Mélenchon sera-t-il au second tour?

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Cet article n’engage que son auteur et non l’équipe du poisson rouge.

L’hypothèse paraissait parfaitement irréaliste il y a quelques mois encore, lorsque le candidat du Front de Gauche plafonnait dans les sondages entre 7% et 10%. Loin derrière Marine Le Pen et François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon n’était même pas en lisse pour le podium de l’élection, et le Front National jubilait à l’idée de s’imposer comme troisième force politique du pays. Oui mais voilà, quelques semaines de campagne auront suffit à renverser la tendance et à affoler les médias hexagonaux : Mélenchon plane dans les sondages entre 13% et 17%. La Mélenchonite aigüe décrite par mon camarade John Dillinger il y a plusieurs jours se prolonge aujourd’hui à travers une hypothèse parfaitement inédite : et si le candidat du Front de Gauche parvenait à se hisser au second tour ? Certains, à la gauche de la gauche y croient dur comme fer : délire ou possible ?

Les services de renseignement et la rumeur sur le web : un Mélenchon entre 19% et 24%
La rumeur a fait le tour du net en quelques heures : selon un mystérieux informateur de la DCRI (ex DST-RG), Mélenchon serait accrédité de 19% à 24% d’intention de votes au premier tour de l’élection présidentielle. L’histoire semble complètement fantasque, au vu des enquêtes d’opinion menées par les instituts de sondage depuis six mois. Mais un certain bloggeur anonyme (REP459), soutien inconditionnel de la candidature du Front de Gauche, explique via sa page Agoravox les éléments dont il disposerait pour conclure à une telle envolée de Jean-Luc Mélenchon lors du scrutin présidentiel. D’un ami fonctionnaire à la DCRI, il aurait obtenu des informations confidentielles lui indiquant les évolutions suivantes : François Hollande serait en passe d’obtenir entre 23% et 29% des votes, Nicolas Sarkozy entre 20% et 25%, talonné par Jean-Luc Mélenchon qui disposerait de 19% à 24% d’intentions de vote. L’intox pourrait paraître évidente tant la ficelle semble grosse (le dit bloggeur affirme ne pas pouvoir diffuser ses sources), si seulement REP459 n’avait pas déjà fait preuve d’une certaine audace par le passé. Il y a plus d’un mois, le fameux personnage divulguait une information (de la même source), expliquant que Jean-Luc Mélenchon se situait autour de 13%… Les semaines qui suivirent, l’information fut vérifiée par tous les instituts de sondage qui saluèrent d’un seul homme la progression du candidat Front de Gauche dans l’opinion.

Mélenchon au second tour : délire du web ou prophétie?

Il faut avouer qu’agiter le spectre d’une source secrète, interne aux renseignements généraux, est toujours un moyen efficace de propager une rumeur. En 2002 déjà, un mystérieux mail avait circulé sur la toile, expliquant que le cabinet d’Henri Emmanuelli (PS, soutien de Lionel Jospin) avait reçu une note interne de la DCRG. Cette fuite révélait alors que le candidat du Front National Jean-Marie Le Pen serait au second tour de l’élection présidentielle, et qu’il obtiendrait près de 42% des voix. Nous connaissons tous la suite : Le Pen battu à plate couture face à Jacques Chirac qui obtint près de 82% des suffrages. Mais bon, comme le poisson rouge aime titiller l’ordre établi, particulièrement en période électorale, il est bon de rappeler que le FN s’était tout de même hissé au second tour des présidentielles, humiliant par la même la candidature socialiste de Lionel Jospin. Ce que révèle l’affaire REP459 (appelons là « affaire », c’est tellement à la mode), réside plus en un constat profond qu’en une information viable : elle est le reflet évident d’une situation politique nouvelle à la gauche de la gauche.

Une extrême gauche divisée ? Pas tant que ça
Dans les petits cercles militants, où se côtoient volontiers partisans du Front de Gauche, du NPA, de Lutte Ouvrière et d’organisations libertaires en tous genres, l’heure n’est plus au chipotage semble-t-il. Outre les soutiens officiels apportés à la candidature de Jean-Luc Mélenchon depuis quelques mois, on observe une tendance totalement inédite dans cette famille politique : l’unité! Les temps sont-ils devenus si durs et incertains que le désir de vaincre s’est imposé ? Certainement, puisque bon nombre de militants jusqu’ici abstentionnistes semblent trouver dans le programme du Front de Gauche leur compte idéologique, loin des querelles de clocher qui autrefois agitaient la gauche de la gauche toute entière. De nombreux témoignages recueillis lors de la prise de la bastille du 18 mars 2012 vont dans ce sens : on y a découvert des visages familiers dont on n’estimait pas qu’ils puissent un jour se rallier à un candidat légaliste. Hormis des débats internes (qu’il ne faut pas mésestimer, loin de là), considérant tel ou tel défaut de la candidature mélenchoniste, la tendance générale affirme ce nouveau désir d’unité, dans une famille politique malmenée et épuisée par cinq années de sarkozysme.

« on y a découvert des visages familiers dont on n’estimait pas qu’ils puissent un jour se rallier à un candidat légaliste »

Pour autant, Mélenchon sera-t-il au second tour ce dimanche ? La théorie peut paraître définitivement loufoque. Il ne suffit en aucun cas d’agréger toutes les composantes de la gauche de la gauche, ni même d’accumuler les voix abstentionnistes ou socialistes pour pouvoir réussir un coup politique comme celui-ci. Pourtant, certains continuent de croire en un retournement de situation.  Jean-Luc Mélenchon le premier a affirmé récemment que l’on pouvait s’attendre à « la surprise de (notre) vie » dimanche prochain, tant la situation politique globale lui apparaissait instable, et « volatile ». Son équipe de campagne, en la personne d’Eric Coquerel, affirme l’idée nouvelle qu’être au second tour « peut se jouer à 20-22% » (le Parisien 16/04/2012). Rien ne semble donc pouvoir arrêter les espérances du Front de Gauche, qui imagine peut être déjà son champion affronter François Hollande le 6 mai. Avouons entre nous (juste comme ça, entre nous), que ça aurait de la gueule quand même ! Mais ce n’est pas le sujet.

Sondages contre terrain, dans quel sens va le vent ?
Tous les candidats ont la même réaction lorsqu’on leur agite des enquêtes d’opinion sous le nez : ils ne se fient pas aux sondages, mais préfèrent tabler sur leurs observations de terrain. Simple pirouette, parfois sincère, tantôt démago, qui traverse l’échiquier politique dans son ensemble. Laissons ici de côté les polémiques redondantes à l’égard des instituts de sondage, qui ont largement fait preuve d’incapacité et de désordre par le passé. Intéressons nous, comme le souhaitent les candidats, aux données récoltées sur le terrain. Si l’on s’y attarde, Sarkozy est effectivement en pleine déroute politique : personne ne s’intéresse plus au candidat du peuple, hormis quelques vieillards très à droite et de nombreux jeunes cons embourgeoisés. Son échec tonitruant lors du meeting à la concorde (à lire, un article édifiant sur le mensonge de l’UMP) prouve réellement le manque d’engouement auquel est confronté le président-candidat. Idem pour François Bayrou, qui peine à rassembler 3000 sympathisants au zénith de Lille, quand Mélenchon en attirait il y a un mois près de 20 000. François Hollande, lui, qui s’enorgueillit d’avoir pu rassembler 100 000 personnes au château de Vincennes le 15 avril dernier, ne doit pas oublier la teneur des rassemblements hautement supérieurs auxquels se livrait son ancêtre François Mitterrand. Marine Le Pen, complètement hors jeu, a réuni 6000 partisans au zénith de Paris le 17 avril dernier.


Marianne malmenée au meeting de Nicolas Sarkozy von guillaumemeurice

Le tableau est donc bien sombre pour quiconque voudrait mesurer son aura au nombre de personnes mobilisées sur le terrain. Pour tous les candidats, tenir un meeting relève de l’épreuve de force et de l’exploit. Pour tous ? Pas exactement, car là où les autres peinent à rassembler les foules, Jean-Luc Mélenchon parvient à des faits de gloire jamais atteints. 120 000 personnes à paris le 18 mars, 70 000 à Toulouse quelques semaines plus tard, et 120 000 personnes sur les plages du Prado à Marseille. Voila de quoi faire rêver les journalistes. Si aujourd’hui il paraît relativement ingénu de croire que Jean-Luc Mélenchon puisse se hisser au second tour du scrutin, il n’en demeure pas moins impensable que cet engouement ne se traduise pas dans les urnes. Des éditocrates en tous genres  qui auront salué la performance du candidat, aucun ne se sera demandé si elle relevait du pur folklore ou d’une réalité politique. Dommage, car il me semble que la suite des évènements donnera raison à la seconde théorie.

 

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