Le 29 mars, le Poisson Rouge aura une pensée pour Dulcie September, née à Cape Town en 1935, en Afrique du Sud, militante de l’ANC (l’African National Congress ) pour les droits de tous les Sud-Africains durant l’apartheid. Elle s’oppose ainsi au régime raciste, un acte de résistance extrêmement courageux pour une femme noire dans les années 60 en Afrique du Sud. Le gouvernement de l’apartheid tente l’intimidation, Dulcie September subit une condamnation injustifiée qui l’a conduite à 5 années d’emprisonnement, et finalement forcée à l’exil.
« Réfugiée » en France, elle sera soutenue par Jacqueline Dérens, et accueillie par le maire communiste d’Arcueil, Marcel Trigon. Elle la décrit en ces termes lors d’un hommage en 2004 : « Une très belle femme, une grande métisse avec des yeux étonnants comme remplis de paillettes d’or: quand elle était furibarde, ça flashait! Un bourreau de travail, une femme de terrain qui parcourait le pays inlassablement… A cette époque, en France, Mandela était considéré comme un terroriste et l’Afrique du Sud, un pays où finalement les Noirs étaient moins malheureux qu’ailleurs en Afrique. C’est grâce à Dulcie s’il y a eu chez nous une prise de conscience!«
En 1986, alors que le régime d’apartheid en Afrique du Sud est frappé d’un boycott international, il est désormais avéré que la France a contourné ce dispositif et laissé en place son trafic de charbon, de pétrole (via l’Iran), d’armes et de matériel nucléaire. Dulcie September, alors devenue représentante de l’ANC en France, fait savoir à ses correspondants qu’elle a des informations importantes à ce sujet et qu’elle se sent menacée.
Suite à l’assassinat du représentant de l’ANC à Bruxelles, elle demande une protection policière officielle, refusée par le ministre de l’intérieur français, Charles Pasqua. Puis, deux entreprises louches s’installent à proximité des locaux de l’ANC à Paris, la société « Sport Eco », et un chantier de ravalement aux ouvriers très curieux de l’ANC (ces deux entreprises quitteront toutes deux les lieux justes après l’assassinat), les bonnes vieilles méthodes des barbouzes…
Le 29 mars 1988, alors qu’elle arrive dans les locaux de l’ANC au cœur du 10e arrondissement de Paris, cette militante pacifiste est assassinée de cinq coups de feu en pleine tête, l’œuvre d’un mercenaire sans aucun doute, à la solde du gouvernement sud-africain de l’époque. Alfred Nzo, qui sera le premier noir ministre des affaires étrangères de l’Afrique du Sud libre, déclare le lendemain : « S’il y avait une cible facile, Dulcie September en était une », une preuve de plus de la lâcheté des services d’Etats opposés à toute émergence d’espoirs populaires. Son assassinat fait partie d’une longue liste d’assassinats politiques des membres de l’ANC dans les années 80.
Collège Dulcie September à Arcueil, où un "prix des valeurs humaines" est organisé chaque année, il récompense des initiatives d’élèves qui font revivre cette personnalité à travers la défense des valeurs de justice et de solidarité.
Des enquêtes de journalistes et d’associations (notamment « Survie ») ont permis de prouver l’implication directe des services secrets français dans cet assassinat. Pourtant le 17 juillet 1992, une ordonnance de non-lieu est rendue. Affaire classée en France, malgré une piste qui menait à des mercenaires français proches de Bob Denard (le bras armé est en l’occurrence Jean-Paul Guerrier, ancien de la Légion étrangère venu des Comores). Cette piste sera confirmée en Afrique du Sud par la commission Vérité et Réconciliation en 1998.
Vous venez de lire le quatrième article de la nouvelle rubrique du Poisson Rouge : « Espoirs assassinés » (cliquer pour voir la vidéo correspondante). « Au nom de l’idéal qui les faisait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui » (comme le chantait Ferrat), cette série a pour but de rendre hommage régulièrement à des grands Hommes de notre passé qui représentaient autant d’espoirs formidables pour l’humanité et qui furent victimes de la guerre que mène depuis trop longtemps le capitalisme contre les peuples.
