S comme… sociale ?

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L’évènement économique et politique de la semaine était, vous n’avez pas pu passer à côté, le retour annoncé de la TVA sociale, rebaptisée pour l’occasion TVA anti-délocalisation. En se parant des atours du protectionnisme, la Sarkozie a dévoilé sa carte sociale qu’elle jouera sans aucun doute jusqu’au premier tour des présidentielles, sur le mode du « plus c’est gros plus ça passe ». Parce qu’évidemment, tout cela n’est qu’une bonne grosse entourloupe dont le gouvernement s’est fait une spécialité depuis cinq ans.

Rappelons tout d’abord que la TVA est l’impôt le plus inégalitaire qui existe, puisqu’il est assis sur la consommation. Si l’on rapporte le montant de TVA payé au revenu total d’une personne, une personne qui épargne plus aura un taux d’imposition virtuel plus bas qu’une personne qui n’épargne pas du tout. Or qui épargne le plus ? Les riches. Donc la TVA est un impôt dont le taux diminue globalement avec le revenu. Autrement dit l’inverse de la justice fiscale.

Mais le dispositif inventé par l’UMP rajoute encore une couche à cette injustice. Dans l’esprit des économistes malades qui l’ont inventé, il ne s’agit que d’un transfert de charges. Dans le prix final d’un produit, on compte, disent-ils, d’une part son coût réel de fabrication, et d’autre part le montant de l’ensemble des taxes versées à un moment ou un autre : cotisations patronales, cotisations sociales, et TVA évidemment. Il s’agit de ne pas modifier ces deux montants, et de rééquilibrer la répartition des différentes taxes, en diminuant les cotisations patronales et en augmentant la TVA. Résumé par Christian Estrosi sur France Inter il y a quelques jours, cela donne le principe suivant : « ce que payait le travailleur sera payé par le consommateur ».

Il y a déjà dans cette phrase deux erreurs. La première, c’est que ce ne sont évidemment pas les salariés qui paient les cotisations patronales, mais les patrons (c’est même dans le nom, hein…), et que rien ne permet de garantir que le bonus que vont gracieusement toucher les employeurs se répercutera sur le salaire. On peut toujours faire appel à leur bonne foi, mais depuis le coup de la TVA réduite dans la restauration, plus personne n’y croit. Mais si ! Souvenez-vous, « la TVA baisse, les prix aussi », c’était marrant comme blague ça non ?

Courronnée affiche la plus drôle de l’année par un jury de spécialistes.

La deuxième, c’est évidemment qu’il y a beaucoup de gens qui sont consommateurs (il faut bien manger), sans pour autant être travailleurs : on appelle ça des chômeurs, et il y en a malheureusement de plus en plus depuis que Nicolas Sarkozy a franchi le perron de l’Elysée. Eux vont perdre à coup sûr en ne bénéficiant pas de la baisse des cotisations mais en subissant de plein fouet la hausse de la TVA.

Là où la manœuvre est censée préserver la France des méchantes délocalisations, c’est parce qu’elle ne touchera que les produits français. Les produits fabriqués à l’étranger seront soumis à la hausse de la TVA, mais le coût de fabrication ne sera pas réduit, à moins de s’aligner sur la baisse française du coût du travail (voilà une belle définition du dumping social non ?). Du coup, leur prix va augmenter, rendant les produits français relativement plus compétitifs. Outre le fait que ce gain de compétitivité sera ridicule (sans doute de l’ordre de 1 à 2%) et bien loin de changer quoi que ce soit à l’ordre commercial mondial, le résultat sera surtout une augmentation globale des prix pour les consommateurs français… Bin oui, si les prix des produits fabriqués en France ne change pas et celui des produits fabriqués à l’étranger augmente, en moyenne ça fait plus sur le ticket de caisse…

On résume donc. D’un côté, une baisse des cotisations patronales, qui vient s’ajouter à la longue liste d’exonérations inutiles censés sauver l’emploi et sauvant surtout le portefeuille des patrons. De l’autre, une augmentation mécanique des prix, sans garantie d’augmentation de salaire pour les travailleurs, et sans augmentation des minimas sociaux. Pas besoin d’aller plus loin pour comprendre à quel point l’adjectif « social » est usurpé par l’UMP, dans la plus pure tradition du retournement de sens de la propagande libérale…

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10 commentaires sur “S comme… sociale ?

  • ON peut rajouter à ton article une catégorie de la pop qui va être pénalisé par ce dispositif : les retraités. Ni salariés, ni patrons, simple consommateurs. Déjà que les retraites sont minces… Bref merci de nous éclairer sur ce point. S comme sociale ou comme salaud aussi.

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  • Pour ma part j’aime bien l’idée d’une « TVA sociale », puisque en principe ça valorise l’emploi et fait peser l’impôt sur la consommation.Ce qui est une bien meilleure dynamique.
    En outre on peut limiter l’augmentation au taux normal, de sorte que les produits essentiels ne soient pas touchés. ( Ce qui aurait pour effet de compenser le côté inégalitaire de l’impôt )

    Néanmoins toute réforme fiscale doit s’inscrire dans un tout, être étayée par des chiffres, être transparente, de sorte que les personnes et les comportements ciblés apparaissent clairement.Vu que c’est très loin d’être le cas et que les dirigeants sont pas foutus de faire une réforme globale, ça sera de la connerie. ( Rq : ça s’applique aussi à l’idée « brillante » de mixer la CSG et l’IRPP -_-«  »)

    Et

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  • D’accord sur le fait qu’une réforme fiscale ne peut se faire que d’un point de vue global.
    Par contre, dans le cas français, où l’essentiel de la croissance repose sur la consommation, je ne pense pas que faire peser l’impôt sur la consommation soit une si bonne dynamique que ça. Et surtout, ça ne règle pas du tout l’injustice du taux d’imposition régressif de la TVA par rapport au revenu.

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  • Comme tu dis « en principe ». On l’a vu pour toute les mesures du gouvernement depuis 5 ans et plus. LA baisse de la fiscalité, le bouclier fiscale, la baisse de la tva dans la restauration etc… n’a jamais favorisé l’emploi. UNe des solution,s sarkozy la découvre 3 mois avant la fin de son mandat : l’embauche dans les entreprises de l’etat (à voir la proposition de la SNCF pour les salariés de l’entreprise seafrance); A croire qu’il serait devenu communiste le bougre

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  • « l’essentiel de la croissance repose sur la consommation » => Source ? Ca me paraît largement douteux vu qu’on importe beaucoup. ( Et puis quelle croissance d’abord ? :p Blague )

    Pousser les gens à épargner un minimum me paraît plutôt bien. On est plus en circuit à peu près fermé comme aux moment où certaines théories économiques ont été formées. Notre consommation fait la croissance de l’asie et autres. A partir de là mieux vaut thésauriser, ce qui peut être vecteur de stabilité.

    « Et surtout, ça ne règle pas du tout l’injustice du taux d’imposition régressif de la TVA par rapport au revenu. »
    Ce que je sais ne va pas dans ce sens. Dire qu’il est à peu près proportionnel serait plus juste. Comme je l’ai fait remarquer, les riches ont sans doute plus tendance à payer le taux normal, les gens moins riches le taux réduit. Ce qui équilibrerait sans doute le fait que les riches thésaurisent plus. Sans compter qu’il faut prendre en compte le fait que l’argent thésaurisé est taxé aussi. Bref, dire comme ça que la TVA est régressive, je ne pense pas que ce soit pertinent. Dire qu’elle est proportionnelle rejoint au moins la réalité théorique.

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  • Voilà ma source : http://insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF08120
    La croissance du PIB est depuis 2006 au moins pour moitié dûe à la croissance de la consommation.

    Quant à vos remarques sur la TVA, vous pouvez y mettre autant de « réalité théorique » que vous voulez, elles sont toutes fausses :
    -Le taux réduit ne compense pas les différences de proportion de consommation (d’ailleurs les oeuvres d’art bénéficient de la TVA à 5.5%, et je ne pense pas que ce soient les pauvres qui achètent du Jeff Koons)
    -Les riches ne thésaurisent pas, ils épargnent, ce qui n’a absolument rien à voir. Les pauvres thésaurisent plus par contre. Epargner, c’est utiliser de l’argent pour acheter des biens qui rapporteront dans le futur (produit d’épargne, placement financier). Thésauriser, c’est garder une somme d’argent de côté, qui se dévaluera, ce qui n’a aucun intérêt (et qui n’est évidemment pas taxé).
    -Et l’épargne n’est pas taxée : personne ne prélève une partie de ce que vous placez sur un compte. Il arrive par contre que les revenus de l’épargne soient taxés, mais c’est encore autre chose…

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  • Donc si on consomme le PIB monte ? Donc c’est bien de consommer ? Endettez vous braves gens. Personnellement je doute depuis un moment de la pertinence de la PIB comme indicateur de la vivacité économique d’un pays.
    Et merci de m’avoir repris sur la signification du terme thésauriser, que je mécomprenais évidemment. Maintenant ça ne remet pas en cause mon argumentation.
    Euh l’épargne est taxée hein.  » L’assiette de l’ISF est formée de l’ensemble des biens, droits et valeurs qui forment le patrimoine du contribuable, : [… ] meubles incorporels ( créances, bons d’épargne, liquidités … ) « .

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  • Tout le monde ne paie pas l’ISF !
    Si l’épargne était taxée autant que la consommation, cela signifierait que lorsque vous décidez de placer 100 euros sur un livret A, vous ne placeriez en fait que 80.4 euros, 19.6 allant à l’état. Que je sache, ce n’est pas le cas.

    Quant aux taux, ceux de l’ISF sont bien plus faibles (de l’ordre du %) que ceux de la TVA (7 et 19,6%).

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  • surtout que cette année le taux de l’isf va baisser si je ne m’abuse. Pour l’endettement malheureusemnt je crois que c’est déjà fait depuis quelques années. ce qui serait intéressant ce serait de revaloriser les salaires en prélevant sur les dividentes versaient à tort et à travers encore cette année malgrés la crise. On pourrait aussi intensifier la lutte contre l’évasion fiscale . a cela il serait bon d’ajouter la lutte contre le travail au noir, qui est le fait des employeurs et qui contribue au trois quart à la fraude sociale. On pourrait enfin mettre en place cette fameuse taxe sur les transactions finaciéres qui a été proposé il ya déjà quelques années par ATTAC, le nouveau club d’idée de l’UMP. jeuse quelques pistes de reflexion

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  • L’invocation de l’ISF vise simplement à faire relativiser la « régressivité » de la tva. Il faudrait des chiffres exacts pour voir la nature de cette regressivité au final.
    Et du reste en soi cette regressivité n’est pas une fatalité puisqu’elle pourrait être compensée par la progressivité de d’autres impôts.

    Il semblerait qu’une taxe sur les transactions financières serait inefficace. Du moins à l’échelle de la france.

    Pour ce qui est de dévaloriser les dividendes, un ami avait parlé de valoriser l’investissement en parallèle. Ainsi les investisseurs feraient leur pain par l’accroissement de la valeur de leurs parts et non pas par les dividendes. Qui sont improductif économiquement. Néanmoins mon prof de fiscal m’a dit que c’était pas viable, sans pour autant me donner d’argument, donc bon.

    Point de vocabulaire : la lutte contre la fraude fiscale. L’évasion est un phénomène légal qui fait que des gens vont vers des cieux fiscalement plus cléments. Ce qui est leur droit. Au contraire du fait de se soustraire frauduleusement au paiement d’impôts normalement dus.
    Lutter contre l’évasion fiscale c’est diminuer les impots. Youpi.

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