Mali : journée de mobilisation contre le coup d’Etat

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Par Jean Balthazar, correspondant poisson rouge à Bamako

Un meeting des « forces vives » de la nation anti coup d’état s’est tenu ce lundi à 10 heures à la bourse du travail de Bamako, boulevard de l’indépendance. Majoritairement membre du front uni pour la restauration de la démocratie, un front de 38 partis et d’associations, « ces démocrates » portaient comme étendard l’article 121 de la constitution du Mali dénonçant comme « crime imprescriptible contre le peuple » tout coup d’état ou putsch. L’arrivée tardive de Soumaila Cissé (voir déclaration), candidat à l’élection présidentielle, a été dénoncée par certains comme une récupération politique malgré la présence de nombreux supporters. Dans le même temps, la radio Kayira recevait le mouvement populaire du 22 mars, « soutient politique » de la junte.

Les locaux ainsi que la cour de la bourse du travail étaient ce lundi remplis de bamakois exaspérés par la situation qui prévaut dans le pays. Le meeting a duré un peu plus d’une demi-heure. Mais, les messages libellés étaient clairs : « Les militaires au front, le pouvoir au peuple », « Dégage Sanogo ! », « A bas les putschistes ! », « Vive la République, vive la démocratie ! ». Plusieurs dizaines de politiques, d’étudiants et de syndicalistes ont désavoué les putschistes. Siaka Diakité secrétaire général de l’UNTM a indiqué : « Nous ne tolérons pas qu’on hypothèque notre démocratie. Dès aujourd’hui, (nous) vous promet(tons) un plan d’action pour la restauration de la démocratie ». « Ce sont ceux qui disent non au pouvoir militaire qui sont là. Nous avons décidé de créer un front uni (politique et civil) », a précisé Iba Ndiaye, 1er vice-président de l’Adéma/PASJ (Alliance pour la démocratie au Mali/ parti africain pour la solidarité et la justice). Hamadoun Traoré, secrétaire général de l’AEEM, insiste sur le fait que « les militaires doivent retourner dans leur caserne. Chacun de nous doit se battre pour la démocratie ». Tandis que pour Yaya « Tom » Touré avocat et président de la fédération malienne de rugby, « la situation politique du Mali relève tout simplement de la catastrophe. (Il) ne peut pas comprendre que des mutins fassent irruption sous aucun prétexte sur la scène politique, s’accaparent du pouvoir, dissolvent les institutions et suppriment la constitution.» Selon lui, la solution pour faire « partir les militaires » et « pour éviter un bain de sang », est « la désobéissance civil total qui est la meilleure arme pour les combattre » « Il faut que les mutins savent qu’ils ne peuvent pas gérer le Mali sans l’accord du peuple. » « S’ils veulent être chef d’état, qu’ils enlèvent la tenue militaire, et qu’ils se présentent aux élections présidentielles comme tout le monde. Sans quoi, qu’ils dégagent !»

Mouvement Populaire

Après le meeting, certains jeunes scandaient « libérer l’ORTM (Office de la Radio Télévision malienne) ». Ceux-ci s’étaient fixés pour but la « libération » de l’office occupée par les militaires depuis mercredi. Après avoir pris la direction du centre ville où se trouve le bâtiment, ces jeunes ont décidé de rebrousser chemin après plusieurs débats interne à leur élan. Dans le même temps, Mohamed Daou journaliste au quotidien les Echos, a assisté à une conférence de presse du MP22, le mouvement populaire du 22 mars au siège de la radio Kayira dans le quartier de Djélibougou. Pour lui, le MP 22 révélé que la gestion de la crise du Nord doit être le préalable des préalables du Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l’Etat. Oumar Mariko, secrétaire général du parti Sadi (solidarité pour la démocratie et l’indépendance) a répété ne pas être « gêné par le coup d’Etat du 22 mars. Nous soutenons le régime du Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l’Etat (CNRDRE) ». Mohamed Daou nous déclarait que « tout au long de la conférence, le Mouvement populaire du 22-Mars a admis que l’atmosphère politique était assez lourde ces derniers temps dans notre pays compte tenu de deux évènements majeurs : les élections qui ont fait l’objet de beaucoup de débats contradictoires et la guerre du Nord qui a pris des tournures que le Mali n’a jamais connu et qui mettaient en cause les fondements du pays. « Cette guerre a révélé que les forces armées étaient démunies, l’armée a connu des difficultés énormes : des morts, des blessés, des exilés », a admis le leader du MP-22. » »

Déclaration de Soumaila Cissé candidat à l’élection présidentielle.

Son arrivée tardive était selon lui due à une convocation à Kati (camp de base de la mutinerie et quartier général de la junte) pour rencontrer le capitaine Amadou Sanogo, chef de la junte, à la recherche d’un premier ministre. Monsieur Cissé déclare lui avoir répondu qu’il « ne sera pas le premier ministre du comité ». « Je lui ai dit clairement, nous sommes contre le coup d’état, nous pensons que ce n’est pas la bonne période pour faire un coup d’état. Il y a des problèmes urgents dans ce pays. Ils (les mutins) ont la responsabilité de la sécurité intérieure de ce pays, avec tous les casses qu’il y a à Bamako. Ils ont la responsabilité de la sécurité au Nord qui est aussi de leur domaine de compétence. Nous exigeons le respect de la constitution, que les délais (des élections) soient respectés. Nous demandons l’ouverture des frontières, et nous demandons la libération des camarades qui sont emprisonnés arbitrairement. Nous avons insisté pour dire que c’est notre position, que nous sommes dans un pays démocratique. Dans un pays démocratique, il y a des voies et des moyens pour arriver au pouvoir. Le monde a changé, le peuple ne peut plus accepter de tels actes. Le Mali et les populations du Mali, nous nous en inquiétons. Si ils aiment le Mali, nous aussi nous l’aimons. Ce qui caractérise le malien est de dire la vérité où qu’elle est. La vérité est qu’aujourd’hui, si nous coupons avec la communauté internationale, demain il n’y aura plus à manger à Bamako ; demain il n’y aura plus de carburant à Bamako… »

Soumaïla Cissé

Maitre Amidou Diabaté, ancien ministre de la justice et 1 er vice président du Parena, parti pour la renaissance nationale, a répondu à nos questions en marge du meeting « du front pour la restauration de la démocratie. » En 1991, il a fermement combattu en tant que membre du parti Cenid (Comité d’initiative démocratique) pour l’instauration de la démocratie.

Quel est votre sentiment par rapport à la situation qui prévaut aujourd’hui au Mali ?

Tout le monde convient que le coup d’état est un recul, que c’est un déficit de démocratie, et ça n’a pas attiré l’enthousiasme des masse parce que les populations n’ont pas spontanément soutenu, cela doit amener les auteurs du coup d’état à réfléchir. On ne fait pas un coup d’état contre un régime qui n’a plus qu’un mois à vivre. Ce coup d’état n’a pas été fait contre ce régime, il a été fait contre la classe politique qui se bat pour mettre en place une nouvelle direction et un nouveau régime politique. C’est contre cette classe qu’on a fait un coup d’état! Donc c’est contre le processus démocratique et électoral qu’a été fait ce coup d’état, c’est pas contre le président ATT, parce que lui il était déjà parti.

Quelle est donc selon vous la meilleure solution pour que les mutins quittent le pouvoir ?

Je crois en la mobilisation des masses, des populations elles mêmes. Je crois que les populations commencent à montrer qu’elles ne s’accommodent pas d’un coup d’état. Contrairement à ce que les gens ont pensé, Mars 1991 n’était pas un coup d’état, c’était une révolution populaire qui a été accompagnée par des militaires. Aucun militaire ne s’est réveillé un matin pour dire je vais prendre le pouvoir ! C’est les gens qui se sont levés, qui se sont fait tuer dans les rues de Bamako, et c’est après ça que l’armée est venue pour accompagner le processus démocratique, le processus populaire. Mais cette fois ci, les militaires se sont réveillés, et ont dit que l’armée était mal dotée donc il fallait un coup d’état. Donc nous on s’attend à ce qu’ils partent au front, mais curieusement, ils ne partent pas au front, au contraire, ils quittent le front. Ce n’était pas ça le motif. Maintenant, ils commencent à dire que le pays était mal géré. Tout le monde convient que le pays était mal géré, mais il ne restait qu’un mois pour mettre fin à cela. On ne fait donc pas un coup d’état pour gérer pendant un mois. Maintenant, je pense qu’il faut appeler les militaires à comprendre que le processus issu du coup d’état ne peut pas aller loin. Il faut qu’ils composent avec la classe politique même si ils se méfient d’elle. C’est la classe politique qui s’est battue pour instaurer la démocratie donc dire qu’ils se méfient de la classe politique n’a aucun sens. Tout ce qui a été réalisé ces vingt dernières années est le fruit de la classe politique, des hommes politiques. Ce n’est pas un militaire qui a fait ça. Même ATT, ce n’est pas en tant que militaire qu’il a fait ça ! C’est la classe politique debout qui a construit le Mali en vingt ans. Il ne faut pas qu’on croit, en disant que c’est mal géré, qu’il faut écarter la classe politique : se serait une erreur. La place des militaires, c’est d’assurer la sécurité des personnes ou des biens et assurer l’intégrité de notre territoire. C’est leur rôle ! Je suis d’accord pour dire qu’il faut leur donner tous les moyens qu’il faut pour assurer cela. Il faut les mettre dans les conditions, mais leur rôle, ce n’est pas de gouverner. Gouverner, cela appartient aux hommes politiques, c’est leurs métiers. Ils vouent leur vies à ça, ils ne font que ça et ils ont tout sacrifié à cela.

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