, ayant oublié toutes prétentions marxistes, trop bien installé dans son confortable siège de président, il ne veut plus le quitter. Classique.
Il a d’ailleurs soutenu Laurent Gbagbo dans son choix de rester au pouvoir malgré la défaite et est un grand ami de Muammar Kadhafi (une mosquée et une route portent son nom à Kampala).

Ses opposants étaient nombreux mais la partie semblait perdue d’avance. Yoweri Museveni s’est habitué à quelques manipulations électorales telles que l’achat de votes, le clientélisme, parfois même le bourrage des urnes et, ce qui semble plus efficace, les menaces.
Son plus sérieux concurrent, le Docteur Kizza Besigye
, candidat du Inter-Party Coalition/ Forum for Democratic Change (IPC/FDC), a annoncé la veille avoir adopté une stratégie de « protection des votes » qui consisterait à placer ses supporteurs dans quasiment tous les bureaux de vote pour vérifier que tout se passe comme prévu.

A Kampala, la capitale, le nombre de policiers est renforcé et, de temps à autre, on peut voir passer des chars blindés de l’armée.

Sur son affiche électorale, Museveni arbore un drôle de chapeau qui le fait ressembler à un Texan ! Ses jeunes supporters distribuent des t-shirt à son effigie aux conducteurs de boda-boda, les motos-taxis.

Ses opposants ne sont pas en reste. Les murs de la capitale sont littéralement envahis par les affichettes électorales colorées mais relativement sobres, juste une photo du candidat, son nom, son slogan, son parti. Les camions de  campagne des candidats traversent la ville, la musique à fond suivis parfois par des centaines, des milliers de supporteurs à vélo, en moto, en bus, en courant!
Les élections sont devenues le premier sujet de conversation et les équipes de campagne tentent de faire preuve d’imagination. Le dernier tube qui circule sur internet est d’ailleurs un remix d’un discours de Museveni, « Do you want another rap? »

Après des émeutes, au cours desquelles la police a tiré à balles réelles sur les manifestants, au mois de septembre, le gouvernement craint des « dérapages ». Toutefois, c’est surtout le contexte international qui semble entrer en jeu ici. En effet, le pouvoir a peur que les révoltes en Tunisie, en Egypte et maintenant en Libye suscitent des vocations en Ouganda. Même si, évidemment, chaque situation a ses propres caractéristiques, on peut tout de même distinguer une ressemblance: un président qui s’accroche au pouvoir depuis plus de vingt ans malgré l’inefficacité de sa politique.

Ici, à part les flics et les militaires, on ne sent pas la présence de l’Etat. Tout est privé et tout se paye: l’éducation, les universités, le logement, la santé, etc.
Pas de chantiers publics, les seuls travaux sont engagés par des entreprises privées comme Hilton qui fait construire un hôtel tellement gigantesque par rapport aux habitations des ougandais. Absurde. D’autant plus que dans la capitale, aucune route n’est en bon état.

Beaucoup ont eu énormément d’espoir, toutefois ce dimanche 20 février, Museveni vient de remporter ces élections, une fois de plus, avec près de 68% des voix. Etrangement, Kampala semble toujours aussi calme. Les leaders de l’opposition ont annoncé l’organisation d’une manifestation pacifique. Seulement, la réponse de l’armée et de la police sera de taille et les Ougandais le savent. Possible émeute à l’égyptienne?

Deux articles du The Observer ougandais se posent la même question et leur réponse est dans les titres: « Uganda’s Tunisia moment is 2069 » et « Why Kampala is not Cairo, Tunis ».
Les deux auteurs, Sabiiti Mutengesa et Samira Sawlani, soulignent plusieurs points. Le plus important d’entre eux est la faible urbanisation de l’Ouganda : 12% de la population, contre 60% pour les Tunisiens, quotidiennement confrontés aux représentants de l’Etat et à la violence de l’urbanisation, ce qui selon les auteurs favoriserait les émeutes. Ajoutez à cela, l’âge moyen 14,9 ans (29,7 ans en Tunisie), l’alcoolisme (17,6 litres d’alcool par personne et par an contre 0,2 litres en Egypte ! ), le faible taux d’alphabétisation, l’extrême pauvreté, etc.

Tout ce qui justifie une insurrection me direz-vous ? Sabiiti Mutengesa pense, lui, que pour toutes ces raisons, les Ougandais ne sont pas prêts.
Mais qui sait ?

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