La complainte du partisan

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De toutes les chansons qui ont été écrites pour célébrer la Résistance, l’Histoire aura retenu surtout le Chant des partisans. Le succès mérité de cette chanson en a malheureusement laissé d’autres dans l’ombre, dont une qu’on pourrait considérer comme sa soeur, au titre quasi-identique : la Complainte du partisan.

Les paroles de la Complainte sont d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie et la musique a été composée par Anna Marly, à qui l’on doit également le Chant des Partisans : rien d’étonnant que ces deux chansons soit si proches. Enregistrée par Anna Marly elle-même pendant la guerre, la chanson a été diffusée notamment par la BBC, mais elle disparut rapidement des ondes après la Libération. C’est en 1969 qu’elle va connaître le début d’une nouvelle vie, quand Leonard Cohen, sur son album Songs from a room, en enregistre une version en anglais sous le nom de The Partisan.


Leonard Cohen – The Partisan (1969 HQ Original)

Contrairement au Chant des partisans, hymne à la Résistance en tant que groupe (« Ami si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place »), the Partisan se place sur un terrain beaucoup plus intimiste, voire individualiste. Il s’agit ici d’un partisan qui raconte dans la simplicité son quotidien, ses sacrifices et ses états d’âme. C’est sans aucun doute une des raisons pour lesquelles c’est le Chant des partisans qui a connu le plus de succès après guerre, où l’on préférait alors célébrer l’unité nouvelle du peuple français.

Une autre de ces raisons tient sans doute au pessimisme de la Complainte du partisan, alors que le Chant des partisans est plutôt revanchard et guerrier. Après l’évocation tout au long de la chanson des sacrifices, consentis ou non, la dernière strophe de la chanson ne laisse pas place au doute : le destin du Partisan, une fois son but atteint, c’est de disparaître. La revanche sur l’ennemi ne sera pas synonyme de joie, et elle porte en elle-même une charge immense de tragédie. Elle est là, l’armée des ombres qu’évoquait Malraux dans son discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon !

Le vent souffle sur les tombes
La liberté reviendra
On nous oubliera
Nous rentrerons dans l’ombre


La complainte du partisan

Il est d’ailleurs très intéressant de noter que la traduction anglaise du poème d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, pourtant très fidèle par ailleurs, transforme ce dernier vers en « We’ll come from the shadow », c’est-à-dire « nous sortirons de l’ombre », soit tout le contraire de la version française. On perd à mon avis avec cette traduction ce qui est finalement la force de la chanson, qui a su exprimer l’inéluctabilité du futur des partisans, qui vivent dans l’ombre de la clandestinité quand ils luttent, et dans l’ombre de l’anonymat lorsqu’ils ont vaincu. Ce destin tragique est pourtant ce qui rend d’autant plus beau le sacrifice de ces hommes et de ces femmes.

Un dernier point, avant de conclure cet article. D’après Marc Gaffié, ce qui a poussé Leonard Cohen à chanter the Partisan, c’était de voir comment on pouvait alimenter un combat grâce à une chanson. Il cite notamment cette phrase de Leonard Cohen lui-même : « Une idée curieuse s’est un jour formée en moi, je me suis dit que les nazis ont été renversés par la musique ». Il me semble que cette idée n’est pas si curieuse, et j’avais développé quelque chose d’assez semblable dans un article sur la poésie antifasciste. Il me semble que cette chanson, comme toutes les autres composées à cette époque, participe de ce combat de la pulsion de vie contre la pulsion de mort qu’a été, en partie au moins, le combat contre le nazisme.

Les versions conseillées par le Poisson Rouge :

  • Joan Baez et sa voix extraordinaire passe facilement devant tous les autres. Quelle force dans ces trois notes qui descendent pour ponctuer ses phrases !
  • La version live de Cohen, à l’île de Wight en 1970. Un concert mythique pour une chanson mythique.
  • 16 Horsepower et Noir Désir qui livrent une version très sombre, qui colle à mon avis parfaitement à l’atmosphère créée par le texte
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4 commentaires sur “La complainte du partisan

  • chapeau bas gilles, t’as encore su trouver de rares perles avec cet article… En cette époque maussade et glissante, ça fait du bien d’entendre tout ça. Vraiment, ça m’émeut, merci!!

    « j’ai changé cent fois de nom
    j’ai perdu femme et enfant
    mais j’ai tant d’amis
    J’ai la France entière »

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  • Super article.

    Mythique le discour de Malraux!

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    • You silly little cunt CockHunter. According to you, th8#&ta217;s when you started supporting Arsenal – during the GG years.Make your fucking mind up – you mother fucking piece of shit.

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  • Bonjour ,
    Je pense que c’est un excellent article !!!!!!
    Magnifique !!!!!!!
    Merci !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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