Alchimie de la ville devant l'hôtel Ukraine

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Zouk Zouk Zouk – Zouk Zouk Zouki

I stuck around at St. Petersburg
When I saw it was a-time for a change
Killed the czar and his ministers
Anastasia screamed in vain

Pleased to meet you
Hope you guess my name…

Les hauts parleurs du sous marin crachotaient une vieille chanson des Stones – Sympathy for the Devil, la préférée du capitaine – alors que le submersible venait se ranger sous les murailles du Kremlin. La Moskova clapotait sous la lune, les énormes pubs Canon grésillaient et rares étaient les passants à s’arrêter devant l’écoutille.  Les uns après les autres, les marins barbus et fatigués sortaient et maladroitement s’alignaient sur le quai, trébuchant, leurs visages soudain rapés par l’air du soir, leurs yeux tendus vers le ciel,  pauvres chiens fous trop longtemps enfermés dans leur cocon d’acier.

Davai, songea le capitaine, cette bonne vieille Moscou a l’air d’avoir pas mal changé, mais un tour à terre ne nous fera pas de mal. Accompagnons le donc pour une petite promenade nocture, à l’ombre des statues et de ces yeux noirs d’une jolie moscovite, qui depuis mon denier voyage, me trottent encore dans la tête.

La place Rouge est belle, surtout le soir quand les hordes de touristes ont été balayées par le froid du parvis de la basilique Saint- Basile. Mais plus que le vent de la Place Rouge, j’ai le souvenir très net des courants d’air de la station Partizanskaya, dans le centre de Moscou.

Alors que je sors de la rame, une musique résonne soudain  sur le quai,  gonflée dans sa course par sa repercussion sur les couloirs en béton, un groupe de musicien s’approche en sautillant, un gros à l’accordéon, un type en parka à la balalaika. Tourbillon de musique dans la station, qui me bouscule soudain et remonte vers la surface, suivi de grappes de mecs qui chantent, se prennent par le bras, dansent. Puis le silence me revient, soudain, en pleine face, ponctué du cliquetis des escalators et des murmures des dames du métro qui se réchauffent sur leurs chauffages miniatures. Belle apparition, exactement comme dans la Perspective Nesvki de Gogol, quand le jeune peintre croit voir la fille, qu’il a suivit,  monter à l’étage.

Frappé plus qu’ailleurs par la conservation et l’immobilité des statues communistes dans un environnement changeant, celui des publicités pour Nikon installées en face du Kremlin, du McDonald’s ouvert sur la place Rouge, des grosses Mercedes fendant les avenues de la ville, j’ai écrit quelques vers, un jour, assis sur un banc face à l’hôtel Ukraine.

Les camionneurs prennent leur café à l’aube
Les Lada d’un autre siècle pétaradent et
Au loin l’Electritchka glisse sur les rails

Sur la place Rouge il y a Joukov rouillé
Et le Goum et les petits soldats du Kremlin
qui regardent défiler les pubs Nikon

A côté dans un square il y a deux types
Qui se réchauffent sur un vieux brasero
Et devant l’Hôtel Ukraine la statue de Lénine
Regarde ailleurs.

 

Toujours un peu d’amertume laissée en arrière, de toute façon. Je crois que chacun garde bien caché des souvenirs de villes où quelque chose a foiré,  ville au nom dont provoque toujours un agacement nostalgique, même des années après. On est arrivé, heureux de revoir des gens, pensant retrouver des sensations, agripper de nouveau des visions à bout de bras, apaisé, enfin. Et on s’est retrouvé tout bête sur le trottoir à voir que le temps avait passé, que rien n’était plus pareil, que l’amour avait foutu le camp, les gens changé, leur folie à présent bien roulée dans le tube de la vie quotidienne. Plus rien à se dire au fond, à part les souvenirs qui réchauffent le cœur et piquent les yeux de leur lueur passée. Il faudra revenir en Russie.

Marrant aussi de voir comment les lieux restent les mêmes, témoins muets de notre propre déconfiture ou de nos succès fugaces. Combien de fois suis-je passé devant l’ arrêt du bus 21, Parc Montsouris, Paris XIVème, combien de fois suis-je entré dans le magasin de CD de la grande rue de East Lansing, Michigan, combien de fois suis-je sorti boozed du bar La Voute, grand Place de Lille, bar génial où l’étage est peuplé de vieux joueurs d’échecs patibulaires, et où je me prenais pour Verlaine à écrire sur la nappe en papier. Comment vivent les lieux une fois qu’on a déguerpi ? Ils restent les mêmes, bien sûr. Décor immobile alors qu’on est parti, et qu’on ne reviendra sans doute jamais. Faudrait ne jamais s’attacher aux lieux.

Il y a un parc dans Brooklyn
D’où l’on voit le métro aérien de loin
Il y a un parc dans Brooklyn
D’où l’on voit le pont de Williamsburg
Il y a un parc dans Brooklyn
Ou l’on s’assoit en hiver
Il y a un parc dans Brooklyn
Où on se débarrasse de la friction du monde
Comme d’ un vieux pardessus.

C’était un avant goût de New York. A la semaine prochaine !

N’hésitez pas à laisser des commentaires, des liens Youtube – ca fait toujours plaisir.

Et mon blog : http://pondruel.wordpress.com/

Marc

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4 commentaires sur “Alchimie de la ville devant l'hôtel Ukraine

    • The only good thing I can say to this is that, Courtney, is that you and your family undoubtedly made her final days the happiest and most loving days of her life. I’m sorry that she died so quickly, but shl2&8#17;el be waiting for you in Heaven.

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  • Sympa ce melange de nostalgie, de Russes engonces dans leur froid, et pourtant d’eclair de folie et de chaleur, c’est comme ca que je reve Moscou.

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  • @ Gilles Delouse : tes vidéos sont chouettes !
    @Rémi : oui, éclatement soudain de la carapace d’indifférence..

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