La Cour d’assises spéciale de Paris, tribune de Carlos

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Le public et les journalistes étaient au rendez-vous au premier jour du procès de Ilich Ramirez Sanchez, dit Carlos ou le Chacal, à la cour d’assises spéciale de Paris le lundi 7 novembre. Celui qui est jugé pour quatre attentats commis en France en 1982 et 1983 ne semble pourtant pas s’en inquiéter. Bien en chair, le front dégarni et la moustache fine, Carlos, qui se dit « révolutionnaire de profession », se tient dans le box des accusés comme s’il assistait à un spectacle, qu’il anime lui-même la plupart du temps. Le sourire accroché aux lèvres, il échange régulièrement quelques mots avec Me Coutant-Peyre, son avocate depuis 14 ans qu’il a épousée en 2002, alors qu’il était incarcéré. Carlos se sent suffisamment à l’aise pour interrompre le président de la cour d’assises, Olivier Leurent, et l’appeler « mon ami ».

poisson rouge

Croquis d’audience de Carlos, hier. Dessin AFP/Benoît Peyrucq

Même s’il se tient seul dans le box des accusés, Ilich Ramirez Sanchez est jugé avec trois autres personnes. Le palestinien Alikamal al Assawi, actuellement introuvable, l’allemand Johannes Weinrich, qui purge une peine de prison pour d’autres faits en Allemagne et Christa-Margot Fröhlich, qui a fui la France et que l’Allemagne refuse de remettre aux mains de la justice française. Comme Carlos, ces trois accusés son mis en cause dans les explosions du train le Capitole Paris-Toulouse à Ambazac, de la rue Marbeuf dans le 8e arrondissement de Paris, du TGV Marseille-Paris à Tain-l’Hermitage et de la gare Saint-Charles à Marseille. Ces quatre attentats avaient fait 11 morts et 150 blessés. Durant cette première audience, les avocats de la défense n’ont cessé de remettre en question la validité de ce jugement. « Ce procès m’indispose, il s’ouvre 29 ans après les faits », a déclaré Me Ripert, un des conseils de Christa-Margot Fröhlich, accusant « les assassins qui [le] commandent». Soutenant son confrère, Me Coutant-Peyre à quant à elle fustigé « cette cour, composée de malfrats ». Pendant ces déclarations, Carlos opine du chef, un léger sourire aux lèvres. L’audience a été marquée par une décision importante : l’irrecevabilité de la Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs (Fenvac) en tant que partie civile. Pour être recevable, une association doit se prévaloir de cinq années d’existence pour pouvoir agir en justice. Or, créée en 1994, la Fenvac n’a étendu son objet au terrorisme qu’il y a deux mois seulement. Arrogant, Carlos va jusqu’à interrompre un magistrat pour lancer à l’encontre de Françoise Rudetzki, représentante de la Fenvac qui se tenait encore aux côtés des parties civiles, du côté de la cour à proprement parlé et non du côté du public : « Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle doit aller de l’autre côté ». Cette intervention en dit long sur la position de l’accusé quant aux faits qu’on lui reproche.

Quand il ne prend pas la parole pour commenter l’audience, il le fait pour dénoncer la mort du colonel Kadhafi et « l’Etat raciste et sioniste d’Israël qui nous coupe nos terres ». A la suite de ces déclarations, un tonnerre d’applaudissements qui provient du fond de la salle indigne l’assistance. On réalise alors que le Chacal n’est pas seul. Le « comité de soutien à Ilich Ramirez Sanchez, le commandant Carlos » est au complet. Son président, qui n’est autre que Dieudonné, est aussi présent. Quand il quitte l’audience, peu de temps après être arrivé, ce dernier  ne manque pas de le faire savoir à toute la salle. Suivi de son garde du corps, il passe lentement entre les bancs de la presse pour se rendre devant le box de l’accusé qu’il salue. Carlos lui répond en lui envoyant un baiser. L’association des Black Panthers Party, qui a pour Ministre Francophone Kemi Seba depuis 2010, est également venue gonfler les bancs pour soutenir l’accusé. Son représentant me déclare qu’ils se sont déplacés pour venir « soutenir Carlos contre l’impérialisme ».  Entouré, le Chacal ne se prive pas de lever le poing en signe de ralliement à ses soutiens ou de leur adresser régulièrement des sourires ou des hochements de tête. Sollicitée pour venir témoigner au procès, Magdalena Kopp, qui a épousé Carlos en 1991, a quant à elle refusé, expliquant dans une lettre qu’il lui était « impossible de témoigner pour ou contre [son] conjoint et père de [leur] fille ».

Un révolutionnaire qui suscite la curiosité

La foule qui se presse dans la file d’attente destinée au public est hétérogène. S’y trouvent des personnes âgées, pressées à l’idée de voir en chair et en os celui qui a fait partie de leur époque, des jeunes, curieux de voir un terroriste dont ils ont lu les faits, des témoins, et les soutiens du commandant Carlos. Alors que j’attends, une petite dame ridée me demande les yeux émerveillés si je suis allée à l’audience de la matinée. Elle me questionne sur l’âge et l’état de santé du Chacal, tout en affirmant qu’il ne doit plus être si jeune maintenant. Cette curiosité semble teintée d’une certaine fascination, et je suis étonnée quand cette dame m’apprend qu’elle vivait à Paris lors de l’attentat de la rue Marbeuf. Elle me décrit le vent de panique qui avait soufflé sur la capitale, l’horreur suscitée par cette explosion survenue à 9h du matin en plein 8e arrondissement. Je reste intriguée un moment par cette attitude : un discours très dur face à cet homme, pourtant doublé d’une envie impatiente de le voir. Les temps et les mœurs n’ont donc pas changés : les gens restent épouvantés et fascinés face aux « monstres » que l’on juge. A mes côtés, une femme d’une cinquantaine d’années m’explique sa surprise quand elle a vu tous ces jeunes patienter pour assister au procès. Pour elle, ce jugement lui « rappelle son époque tout en restant très actuel ». Les quelques étudiants que j’interroge m’expliquent pour la plupart qu’ils sont présents car ils doivent assister à un procès en assises. L’un d’eux se trouve là « par hasard », car il vient de s’inscrire en master de droit. Un autre étudiant, manifestement étranger, est venu pour Carlos. Il souhaitait assister au procès de « ce personnage célèbre, voire historique » comme il le qualifie. Ilich Ramirez Sanchez fait peut-être partie de l’histoire, mais il s’inscrit encore dans le présent, comme le montre la foule qui se presse pour l’apercevoir et les soutiens dont il bénéficie encore aujourd’hui. Malgré la figure qu’il représente, il faudra que Carlos accepte de s’exprimer sur les faits qui lui sont reprochés, car il ne semble pas encore avoir pris conscience des raisons pour lesquelles il est jugé dans cette Cour d’assises spéciale de Paris.

 

Bloknote

 

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5 commentaires sur “La Cour d’assises spéciale de Paris, tribune de Carlos

  • mui bien mui bien cet article. C’est vraiment intéressant de voir que ce mec est un peu l’image même d’un certain « altermondialisme de lutte », autrefois audacieux (ou presque), bien vite tombé dans l’antisémitisme et les travers identitaires. Un peu comme Kemi Seba, Soral ou Dieudo en fait… Pas étonnant qu’ils le soutiennent.
    Malgré ça, je trouve tout de même l’image du bonhomme assez géniale: 30 ans après l’attentat de Marbeuf, le bougre est toujours là à faire bisquer la république… Ce côté là me plaît sincèrement.
    Et puis, le communisme romantique ne fait plus vibrer personne aujourd’hui. Lui, peut être encore un peu.
    Mais bon, n’oublions pas qu’il fut barbouze soviétique avant guévariste, et que ceci témoigne du paradoxe du garçon.

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  • C’était une discussion à une voix. Merci d’avoir écouté attentivement.

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  • Encore encore clap clap clap (demande de rappel)

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  • Mais les discussions à une voix sont toujours les bienvenues! Merci pour cet avis!

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  • Malgré ça, je trouve tout de même l’image du bonhomme assez géniale: 30 ans après l’attentat de Marbeuf, le bougre est toujours là à faire bisquer la république… Ce côté là me plaît sincèrement.
    Et puis, le communisme romantique ne fait plus vibrer personne aujourd’hui. Lui, peut être encore un peu.
    _______

    Et bien voilà un homme qui a des cou.il.les, un vrai!
    Messieurs les nostalgiques (du IIIè reich), prenez-en de la graine! vous dont l’attitude est à l’image de ce que vous êtes. Uberman et Antepax, les pauvres petit fachos frustrés qui ne supportent pas la contradiction…de sympathiques lurons…

    Carlos lui au moins n’est pas dans votre idéologie mensongère.

    Si seulement les petits facho de fdsouche pouvaient faire un peu preuve de courage et de talent comme Carlos!

    Pour l’instant je ne vois que quelques adolescents en manque de sensations qui se gargarisent sur le web…

    Les mêmes que ceux montrés dans la vidéo en somme!

    Bonne nuit les petits, je vais rêver de Carlos l’homme de l’idéologie véritable, qui a le courage de passer à l’acte lui au moins, un peu comme nous, pour ceux qui savent qu’on ne rigole pas sur ce blog

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