Indigné. Oui, mais de quoi ?

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Ces dernières semaines, vous avez surement remarqué qu’à plusieurs reprises, le Poisson Rouge avait trimbalé son bocal de chez lui à la Bastille. Le mouvement des Indignados de Madrid lui était apparu comme une étincelle capable d’enflammer les pavés. Le (premier) virus (espagnol) s’est aujourd’hui étendu à de nombreuses villes d’Europe, de Porto à Athènes, à travers la France, l’Allemagne, l’Italie. Les révolutions arabes, ont vraisemblablement fait renaître l’espoir d’en finir avec les inégalités et les injustices. L’idée de construire un soulèvement en Europe contre le capitalisme, pour enfin changer en faveur d’un système juste et réellement démocratique a gagné en crédibilité. C‘est en côtoyant les Indignés de Paris que l’avis du Poisson Rouge s’est forgé. Il a eu l’occasion de faire la moue, et plus d’une fois.

Nous ne nous attarderons pas à décrypter l’ensemble des fois où nous avons fait la moue. Mais nous nous concentrerons sur quelques points, qui semblent fondamentaux pour la construction d’un mouvement politique cohérent, capable de créer une dynamique, de souffler un vent de colère. Nous parlerons ici de l’organisation adoptée par les Indignés, et de leurs revendications. Les deux questions sont intimement liées malgré les apparences.

Deux tentes à Bastille le 29 mai

Le rassemblement quotidien organisé dans le quartier de l’opéra Bastille a réalisé la meilleure mobilisation le 29 mai 2011, avec environ un millier de personnes. Hormis ce jour-là, les Indignés n’ont dépassé qu’avec difficulté les 300 personnes, chiffre qui tend à baisser avec l’arrivée des vacances scolaires, et la démobilisation générale annuelle en été. Pourtant, les quelques organisateurs du mouvement sur Paris s’obstinent à vouloir l’encadrer. Plus clairement, bien que le nombre de participants au rassemblement soit objectivement très réduit par rapport aux rassemblements en Grèce et en Espagne, les initiateurs persistent à le traiter comme un large mouvement répandu dans la société. Ainsi, infrastructures, et superstructures sont mises en place. Assemblées générales tous les jours, réunions de la dizaine de commissions tous les jours, réunions des sous-commissions tous les jours, débats interminables sur les titres possibles pour le site internet, débats interminables sur le format du tract, annonces récurrentes sur l’importance de « centraliser » (mot entendu autant de fois que de prises de parole) tout ce qui est « centralisable », mails, sites officiels/non officiels, contacts, villes où il y a des rassemblements, etc…

Ces discussions (ou branlettes intellectuelles) se déroulent tous les soirs, sans qu’à aucun moment personne ne propose de prendre pour sujet les revendications du mouvement. Le premier tract qui comporte une liste de 10 points revendicatifs a été discuté et voté jeudi 2 juin, soit pendant la 3ème semaine de « mobilisation » ! De la même manière, aucune discussion n’a lieu autour du slogan lancé par Madrid, Démocratie réelle maintenant ! Aucune des personnes que nous avons abordé n’a su ou pu répondre à cette question simple : que voulez vous dire par démocratie réelle ? Ce mouvement nous semble fondé sur des sentiments (et notamment celui de l’indignation), plus que sur des idéaux, sans qu’il ne soit expliqué d’où viennent ces sentiments, et ce à quoi ils s’opposent. Le discours des Indignés n’est pas construit, et connaît déjà des infiltrations. La preuve, à force de se déclarer « apolitique » et/ou « apartisan » à toutes les sauces, des militants d’Egalité et Réconciliation (parti d’Alain Soral) profitent du flou artistique qui règne pour se pointer de temps à autre et partir à la pêche aux sympathisants.

Enfin, il est de notre avis que construire un tel mouvement, qui se déclare être révolutionnaire, qui affirme vouloir « guillotiner les oligarques », qui veut un nouveau 1789, doit s’accompagner nécessairement d’un appel à la mobilisation des travailleurs, en d’autres termes, à la construction de la grève générale, d’un arrêt de la production, d’un blocage du pays. Comment penser une révolution alors que l’ensemble de la population est coupée de la mobilisation ? Comment élargir le mouvement, et l’intensifier, alors qu’assis en cercle sur le boulevard Richard Lenoir les passants ne font que passer ? Sur ce terrain, les Indignés sont encore absents, ou presque. Laborieusement, la décision est prise de distribuer des tracts aux sorties de métros pour s’adresser à la population. Un premier pas peut-être, mais encore trop timide, en vue de lancer un réel mouvement politique révolutionnaire en France.

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Un commentaire sur “Indigné. Oui, mais de quoi ?

  • Il me semble surtout que les propositions concrètes établies sont vagues et surtout naïves.

    Ces propositions ont un caractère réformiste assumé, et à aucun moment on ne prétend remplacer les institutions fondamentales du système. On ne demande que de petites améliorations, et « l’état démocratique », l’économie de marché capitaliste ne sont pas du tout considérés comme devant être remis en question.
    Or la crise actuelle n’est pas due à un simple dysfonctionnement de ces institutions, mais à leur nature même. En supposant que le mouvement s’acharne dans le temps, les supposées « améliorations » obtenues ne seraient qu’un joli verni « démocratique », « éthique » appliqué à la dynamique du système actuel.
    En gros, les objectifs sont illusoires, et insuffisants.

    Je passe sur le fait que les propositions sont en plus utopiques, et que les mots « révolution » et « état démocratique » (tel qu’on le conçoit aujourd’hui, c’est à dire de manière dénaturée) sont antinomiques.

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