Le système Poutine, partie 1/3

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Par Mask

La vie politique russe est à l’image de son pays, à la fois simple comme un shoot de vodka et bordélique comme les propos d’un moujik un peu trop imbibé. Le pouvoir est concentré dans les mains expertes d’un seul homme, Vladimir Vladimirovitch Poutine, ancien haut gradé du KGB devenu président du plus vaste pays du monde. Son ambition, faire gagner la Grande Russie sur l’échiquier du monde, une fin qui justifie à elle seule des moyens terribles… Tchétchènes, journalistes ou adversaires politiques l’ont appris à leurs dépens. Pourtant, 65% de la population russe continue de plébisciter  le maître du Kremlin…

Mais avant de s’attacher à décrire toute l’horreur du système mis en place en Russie par Poutine, il est important de comprendre comment se compose le paysage politique russe depuis la chute de l’URSS en décembre 1991. Les « années Elstine » (1992-1999) qui suivent cette chute sont assez dures en Russie. La thérapie de choc destinée à permettre un passage rapide à l’économie de marché est un tel désastre qu’elle détruit complètement l’industrie et l’agriculture qui passent aux mains de puissants oligarques. La corruption des administrations et de la police permet un développement extrêmement rapide de la mafia. Et, pire que tout pour des Russes très attachés à l’image de leur pays, l’alcoolisme d’un président qui  fait rire le monde entier.

Vladimir Jirinovski

Après ce que les Russes appellent encore les « années noires » apparaît le retour d’un homme fort au Kremlin. Cet homme, c’est l’ancien premier ministre d’Elstine, Vladimir Poutine. On notera tout de suite une différence de style avec son prédécesseur. Le 31 décembre 1999, après la démission surprise de Boris Eltsine, il devient président par intérim. Son premier acte officiel est la signature d’un décret présidentiel assurant à son prédécesseur une immunité totale pour toute poursuite judiciaire possible le concernant, ainsi que les membres de sa famille.

Pour s’emparer du pouvoir et le garder, Vladimir Poutine s’appuie sur le grand parti centriste russe, Iédinaïa Rossiïa (Russie Unie). Fondé en avril 2001, il trouve son origine dans le rassemlement du parti Patrie (dont le maire de Moscou Iouri Loujkov et le Premier ministre Evgueni Primakov sont adhérents), du parti Toute Russie (de Mintimer Chaïmiev) et du parti Unité (de Sergueï Choigou), avait pour vocation de fédérer les voix du centre-droit russe éparpillées entre eux.

Lorsque le président Poutine s’empare du parti en 2002, il en fait un rouleau compresseur de la politique en plaçant ses fidèles (des anciens du KGB pour la plupart) aux postes clés de l’organisation. Les méthodes de ses hommes n’ont guère changées depuis la chute de l’Urss : pressions, intimidations, menaces, violences et même assassinats. Tous les moyens sont bons pour parvenir à leurs fins. Mais la principale force du parti poutinien provient des organisations de jeunesse qui lui sont affiliés : Russie Unie (et l’Etat russe) peut compter sur d’importants mouvements de jeunesse. Les plus « officiels » s’inspirent des anciens Komsomols et des organisations politiques de jeunesse qui alternent missions d’ordre public et actions politiques directes. Les autres sont des groupes paramilitaires.

La première structure d’envergure s’est fait connaître en 2005, sous le nom de « Nashis » (les Nôtres). A la suite des «révolutions de couleur » en Géorgie et en Ukraine, ses 100 000 jeunes militants avaient pour mission d’éviter une «contamination » de la Russie. Vêtus de blousons rouges, ils menaient des actions civiques, appelaient à donner son sang pour la patrie, à visiter les vétérans de guerres et à faire plus d’enfants. Ils invitaient aussi les Russes à boire moins d’alcool… Les Nashis ont été un instrument au service du Président Poutine : tractant et collant des affiches, ils prenaient la rue pour affronter ses opposants. Ils se comportaient souvent avec un certain sens de l’humour, usaient parfois de la provocation mais toujours avec le soutien des autorités. Pour faire masse, ils payaient de jeunes indigents revêtus de leur fameux blouson rouge.

Sûrs de leur impunité, les Nashis, dont certains sont liés à des groupes paramilitaires ou criminels, allaient jusqu’à se livrer à des interpellations de passants, sur la voie publique, pour tester leur «citoyenneté ». On doit d’ailleurs aux Nashis ce magnifique clip de campagne à la gloire de Vladimir Bolchoï (le grand), comme ils aiment à le nommer.

Néanmoins, depuis l’élection de Dmitri Medvedev, l’organisation a été mise en sommeil, car sa réputation finissait par assombrir l’image du Kremlin, à la suite de violences commises contre des ambassadeurs étrangers jugés « russophobes ». Le ministère des Affaires étrangères s’était vu obligé de gérer plusieurs incidents diplomatiques avec l’Estonie, le Royaume-Uni et l’Union européenne.

« Jeune Garde », mouvement officiel de Russie Unie, a pris la relève. Il a récupéré la plus grosse partie des crédits alloués à ses prédécesseurs, dont les plus présentables ont été « recyclés » dans d’autres activités. Jeune Garde dépend d’un seul homme : Poutine. Vus de l’extérieur, ses militants ressemblent à ceux des mouvements de jeunesse attachés aux grands partis en Occident, avec en prime un discours très axé sur la lutte contre l’immigration et la défense du régime des attaques « des ennemis intérieurs et extérieurs », vaste programme…

Parallèlement, des organisations paramilitaires – comme le Mouvement contre l’immigration illégale (MCII) – ont créé des «groupes d’autodéfense populaire ». Ils affirment vouloir « rassembler les citoyens de souche, pour une opposition organisée aux actions agressives des migrants criminels ». Dotés de « bases sportives » et de moyens importants, les membres du MCII s’entraînent au tir, pratiquent les sports de combat et ont l’obligation de s’équiper d’armes de chasse ou d’armes à air comprimé.

La plupart de leurs « troupes » sont recrutées parmi les supporters ultra-violents et racistes des clubs de football des grandes villes (CSKA et Spartak Moscou ou Zénith de St Pétersbourg) et parmi les rangs des nombreux boneheads qui pullulent dans la capitale russe.

La suite de l’article, la semaine prochaine.

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10 commentaires sur “Le système Poutine, partie 1/3

  • Molodiets !! J’attends la suite avec impatience. Et serais curieux de lire ton analyse du PNB de Limonov

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  • Sas commenter directement l’analyse, sur laquel je diverge, je ferai remarquer des erreurs, certes « insignifiantes » mais qui porte largement préjudice à l’article.
    En effet, les postes politiques des divers acteurs, ne sont pas clair du tout dans le temps.
    Par exemple: Ievgueni Primakov est présenté comme « premier ministre », chose qu’il n’est ni aujourd’hui, ni lors de la fondation de Russie Unie! (-Iouri Loujkov- n’étant lui non plus Maire de Moscou).
    De même lorsqu’on présente Poutine comme le « premier ministre de Eltsine » c’est un peu cours dans le sens où Poutine (qui remplace Primakov), sera premier ministre moins de 6 mois (ce qui souligne, la manœuvre politique de Eltsine et que Poutine est quasiment un inconnue à ce moment là…)
    Dans la même veine de clarté, le Congrès de Fondation de Russie Unie à lieu le 1er Décembre 2001. Le 12 avril, il s’agit d’une déclaration politique de visé à l’unité des Partis Unité et Patrie. Si il peu s’agir de « subtilités », ce sont de celles qui font choisir par exemple entre Mai 2007 et Fevrier 2009 pour la Fondation du NPA.

    cordialement,

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  • je ne comprends pas trop votre message, Ievgueni Primakov a été premier ministre de 98 à 99, donc quand on le cite il faut juxtaposer le terme premier ministre (simple usus).Iouri Loujkov a été maire de Moscou de 1992 à 2010, c’est en cette qualité qu’il est nommé ainsi. Poutine sera premier ministre de Eltsine à partir de 1999. Inconnu effectivement au début, il va connaitre une large soutien populaire assez rapidement. Bref pas d’erreurs de la part de l’auteur.
    Ce qui serait intéressant serait de donner votre analyse divergente, parce que là franchement…

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  • Bonjour,

    Non, il s’agit d’une règle essentiel de Français. l’utilisation du présent laisse deviner qu’il était premier ministre à l’époque des fait (ou aujourd’hui). Cité Primakov en sa qualité de « premier ministre » alors qu’il a perdue se poste deux ans auparavant au profit de Poutine et qu’il a donc essuyé un grave revers au sein de son parti, laisse présumer à une importance politique qu’il n’avait plus à l’époque des faits! Primakov fut un adversaire de Poutine et n’avait aucun poste à la fondation de Russie Unie, c’est grace à celui-ci, qu’il ré-occupe un poste politique (président de la Chambre d’industrie) à partir de Décembre 2001.
    C’est en effet une erreur de présenter un homme politique en difficulté comme l’un des hommes de premier plan du pays en sa qualité de « premier ministre ». Celui-ci avait finalement dù, lors des éléctions de 2000, abandonner les élections présidentiel au profit de Poutine (sans contre-partie de postes au gouvernement!, de plus lors des législatives son organisation « Mère-Patrie » (ou partie Patrie)membre d’une coalition disparate allié au parti Toute Russie n’a obtenue que 13,3% des suffrages (pour au final 69 sièges sur 450) Il ne s’agit donc pas d’une alliance du chef du parti au Pouvoir!
    Ce n’est pas car, c’est écrit sur wikipédia que c’est vrai…

    De même Vladimir Poutine ne s’appuie pas sur Russie Unie pour « prendre le pouvoir et le garder ». Car d’une part Russie Unie n’existe pas au moment ou Poutine fait son ascension au pouvoir et est élue président, d’autre part les partis qui le compose sont pour une bonne part des ennemis du systéme Eltsine dont Poutine se sert pour prendre le pouvoir (le dernier proche de Eltsine évincé du pouvoir l’est en 2004). C’est d’ailleurs la défaite de l’Alliance (voulue temporaire) contre Poutine (rappelons le score de 13,3%, comparer au KPRF -parti communiste- à plus de 24%)qui va pousser à la création de Russie Unie.
    Poutine ne rejoignant le Parti qu’en Septembre 2003, (après avoir aidé poussé à liquider certain de ses cadres de l’aires Eltsine, comme Boris Berezovsky par exemple -qui comble de l’ironie l’avait déjà fait élire ministre!-) et sera intronisé candidat soutenue par le parti en décembre 2003 seulement!
    Si aujourd’hui Russie Unie est bien l’arme de Poutine, c’est loin d’être elle qui lui a permis de prendre le pouvoir. Il était d’abord héritier du système Eltsine (et sa premiere décision fut bien d’empécher toute poursuite contre lui et sa famille), il a ensuite durant sa présidence liquider une partie de l’oligarchie, trop visible, trop encombrante, ce qui a d’ailleur aider à construire son image de grand président en chassant des profiteurs; c’est par la suite qu’il rejoindra Russie Unie. On pourra même noter que la dernière évictions de l’entourage d’Eltsine à lieu lorsque Russie Unie le choisie finalement pour candidat.
    Il s’agit d’un « changement de camps » de Poutine.

    Donc voila pour les précision et les « divergences d’analyses »

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  • Voila c’est bien mieux et plus intéressant à part le début ( le présent… mouais,faut pas déconner ) . pour votre analyse je suis assez d’accord avec vous, mais je pense qu’elle vient en complément de l’article à mon sens. L’article traite de ce qu’est devenu le parti Russie Unie et non de la prise de pouvoir de vladimir poutine et de la formation de Russie Unie Reste à l’auteur peut-être de venir clarifier la chose s’il en sent le besoin.

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  • Mais très intéressant quand même;

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  • Bonsoir,

    D’une part, il est vrai que j’aurais du présenté Primakov et Loujkov comme respectivement ex-premier ministre et ex-maire de moscou… Cependant même si il est « un peu cours » de présenter Poutine comme le premier ministre de Eltsine, il le fut pourtant et à ce titre je ne vois pas pourquoi il faudrait le présenter autrement. De plus le qualifier d’inconnu n’est pas totalement vrai (en Russie du moins) puisqu’il fut quand même le directeur de FSB et à ce titre une personnalité publique russe de première ordre (surtout en période de conflit latent avec les « terroristes tchétchènes »)… Ce fut d’ailleurs lui qui relança le conflit « ouvert » en Tchétchénie suite aux attentats qui frappe Moscou en septembre 1999. L’image d’un homme de fer qu’il s’est formé lors de son ministère sous Eltsine et pendant l’intérim a grandement contribué à son élection en 2000.

    Quant au fait que j’ai présenter Russie Unie comme l’instrument qui lui a permit de « s’emparer du pouvoir » je reconnais bien là une mauvaise formulation de ma part (j’ai un peu trop synthétisé sa prise de pouvoir à la réflexion). Cependant c’est bien sa prise de pouvoir au sein du parti Russie unie (qui s’apparente à la récente éviction de Prokhorov au sein du parti Russie Juste) qui lui a permit de placer ses « hommes de main » au postes-clés de la Russie et notamment dans les médias et la justice. Ainsi, on pourrait considérer qu’il « s’empare » du pouvoir en sens large (en non seulement du pouvoir politique)… Mais je reconnais sans peine que je passe très (trop) brièvement sur ce fait que j’aurais du davantage étayer.

    Cordialament,

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  • Le clip est extrêmement classe!

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