Michigan Avenue

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L’aube à New York
A quatre colonnes de vase
Et un ouragan de noires colombes
Qui barbotent dans l’eau pourrie.
Federico Garcia Lorca

Zwing Zwing Zwing…. Notre submersible louvoie gaiement, en approchant de la brume des côtes américaines, et passe à proximité de la désormais célèbre prison de Rikers Island, où DSK scie consciencieusement ses barreaux à coup de lime à ongle depuis déjà plusieurs  jours. Le capitaine, sur le pont, les yeux aux jumelles,  regarde quant à lui cette purée de pois s’approcher avec un soupir de nostalgie.  New York, ville debout pour Céline. Ville immensément étonnante en tout cas. Pour moi qui y ait passé un mois, marchant toutes les nuits, yeux projecteurs, antennes déployées, mains fébriles de transcrire,  poème en mouvement, au plus près de la matière, dans le style des poèmes Beats tapés à la machine à écrire, dans une chambre d’hotel minable de l’ East Village avant que l’endroit ne devienne bobo jusqu’à l’os, cette ville fait sens.

De même que les bus de nuit font sens, gros poissons trainant leurs carcasses sur le bitume, leurs gros yeux de verre éteints, de même que le Golden Bridge fait sens, traversé à deux heures un matin d’hiver, de même que les yeux de la serveuse du diner de Lexington Avenue à Denver font sens, de même que le flic posté sur la barrière de Beale Street, Memphis, Tennessee, fait sens.

New York c’est la fin du monde tous les soirs
Les types à l’entrée des boutiques
Les talons qui claquent au bord du vide
Les flics qui serrent leur matraques
Rictus comme seuls les Américains
Derrières leurs lunettes
Savent le faire

Et l’odeur de merde qui s’échappe d’une plaque d’égout
Près des poubelles métalliques.

La New Yorkaise a cet air sophistiqué
Qui vous plait tant
Mais j’ai laissé derrière une fille
Montée sur sophistique.

Gare de Denver - 8h de retard pour un train bloqué par la neige

L’arrivée à New York en tirant la valise sur cinquante blocks
Effaré par la puissance de la ville
Mosaïque de personnages,
Cow-boys sortis du Macadam
Couples de gays en jeans serrés
Clochard vociférant
Un tube à éprouvette
Une tour de Babel mise à nue, diluée et explosée
Sur une petite ile
Et qui joue de la guitare a neuf heures devant un supermarché.

Dans la 57eme rue il y a un stand qui vend des hot dogs à un 1 dollar
Puant Suintant Magistral

Une vieille bagnole américaine
Décor de cinéma
Rouille dans un coin
Je suis fatigué triste
Heureux d’être triste
Seul dans New York
Les blessures de la journée
S’effacent, s’apaisent
Et les lueurs de la ville

Qui coupe ta tristesse en deux
Et fait réaliser que tu ne serais mieux nulle par ailleurs
A cet instant précis que dans cette rue
Ou un chat vagabonde et un vieux pensif regarde
Le ciel.

Le flic américain est
Une sentinelle qui se découpe dans le désordre magnifique
Silhouette familière, impassible
La main sur la matraque de l’imagination et
Les insignes qui brillent dans le soleil

Sous-marin dans le port de San Francisco

Ah, déjà la journée perdue dans le Parc Central
A regarder les jolies Américaines lisant
Sagement dans l’herbe et des
Belles étrangères venues en famille
Mais qu’on voudrait bien voir sans famille

Le réservoir, les coureurs et les vélos
Et les voitures tranquilles les jardiniers
Et la sirène anxieuse des flics
Et un clochard est soudain assis là
Entre deux gribouillis à la craie sur le système économique
international et
Aux ongles noirs d’aristocrate.

Et moi qui regarde dans les musées les filles
Autant que les œuvres d’art.

Les calèches d’opérette et les tricycles
Et le Dakota Building et les exclamations des joueurs de base ball
Sur le mur à coté du bar
Est griffonné ce mot rageur
You can go to war and defend your country but
you can’t even get a beer

Dans le resto chinois
Y’ a une princesse noire américaine aux fines boucles d’oreilles
En forme de cœur bouffées de fumée
En sortant du Donkin Donuts
Où j’ai pris un café et un beignet glacé
Oui, en sortant l’orage tombe sur la ville
Comme un singe  distordu électrique
Le camion de pompier numéro 5 hurle soudain
Sous la pluie
Et en rentrant dans le dortoir
Les deux russes, étonnées belles
« Mais tu sors toujours au mauvais moment ! »

Dans l'équipe de retapeurs de maisons (Katrina, New Orleans)

Je suis passé par toutes les gares
De nuit Greyhound d’Amerique
Les files d’attentes et les chauffeurs
Qui jouent aux échecs en attendant
L’heure du depart
“Pittsburgh, New York City
Minneapolis, Memphis, El Paso
Seattle and Cincinnati
New Orleans, Juarez, Chicago »

Ce soir à Detroit
Le Greyhound repose sur la grève
Comme un gros poisson fatigué
Et les files se forment docilement aux portes
1 ,2 ,3,4.

Chicago - structure du métro/ sauterelle métallique

Pour vous mettre en appétit, les premiers paragraphes d’un nouveau texte, terminé il y a quelques jours, et qui s’intitule :

Michigan avenue

Il n’y avait qu’une rue principale à East Lansing, Michigan. L’hiver, les poids lourds devaient ralentir pour traverser la ville, car les trous dans la chaussée recouverte de neige étaient si profonds qu’ils risquaient de faire valser le chargement. C’était cette neige épaisse du Midwest, qui tombe sans crier gare, fait frémir les chauffeurs de bus de nuit et s’infiltre, redoutable, dans les moteurs des locomotives, bloquant en gare les trains et les voyageurs.
On entendait alors les gars freiner sur le verglas des kilomètres avant leur passage, leurs klaxons résonnant dans l’air du soir, pachydermes grincheux et lumineux aux essuies glaces bardés de givre qui finissaient par couper à contrecoeur leurs puissants feux de route.
A force, le passage des highway trucks transformait la chouette couche de neige en une saloperie boueuse qui collait aux bottes des habitants, la slush comme ils disent là-bas au Québec, encore plus haut dans le Nord. Et ce crachat marron longtemps ruminé, malaxé, postillonné par les camions avait vite fait de salir toute la ville si on n’y faisait pas gaffe, l’intérieur des maisons, des voitures, du Great Lake Diner, le seul bar de la ville, du reste, où l’on venait échapper au froid une heure ou deux et discuter autour d’un verre en blaguant avec Zelda, la jeune serveuse rousse que les routiers dragouillaient dès que la patronne avait le dos tourné…
La suite dimanche prochain !
Bonne semaine,
Marc
Et toujours mon Blog :
http://pondruel.wordpress.com/


Delicieux Graisseux Coney Island (New York)

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3 commentaires sur “Michigan Avenue

  • super article Marc, ça m’a donné envie de relire voyage au bout de la nuit, « pour une surprise c’en fut une » , etc, etc.

    Répondre
  • Ces quelques lignes du « Voyage » valent en effet tous les guides de touristes du monde..
    Merci du retour en tout cas!

    J’avais trouvé un jour de geekerie sur Youtube ou dailymotion une video de New York à l’aube, absolument magnifique. Avec les mouettes et les sirènes de bateaux, et les serveuses qui couraient au taff. Joli.

    Répondre
  • Ping : Poisson Rouge » La brinquebale américaine

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