La sainte commune de Christiania

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Qui n’a jamais rêvé de vivre dans un quartier où ni la Police ni aucun représentant de l’Etat n’ont accès? Où la hiérarchie entre individus n’existe pas. Où personne ne dort dehors et où l’entraide et la solidarité remplacent  la valeur de l’argent.

Vous allez me dire que cela existe, il suffit d’aller se perdre dans le Larzac rejoindre les communautés de vieux babas cool créées dans les années 70. Mais pour des urbains comme nous, aller traire des chèvres, habillés de pulls en laine de mouton qui sentent le roquefort,  n’a rien de très excitant.

Et bien il existe une alternative à cela : CHRISTIANIA.

C’est un quartier de Copenhague situé à peine à 900 mètres du Parlement, qui s’étale sur environ une trentaine d’hectares le long de la rive sud du canal qui divise la ville en deux. En 1969, l’Armée Danoise abandonne une fabrique d’armes ainsi qu’une caserne pour aller s’installer dans de nouveaux locaux laissant à l’abandon ce grand complexe de bâtiments. En pleine crise du Logement et face à la recrudescence de SDF, le magazine « HovedBladet » appelle en octobre 1971 à s’approprier tout le site pour passer l’hiver au chaud. Cet appel sera entendu par une cinquantaine d’individus (punks, hippies, syndicalistes). Ces nouveaux locataires entament alors une rénovation « esthétique », « culturelle » et « sociale » de l’ancienne propriété militaire. La commune libre de Christiania est née. D’abord squat illégal, le gouvernement Danois accepte l’occupation des lieux en 1972 contre le paiement d’une taxe (qui équivaut à la consommation d’eau et d’électricité).

Sur plusieurs points, Christiania s’affirme comme une entité particulière et en premier lieu au niveau de son organisation. Cette communauté est basée sur le principe d’autogestion urbaine, ce qui explique les manifestations et les émeutes des Christianites en 2005, lorsque l’État danois entreprit de démolir une maison appartenant à la Commune de Christiania. (Les Christianites ne lui reconnaissent aucuns droits sur leur Commune).

Le concept d’autogestion urbaine abordé au départ en Sociologie (Proudhon en faisait déjà un sujet d’étude dans Théories de la propriété en 1866), est un principe d’organisation communautaire en vue d’établir une collectivité autonome. Ce concept repose en gros sur quatre grands principes :

  • Suppression de toutes les distinctions entre dirigeants et dirigés
  • Transparence et légitimité des décisions
  • Non appropriation individuelle des richesses collectives
  • Affirmation de l’aptitude des individus à s’organiser sans dirigeants

De ces principes généraux les Christianites ont réussi à créer un système politique et social tout à fait particulier.

D’une part la commune de Christiania fonctionne sur le principe des assemblées générales, c’est-à-dire qu’ils ont fait le choix de la démocratie directe plutôt que de la démocratie représentative (et on comprend pourquoi quand on voit le sérieux de nos élus comme  Rachida Dati par exemple, que ce soit à la mairie de Paris en tant que conseillère, ou au Parlement Européen). Au sein de cette communauté ce sont les assemblées des quartiers qui prennent la majeure partie des décisions, notamment en ce qui concerne l’organisation et l’aménagement des quartiers. Il faut noter quand même un point, qui pour ma part me paraît assez étrange et même dangereux à certains égards. Les décisions, dans ces assemblées, ne sont pas prises par un vote à la majorité mais lorsqu’il semble qu’un consensus ait été trouvé (ceci dit on peut faire valoir la pérennité de la communauté pour défendre ce système).

D’autre part, la commune de Christiania se démarque par son absence d’angélisme par rapport à la sécurité du quartier, à l’inverse de certains bisounours qui conchieraient l’idée même de mettre en place un Service d’Ordre. Les habitants de Christiania refusant toute ingérence de l’Etat dans leurs affaires, ce qui comprend principalement l’interdiction d’accès à la commune à la Police danoise, organisent eux même leur propre police par un Service d’Ordre. Celui-ci a pour mission de faire respecter les lois de Christiania, qui sont placardées un peu partout dans la commune (non-violence, pas d’utilisation de drogues dures etc…).

Cette autogestion pleine et entière s’est notamment matérialisée par la « Junk blokade ». La commune de christiania lors de sa création a attiré de nombreux toxicomanes, qui voyaient dans ce lieu un eldorado de la défonce. Mais rapidement, l’apparition de drogues dures dans la commune libre a été suivie par une hausse de la criminalité et de la violence entre les personnes (principalement entre junkies et revendeurs). A partir de 1979 et pour éviter une dégradation de cette espace de liberté, les habitants ont décidé tout simplement d’éradiquer les drogues dures de la commune (au profit du cannabis, faut pas déconner non plus !). Cette interdiction est même devenue l’une des lois de Christiania et a permis aux habitants de réaffirmer leur capacité à s’autogérer face au pouvoir central danois.

Enfin, l’une des caractéristiques de Christiania est l’absence totale de propriété et l’existence d’une monnaie locale (« Lones »). Il est impossible de vendre, de louer, de quitter son appartement plus de 6 mois ou de payer en Couronnes.

Il est clair que ce petit aperçu de ce lieu atypique peut en faire rêver certains (le Poisson Rouge en premier), mais il faut noter d’une part que la communauté de Christiania ne doit sa pérennité que par un dévouement complet et quotidien de ses habitants (qui remplacent eux-mêmes tous les Services de l’Etat comme le ramassage des ordures etc.…) et que d’autre part les membres de la communauté n’ont pas réussi à s’extraire totalement d’une société qu’ils rejettent. En effet à peu près 75% des ressources de la commune viennent de l’extérieur, une grande part venant du travail des Christianites dans les villes et l’autre des aides sociales de l’État danois. Enfin on peut noter que la commune de Christiana est devenue au fil des années une réelle attraction touristique, risquant ainsi de la faire passer du statut d’expérience réussie d’autogestion urbaine à celui de parc d’attraction ou l’on peut y voir des curiosités locales.

Note de l’auteur: un gros big up à m’sieur Ulysse et ses camarades pour leur dossier  » Christiania une commune libre ? » qui m’a bien servi, que ce soit pour les infos ou pour les photos.

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2 commentaires sur “La sainte commune de Christiania

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