« En 2012, je ne prends plus le train. Trop dangereux »

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La politique de privatisation des Services publics en Europe et plus particulièrement en France n’est plus un secret pour personne. La Poste, France Telecom, l’AP-HP, EDF-GDF, l’Education nationale, la Sécurité sociale, la SNCF et j’en passe sont des entreprises victimes des rapaces de la finance. La mauvaise gestion des budgets successifs de l’État, les exonérations et autres niches fiscales accordées aux plus riches, les détournements de fonds publics, et l’ensemble des réformes liées à la perte de la souveraineté politique et économique du pays ainsi qu’à la soumission des travailleurs aux législations européennes ont provoqué la désorganisation brutale des entreprises publiques.

L’ouverture des marchés, soit la fin du monopole de l’Etat, a obligé les entreprises publiques « à s’adapter » aux règles de la concurrence libre et non faussée, comme inscrit dans le traité de Lisbonne. Le principal enjeu des gouvernants, a été de faire face à la « compétitivité » des entreprises étrangères et privés. Et la mise en concurrence des entreprises publiques a systématiquement été réalisée sur le dos travailleurs. Les plans sociaux, les suppression de postes, les restructurations des services, les baisses des salaires visent systématiquement les salariés des entreprises et très rarement leurs dirigeants.

Pour comprendre les manœuvres des capitalistes, un exemple vaut souvent mieux qu’une explication abstraite. Nous utiliserons donc l’exemple de la SNCF, ex-fleuron du service public pour illustrer notre propos. Nous sommes allés à la rencontre de quelques syndicalistes.

 

« En 2012, je ne prend plus le train. Trop dangereux ». Voilà ce que nous lance Marc*, un agent du service télécoms de la SNCF. La privatisation de l’entreprise, explique-t-il, a eu un effet désastreux sur l’ensemble des composantes la SNCF. La course aux économies à laquelle participe la direction est la première responsable. Le matériel est de plus en plus informatisé, alors que les formations sont plus rares. La maintenance est moins régulière, voire inexistante sur certaines installations. Les conséquences sont directes : « on voyage de plus en plus mal, alors que les prix augmentent ». Nos interlocuteurs sont unanimes, la situation s’est dégradée. « Avant la SNCF tablait sur le préventif. Maintenant ils attendent que ça casse. Ils prennent le 1% de risque. Par exemple, lorsqu’il y a une rame cassée, au lieu de la réparer ou de la remplacer, on demande aux conducteurs de rouler à 110 au lieu de 160 km/h ». Les incidents d’exploitations trouvent également leur origine dans cette politique de désinvestissement. « Les retards qui sont de plus en plus fréquents sont liés à l’usure des installations, et il n’y a plus de prévention des pannes. La direction table sur la fiabilité des lignes alors qu’il y a un vrai risque. Ils remettent en cause la sécurité de la circulation et c’est inacceptable ».

La logique de démantèlement du service public entraine également la direction à employer du privé au lieu d’embaucher des mainteneurs ou des techniciens qualifiés pour grossir l’entreprise. « Les salariés du privé, accusent-ils, ne sont pas aussi bien formés ou qualifiés que dans le public », en plus ils sont moins bien payés et « entrainent nos salaires vers le bas ». Loin de là l’idée de leur tourner le dos, et tous nous assurent que la solidarité public/privé est un combat. Ils rejettent plutôt la faute de cet effet sur l’Etat, responsable de la casse de l’entreprise. Damien*, technicien chargé de la vidéosurveillance à la gare du Nord, nous raconte qu’il y a quelques jours, son supérieur est venu le voir pour lui demander s’il accepterait de travailler pour le compte d’une entreprise privée sur d’autres sites et sous forme de missions. « C’est incroyable, alors qu’il manque des techniciens et qu’on embauche des sous-traitants, on nous demande quand même de faire des travaux à l’extérieur ». Après un bonne explication, nous comprenons que la SNCF a décentralisé son service de Gestion : le concept existe c’est la Gestion par activité. Autrement dit, les services de la SNCF – télécoms, voirie, aiguillage, électricité, billetterie, etc. – sont de plus en plus détachés de l’organe central.

L’effet de la Gestion par activité est double. D’une part, un morcellement des activités de la SNCF détruit en profondeur la structure même de l’entreprise : à terme les service de la SNCF seront complètement indépendants et formeront autant de petites entreprises. D’autre part, ce morcellement permet une privatisation plus rapide et plus facile : vendre des petits lots accessibles aux acheteurs est plus simple que de vendre le tout à un prix très élevé.

* Le prénom des syndicalistes ont été modifiés afin de préserver leur anonymat.

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