Oui, je sais… Moi aussi, quand j’ai entendu parler d’une adaptation en manga de l’œuvre fondatrice de la pensée économique marxiste, j’ai eu un peu peur. Connaissant le goût des Japonais pour le kitsch et le grandiloquent, on pouvait s’attendre au pire. D’un autre côté, le manga est aussi un média qui nous a offert quelques unes des œuvres politiques les plus puissantes du XXIème siècle, comme l’Histoire des 3 Adolf d’Osamu Tezuka ou les Vents de la Colère, de Tatsuhiko Yamagami. Si le pire était à craindre, l’irruption du meilleur était donc toujours possible.

Et, surprise !, c’est plutôt le meilleur qui est arrivé. L’idée du collectif d’auteurs (le studio Variety Artworks) est de passer par un cas pratique pour mettre en scène les notions développées par Marx dans son bouquin. On suit donc le jeune Robin, jeune fromager qui travaille à la ferme familiale, dans les différentes étapes de mise en place d’une production industrielle de son produit, avec l’aide d’un certain Daniel, investisseur aux dents longues.

Cette brillante idée permet d’aborder de façon claire la plupart des idées phares développées dans le capital : profit, plus-value, innovation, monopole, crise de demande, et même baisse tendancielle du taux de profit, tout y passe ! En seulement deux courts tomes, les auteurs ont réussi à condenser efficacement une œuvre monumentale (plus de 3000 pages !), ce qui tient déjà du miracle, mais en plus, on ne s’ennuie pas une seule seconde à la lecture. C’est d’ailleurs sans doute l’apport principal du format manga et de ses codes, qui amènent un dynamisme qui permettra sans aucun doute d’intéresser un public assez large.

On pourra quand même regretter la pauvreté du dessin, voire sa laideur par instants. Là aussi, on est dans les caractéristiques typiques du manga : complexité minimale du trait, absence de décors et utilisation abusive de trames. Il n’empêche que certaines pages sont quand même assez impressionnantes, notamment la séquence de la tornade à la fin du tome 2. Toujours est-il que c’est évidemment le contenu qui est important ici, et de ce point de vue, l’ouvrage est une réussite totale. En tous cas, à moi, il m’a donné envie de me plonger dans l’oeuvre originale, et je pense que c’est à ça qu’on peut juger si une adaptation est bonne ou non.

Bref, jetez vous sur ces petits livres, en attendant la traduction de l’adaptation en comics du Manifeste du Parti Communiste (non, ce n’est pas une blague non plus !)…

• Le capital, Karl Marx, adaptation par le studio « Variety Artworks », 2 tomes, édités par Soleil Manga