L’élève dépasse le maître

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On annonçait des troubles électoraux, des violences, voire une tentative de passage en force d’Abdoulaye Wade… Il n’en fut rien… Le deuxième tour du scrutin présidentiel au Sénégal s’est passé dans le calme malgré quelques incidents sporadiques. En cela, le pays vient de prouver qu’il est bien une des principales démocraties représentatives de l’Afrique de l’Ouest.

Noyé par ce qui se dessinait comme un véritable raz de marée électoral, le président sortant et candidat controversé à sa propre succession Abdoulaye Wade (86 ans officiellement) a finalement été beau joueur. Il n’aura pas fait durer le suspense, ni attendu la publication des premiers résultats officiels pour reconnaître une cinglante défaite au second tour de l’élection présidentielle sénégalaise,  face à son ancien premier ministre Macky Sall (50 ans). C’est sur les coups de 21h30, alors que la tendance donnait Macky grand vainqueur, que celui qu’ici on appelle Gani (le Vieux) a appelé son adversaire pour le féliciter de sa victoire, réduisant ainsi les risques de contestations du scrutin par une partie de ses électeurs.

Devant le quartier général de l’alliance Macky 2012 dans le quartier Liberté 6, à Dakar, la foule n’avait pas attendu le coup de téléphone présidentiel pour laisser éclater sa joie. « Le vieux est mort, il faut l’enterrer », reprenaient en cœur des milliers de partisans de Macky Sall dans une joie communicative. La chanson contestataire de Youssou N’Dour « Fekke ma ci boole » est reprise en boucle par les dakarois en liesse. Le chanteur a d’ailleurs d’ores et déjà prévu d’organiser un concert en l’honneur de la victoire de Macky Sall dont le ticket d’entrée n’est autre que… le bulletin de vote de Wade !

C’est vers 1h du matin que le nouveau président a quitté l’hôtel Radisson où il tenait une conférence de presse avec ses plus proches collaborateurs. Une foule compacte de plusieurs centaines de personnes s’était massée devant les grilles du palace dans l’espoir d’apercevoir leur champion. Lorsque celui-ci apparaît dans le convoi qui l’amène vers le siège de son parti, la foule chavire et se laisse aller à la plus pur des manifestations de joie : on chante, on crie, on danse, on pleure même mais de joie… les gardes du corps ont bien du mal à contenir tous ceux qui veulent approcher, toucher du doigt celui qui a conduit le Sénégal vers l’alternance démocratique. Lorsque le cortège présidentiel démarre, on court, on saute dans les taxis, on s’agrippe comme on peut aux pick-ups qui filent à vive allure pour suivre le nouveau président.

Arrivé au QG de campagne, ce sont plusieurs milliers de personnes qui sont venues fêter la victoire de leur candidat. Lors de sa prise de parole face à la foule, Macky Sall est d’abord longtemps ovationné avant de pouvoir s’exprimer librement. Les premiers mots de son discours vont aux jeunes qui sont morts lors de la répression policière des manifestations en marge du premier tour. S’en suivra une longue série de remerciements au peuple sénégalais qui l’a élu et à ses alliés du front « Tous contre Wade » avec qui il devra désormais composer pour la formation de son gouvernement. Clôturant son discours sur un retentissant « Vive le Sénégal, Vive l’Afrique », Macky donne le signal de festivités qui vont durer jusqu’au petit jour…

Celui qu’on appelle « Niangal Sall » (visage sévère en wolof) devient donc le quatrième président du Sénégal depuis l’indépendance. Des chantiers importants se dressent face à lui, dans un pays où un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Il lui faudra respecter ses promesses de campagne de faire baisser le prix des principales denrées alimentaires, relever une économie locale exsangue et mettre fin à la grève des professeurs qui dure depuis plus de 6 mois maintenant.

Pourtant, le sentiment qui domine aujourd’hui dans l’esprit des Sénégalais est que ce n’est pas seulement le camp de Macky qui a gagné, mais bien le pays en entier qui vient de remporter ces élections. En respectant le principe démocratique, des plus modeste des électeurs jusqu’aux plus importants des leaders, le Sénégal vient de prouver au monde que non seulement il était prêt à entrer dans l’Histoire mais surtout qu’il en a toujours fait partie intégrante.

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4 commentaires sur “L’élève dépasse le maître

  • J’aime bien la phrase de conclusion, que je trouve très juste.
    Bon article

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  • C’est effectivement un bon papier. J’aurai juste un regard un peu plus critique sur Macky, ou plus largement sur la démocratie que l’on encense trop rapidement à mon goût : l’abstentionnisme de masse aux élections (environ 45 ou 50% des inscrits je crois) dévoile malheureusement une réalité extrêmement courante dans les pays « du sud ». Une démocratie est-elle viable dès lors qu’elle exclue près de la moitié de ses électeurs? Quelle réalité cela représente pour toute cette partie de la population, restée en marge de ces élections?

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  • Mais sinon c’est un très bon article, clair et net. Rien à dire

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  • Sur tous les points que tu soulèves, l’As, je ne peux que te donner raison… Cependant, comme tu a s pus le sentir il s’agissait plutôt d’un « instantané de campagne » plus que d’une analyse de ce qu’est la démocratie au Sénégal (ou de ce qu’elle n’est pas)… Pour avoir vécu ce scrutin de « l’intérieur », il est clair que la joie qui animait une partie des dakarois tenait plus à l’absence de violence de masses (certains journaux promettaient presque la guerre civile) qu’à la victoire d’un camp ou d’un autre. Quant à la véritable abstention elle est difficilement mesurable du fait qu’Abdoulaye Wade avait limité la distribution des cartes électorales avant et entre les deux tours, ce qui soulève l’interrogation suivante: les abstentionnistes le sont -ils par conviction ou par empêchement matériel ? Ces deux parties sont difficilement mesurable.

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