Non, M. Bertrand, les étrangers ne volent pas le pain des français

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Entre le bruit, l’odeur, l’identité nationale et les ministres qui ne se sentent plus vraiment chez eux, on commençait doucement mais sûrement à se dire que sur l’UMP avait fini par intégrer ouvertement et complètement les thèses culturelles et sociétales du Front National. On avait quand même un peu de mal à voir comment ç’aurait pu être pire. C’était sans compter sur la créativité de Xavier Bertrand, notre cher ministre du travail, dont la dernière déclaration est la reprise pure et simple de ce qui tient lieu de théorie économique au Front National : le chômage en France, c’est la faute des étrangers, et il faut redonner le travail aux bons français. Eh oui, la préférence nationale, rien que ça !

Cette déclaration qui est un non-sens économique total repose sur une méconnaissance totale du marché du travail en France (ou alors sur un cynisme électoraliste de la pire espèce, à vous de voir…). Petit démontage en règle :

  • Bertrand avance le chiffre de 20 000 emplois « récupérables » avec sa mesure. Sûr que c’est avec ça qu’on va faire disparaître le chômage de masse et qu’on va retrouver un emploi aux 2,7 millions de chômeurs
  • Il n’y a encore pas si longtemps que ça (6 petits mois), Xavier Bertrand défendait la réforme des retraites en fustigeant les « gauchistes malthusianistes » et en rappelant que l’emploi ce n’est pas aussi simple que « un emploi maintenu pour un senior = un emploi en moins pour un jeune » (et il avait parfaitement raison sur ce point, c’est assez rare pour être souligné). Apparemment il a oublié depuis. Ou alors ce qui marche pour les retraités ne marche pas pour les immigrés, mais bizarrement j’y crois moins…
  • N’en déplaise à Xavier Bertrand, les immigrés en France ce ne sont pas que les conducteurs de travaux portugais ou maliens, ce sont aussi des médecins gabonais, des infirmières espagnoles, des épiciers tunisiens etc. La problématique est un peu plus complexe que ce qu’il veut bien nous faire croire.
  • D’ailleurs, comment on fait pour instaurer la préférence nationale quand on est dans l’Union Européenne ? On sort de l’espace Schengen ? On sort carrément de l’Union ?
  • Si on écoute un peu l’UMP, la solution miracle pour relancer l’emploi en France serait de recréer un tissu industriel solide. Pas de pot pour eux, vu la structure des emplois en France, cela ne pourra pas se faire sans… un appel massif à de la main d’oeuvre immigrée.
  • Je ne reviendrai pas sur Martin Bouygues (invité au Fouquet’s ce fameux soir de mai 2007) et ses petits amis du bâtiment qui sont bien contents d’avoir les immigrés sans-papiers qui bossent pour eux en étant flexibilisables et corvéables à merci… Comme quoi selon le public le discours est quand même franchement différent…

Ce n’est pourtant pas si difficile de lancer une véritable politique de l’emploi en France… Voici quelques mesures qui pourraient inspirer M. Bertrand :

  • Diminution du temps de travail
  • Ouvrir les financements pour le développement des PME, plutôt que de filer du pognon à des banques qui le gardent dans leurs coffres. Si ça doit passer par la création d’un établissement financier public, pourquoi pas ?
  • En finir enfin avec la RGPP et relancer une vraie politique de l’emploi public : des flics, des profs, des infirmières, voilà de quoi on a vraiment besoin
  • Redonner à Pôle Emploi les moyens de travailler efficacement, d’assurer un vrai suivi des chômeurs et une véritable réinsertion
  • Avec le point précédent, renforcer la formation tout au long de la vie pour tous les travailleurs
  • Repenser la réforme des retraites : quitte à virer des travailleurs du marché du travail, autant le faire avec les 800 000 retraités potentiels plutôt qu’avec 20 000 immigrés. Voyons les choses en grand !

Il y en a un qui avait bien compris le rôle économique de l’immigration, c’est Fernand Raynaud. On ferait bien de ne pas l’oublier…

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