He was new here

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Stand clear of the closing doors, please !

Le sous-marin du Marki nous avait largué sur la rive de l’Hudson, et désormais les rues de Greenwich Village s’offraient à nous. Les buildings étaient loin, mais la Ville était toujours là. Le froid de février était mordant et les autochtones s’étaient abrités derrière les vitrines de cafés accueillants. En cette saison, les touristes étaient plus rares encore que les écureuils, mais un groupe de japonais flânait tout de même autour de Washington Square. Une limousine s’arrêtait devant un fast-food, nous proposant un instantané du rêve américain.

Quelque part sur la 3ème rue, une porte semble nous inviter à entrer. Derrière la porte, un havre de paix, un abri contre le tumulte de la Ville. Un club de jazz comme il en existe tant, affichant sur le mur les photos des gloires venues honorer le lieu de leur présence. À la manière d’un Owen Wilson perdu à Paris, on se prend à imaginer que le type assis au fond n’est autre que le fantôme de Kerouac et que le grand type à côté de lui ne va pas tarder à se lever et à gueuler « blow, man, blow ! » quand les musiciens seront sur scène. Mais les temps ont changé, le thé, l’héro et l’acide ne sont plus à l’ordre du jour, et même la cigarette a été bannie aujourd’hui. La fumée bleue n’accompagnera plus les notes bleues.

C’est le moment que choisit un homme un peu voûté, casquette vissée sur des cheveux gris, pour faire son apparition. Le plus naturellement du monde, il s’installe au piano et commence à se raconter. Une voix chaude et caverneuse, dont on a dû mal à penser qu’elle puisse être celle de cet homme presque chétif, évoque tour à tour la musique, les femmes, la drogue, la prison qui l’a privé de nous, qui nous a privé de lui mais qui a donné naissance à un homme neuf. Mais dans le tourbillon de ses mots, c’est tout ce qu’on a vécu depuis notre traversée de l’atlantique qui s’éclaire sous un jour nouveau. Chicago, New York, les plaines enneigées et les rivières gelées de l’Est américain, le poids de l’histoire de cette nation toujours jeune se mêlent et ne font plus qu’un grâce à cette musique léguée par tous ceux qui ont souffert.

Aujourd’hui, le sous-marin est à quai quelque part entre le bassin de l’Arsenal et le canal de la Villette. Aujourd’hui, New York est loin, et même si les lumières de Manhattan se reflètent toujours sur l’East River, les hot-dogs de Gray’s Papaya n’ont sans doute plus le même goût. Aujourd’hui, Gil Scott-Heron est mort, et malgré la chaleur du printemps européen, c’est un peu de l’hiver américain qui s’est invité à Paris.

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3 commentaires sur “He was new here

  • Ping : Poisson Rouge » The #spanishrevolution will not be televised

  • Je viens de découvrir ce texte, très bien!
    Merci de m’avoir fait découvrir Scott-Heron un soir, à la terrasse d’un café, disque sous blister, écouté à fond en rentrant.
     » Blow, man, blow ! « 

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  • Mais de rien, Marc !
    Merci à toi de m’avoir fait découvrir Sasha G. (je déconne, je la connaissais déjà !)

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