Parole tunisienne

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Le Dimanche 23 octobre se sont tenues les élections tunisiennes qui ont pour vocation de choisir les représentants du peuple qui auront comme tâche de rédiger la nouvelle constitution tunisienne et d’élire le nouveau Président tunisien. Ces élections sont la concrétisation du combat mené il y a bientôt 10 mois contre la Dictature du régime de Ben Ali. Avec un taux de participation dépassant les 90% selon les déclarations de Mr Boubaker Bethabet, secrétaire général de l’Instance supérieur indépendante pour les élections (Isie), les Tunisiens ont démontré d’une part que la révolution n’était pas morte et d’autre part, leurs attachements à la liberté et à la Démocratie.

La veille de l’élection, le samedi 22 samedi, nous nous sommes entretenus avec Ali, jeune tunisien de 27 ans qui a partagé avec nous ses impressions sur la situation de la Tunisie à l’avant-veille de cette journée historique.

Ali a fait ses études entre la Tunisie et la France. Il est d’abord passé par les bancs du Lycée français de Tunis, puis il est venu faire une prépa en France. Au moment de la révolution en Tunisie, il étudiait les mathématiques à Jussieu (Université Pierre Marie Curie). Ali nous explique pourquoi il est parti étudier à l’étranger « Le régime de Ben Ali a fait reculer le système éducatif en Tunisie. Il faut comprendre que les deniers publics n’allaient pas dans les infrastructures publiques mais dans les projets personnels de Ben Ali. Ça c’est traduit notamment par un développement monstre des cliniques privées par exemple ou des Universités privées. En gros soit tu payes ou soit tu crèves, c’est ce qui explique qu’il y a énormément de jeunes entre 17 et 25 ans qui essayaient de partir quand ils le pouvaient ». Lorsque les premières manifestations ont commencé à agiter le pays, Ali a d’abords cherché à s’organiser en France, puis il a décidé de retourner au pays pour apporter son aide à la révolution : « Moi, j’ai fait mes études dans le but d’œuvrer pour mon pays. Je viens d’une famille très politisée, mon grand-père a fait de la prison sous le temps de Bourguiba, et mon arrière grand-père a été syndicaliste et a beaucoup œuvré dans l’indépendance de la Tunisie, mon grand-père également. J’ai donc grandi dans une famille qui a subi le régime, qui a subi le délit d’opinion ».

La politisation de la population depuis la révolution a connu selon lui des vagues successives. Dans un premier temps, révolution oblige, les gens étaient très politisés et cela se ressentait un peu partout, dans les rues et dans les foyers. Puis les tunisiens ont connu une forme de lassitude. Après la fuite de Ben Ali, les mois sont passés et les tunisiens « ne ressentaient pas de réel changement ». Mais les élections arrivant enfin, la politique est revenue au cœur des discutions et des préoccupations des Tunisiens. Pour preuve, on compte pour ces élections 11 686 candidats présentés par 80 partis et des indépendants (40% environ). Malgré ces différentes phases d’intérêt pour la politique, Ali précise qu’il y a un acquis vraiment solide depuis la révolution « Il y a une société civile qui s’est formée, ce qu’il n’y avait pas à l’époque. Par exemple, hier je suis allé à une conférence d’une association de citoyens qui ont décidé de se regrouper pour vérifier qu’il n’y aura pas de fraude dans les bureaux de vote […]. Il y en a d’autres qui ont décidé de lever des fonds pour les écoles et pour aider les zones rurales à avoir des infrastructures. Il y a aussi cette action de l’association engagement citoyen avec qui j’ai travaillé, qui à la veille des élections a mis une photo géante de Ben Ali sur une des Façades du fort de la Goulette. Les gens ont été pris de stupeur et ont arraché la photo. Derrière ils ont découvert une inscription qui disait que « la dictature peut revenir, allez voter. »

 

 

Et puis, Ali nous parle spontanément des affrontements qu’il y a eu suite à la projection du film Persepolis de la réalisatrice franco-iranienne Marjane Satrapi : « L’histoire de Persepolis a été une instrumentalisation monstre. Le film est passé vendredi et les gens (200 à 300 personnes) ne se sont rassemblés que dimanche et, il y a eu des heurts sur un autre sujet et on a essayé de les coller sur l’histoire de Persepolis . Il faut savoir que le film est déjà passé 3 ou 4 fois en Tunisie , en français, en arabe littéraire et il n’y a pas eu à l’époque de levée de bouclier ou quoi que ce soit. En plus de ça il y a déjà eu des  programmes (libanais ) qui sont passés à la télévision et qui montraient Dieu, certes sous forme de lumière ou autres, mais ça n’a pas fait réagir. Cette histoire c’est vraiment le simple fait qu’en cette période électorale, Ennahda (le parti islamiste) a senti une attaque contre lui ».

Il nous explique finalement le fond de sa pensée au sujet de cette histoire : « Nessma TV, c’était une chaîne du parti (de Ben Ali), elle diffusait des chansons à la gloire de Ben Ali. Après la révolution, cette chaîne a subi beaucoup de critiques. Et puis, au lendemain de la diffusion de Persepolis, il y a eu une union en faveur de  Nessma. Au final c’est elle qui a gagné ».

Enfin nous abordons le sujet qui fâche en occident, le Parti Ennahda. Nous lui demandons donc son avis sur les récentes déclarations du leader de ce Parti, Rached Ghannouchi, qui prévenait que son parti rejoindrait les forces révolutionnaires en cas de fraude et, sur les liens que Ennahda pourrait entretenir avec les groupes  salafistes. « Ils rejoindront rien du tout, aujourd’hui beaucoup de gens disent qu’ils ont fait une erreur […] même si le parti Ennahda peut tenir un double discours sur certains points, le parti n’a pas de lien avec les salafistes. Les militants d’Ennahda se sont battus avec les salafistes dans les quartiers populaires. ». Pour finir nous le questionnons  sur la menace hypothétique  que peut représenter ce parti pour la Tunisie : « La vraie menace vient des tunisiens. C’est-à-dire que, si la société tunisienne se désintéresse du politique, elle perdra ses droits. Il faut être vigilant tout le temps, il ne faut pas laisser faire ou laisser passer ».

 

 

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Un commentaire sur “Parole tunisienne

  • Très bon article vraiment, je viens juste de le lire. Vraiment, chapeau!

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