La fiancée du pirate

facebook twitter google tumblr reddit pinterest email

Depuis le 2 avril, l’Opéra de Quat’Sous, de Bertolt Brecht et Kurt Weill, est entré au répertoire de la Comédie Française. Ça fera sans doute grincer les dents des gauchistes grincheux, qui hurleront (un peu trop vite) à la trahison. Pensez donc ! Brecht, l’auteur subversif par excellence, mis à l’honneur dans le théâtre le plus bourgeois qui soit ! Ce serait quand même oublier que, Comédie Française ou pas, les scènes des théâtres restent parmi les derniers espaces de liberté quasi-totale de notre société. Surtout, ce serait faire un mauvais procès au texte de Brecht, ainsi qu’à la mise en scène de Laurent Pelly, qui amène toute la subversion du livret directement à la face de ces bourgeois abhorrés, ce qui n’est pas rien. Évidemment, rien ne garantit qu’ils saisissent bien tous la portée du discours qu’ils entendent, mais au moins on aura essayé. Et puis surtout, il faut savoir que la Comédie Française, ça ne coûte même pas cher d’y aller. Donc amis gauchistes énervés, un seul conseil : courrez voir la pièce, ça vaut le coup, et puis ça permettra d’amener votre légitime révolte directement là où elle sera la plus utile. C’est-y pas beau ça ?

De cet Opéra de Quat’Sous, on connaît souvent la chanson d’ouverture, Mackie Messer (Mack the Knife pour les anglophones), mais celle qui est à mon avis la plus puissante, et donc la plus belle, c’est La fiancée du pirate. Jenny, fille de bar, chante son désir de vengeance contre ceux qui la maltraitent. Elle rêve au jour où le bateau de son fiancé pirate arrivera au port, et où elle aura enfin le pouvoir de décider de la vie ou de la mort de ses exploiteurs. La fin n’est pas vraiment heureuse pour eux… jugez plutôt !

Alors viendront à terre les matelots
Plus de cent, ils marqueront d’une croix de sang
Chaque maison, chaque porte
Et c’est d’vant moi qu’on apporte
Enchaînés, implorants, mutilés et saigneux
Vos pareils, tous vos pareils, beaux messieurs !
Vos pareils, tous vos pareils, beaux messieurs !

Alors paraîtra celui que j’attends, il me dira :
« Qui veux-tu de tous ces gens que je tue ? »
Et moi je répondrai doucement :
« Tous ! » A chaque tête qui tombera
Je dirai : « Hop là ! »

Et le navire de haut bord
Loin de la ville où tout sera mort
M’emportera vers la vie ! *

La simplicité de la chanson est sans doute ce qui fait sa force. Pas de tergiversations, pas de symbolique surchargée, ici le message est clair : tremblez, profiteurs, le jour de la vengeance sera terrible pour vous. Du coup, on imagine facilement que quand Nina Simone, en 1964, c’est-à-dire en plein mouvement pour les Droits Civiques, reprend la chanson en annonçant l’arrivée prochaine d’un « black freighter » (cargo), ça devait pas mal faire flipper dans les chaumières des Rednecks. D’autant plus que dans sa version, il n’est plus question de savoir qui il faut tuer, mais s’il faut les tuer « now or later »… Brrr….

Les autres versions préférées du Poisson Rouge :

  • celle de Lotte Lenya pour entendre au moins une fois la version originale en allemand
  • celle de Marianne Faithfull pour son timbre unique et tellement Brechtien qu’on ne peut pas passer à côté

******BONUS********

*La traduction jouée à la Comédie Française est légèrement différente de celle-ci. L’esprit reste le même, ne vous inquiétez pas, amis gauchistes !

facebook twitter google tumblr reddit pinterest email

Un commentaire sur “La fiancée du pirate

  • Danke Schon! Brecht toujours aussi coolos.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>