Indigné. Oui, mais comment ?

facebook twitter google tumblr reddit pinterest email

En cette fin de printemps, c’est la Révolution qui semble bourgeonner en Europe. L’hiver arabe a planté ses graines, le Vieux Continent récoltera-t-il les fruits ? C’est ce qu’on peut penser en observant la vague de protestation qui a fini par traverser la Méditerranée et par frapper les côtes du Sud l’Europe : en Espagne, en Grèce, au Portugal et même en France, ceux qui se sont baptisés les Indignés sortent de leur silence et se rassemblent. Inspiré directement de l’occupation de la place Tahrir pendant la révolution égyptienne, ce mouvement propose une nouvelle forme de mobilisation : l’occupation des places des grandes villes du pays.

Voilà nos armes (affiche du mouvement espagnol)

Mais alors que les Espagnols et les Grecs ont semble-t-il réussi à faire naître un véritable mouvement populaire autour de cette mobilisation, le mouvement a du mal à prendre son essor en France. Redshark le soulignait à juste titre mercredi dernier, cela est en partie dû à un manque de revendications claires, mais pas seulement. La forme prise par les mouvements et la méthode de ces nouveaux militants sont également à remettre en cause. Ainsi, il est surprenant de voir que deux évènements comparables, les évacuations par la police de la place de Catalogne à Barcelone et de la place de la Bastille à Paris, ont eu des répercussions radicalement différentes. En Espagne, la répression policière a indigné (c’est le cas de le dire) et le soir même c’est 10 000 personnes qui étaient de nouveau présentes, alors qu’à Paris, le nombre de personnes présentes en AG a diminué. Et ce n’est pas la faute des médias, puisque le traitement médiatique des évènements a été le même dans les deux pays, c’est-à-dire qu’il n’y en a pas eu.

Ce qu’il faut remettre en cause à mon avis c’est la volonté de non-violence totale. Si cette non-violence est judicieuse dans le cas espagnol où l’ancrage populaire du mouvement permet à lui seul de répondre à la répression policière, elle n’est absolument pas efficace en France, à l’heure actuelle en tous cas. Le résultat du refus de la confrontation réelle avec l’ordre en place a conduit à Paris à la disparition physique des rassemblements. Relégué sur le boulevard Richard Lenoir, derrière les tentes des brocantes, le mouvement est devenu invisible et vivote en circuit fermé, sans plus aucun espoir de contamination ni d’élargissement.

Lutte ! (affiche du mouvement espagnol, un peu plus revendicative, comme quoi c'est possible !)

Il faut surtout ajouter que le rejet de la confrontation violente par le mouvement des Indignés ne se limite pas au refus de la violence physique (qui est par ailleurs justifiable dans toutes les situations : personne ne force qui que ce soit à aller à l’abattoir ou à la matraque), mais concerne aussi la violence symbolique, ce qui mène à des situations à la limite de l’absurde. Untel rappelle qu’il est illégal de coller des affiches ? On ne le fera pas. Un autre signale que distribuer des tracts dans le métro est illégal ? On ne le fera pas non plus. On en vient même à demander une autorisation de se rassembler à la préfecture de Paris, qui avait envoyé la veille les gendarmes mobiles, la matraque et les gaz lacrymos ! D’une volonté de non-violence compréhensible, on en est finalement arrivé à un légalisme total complètement aberrant.

Une anecdote, relevée par le site d’@rrêt sur Images, illustre bien le fossé qui existe entre les slogans du mouvement pour la Démocratie Réelle et les moyens qu’il se donne pour parvenir à ses fins. A Tunis, en passant devant un rassemblement festif de soutien au mouvement espagnol, un jeune de 23 ans déclare : « Si nous avions manifesté de cette manière, Ben Ali serait toujours au pouvoir ». En outre, un mouvement qui se revendique de la place Tahrir, où les manifestants ont dû résister pendant plusieurs jours parfois au prix de leur vie contre les assauts des troupes de Moubarak, et qui se déclare ensuite non-violent et légaliste fait doucement rire.

Bats-toi pour tes droits (affiche du mouvement espagnol)

Tant que les Indignés ne comprendront pas que la loi est faite de façon à empêcher tout changement radical dans la société et que l’Etat n’aura jamais de scrupules pour faire usage de la violence de son côté, il est clair que leur mouvement ne mènera à rien. Cela, les militants un peu plus expérimentés le savent bien, et il n’y a pas besoin d’avoir fait des milliers de mouvements sociaux pour le comprendre. Mais voilà, des militants expérimentés il n’y en a pas, ou presque pas, place de la Bastille. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’apolitisme, puis l’apartisanisme affiché comme mot d’ordre dès le départ du mouvement les a fait fuir. L’apolitisme parce que c’est une notion mise en avant uniquement par l’extrême-droite et l’apartisanisme parce qu’il leur fait comprendre qu’on ne veut pas d’eux.

Finalement, que ce soit à travers la question des buts ou celle des moyens, le sujet qu’on aborde c’est celui du caractère révolutionnaire ou non de ce mouvement des Indignés. En ce qui concerne la France, pour l’instant les choses sont claires : il n’y a rien de révolutionnaire chez les Indignés, que ce soit dans le fond, ou dans la forme. Contrairement à ce que certains semblent penser ce n’est pas en étant à la fois non-violent et légaliste, ni en rejetant en bloc les anciennes formes de mobilisation qu’on remet en cause le système, d’autant plus si cela doit diviser les forces progressistes, en éloignant d’un mouvement qui est loin d’être sans intérêt des militants effectivement partisans, mais avant tout sincères dans leur volonté de faire bouger les lignes.

facebook twitter google tumblr reddit pinterest email

Un commentaire sur “Indigné. Oui, mais comment ?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>