« Moi, militant Front de Gauche, je n’irai pas voter François Hollande le 6 mai »

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Mise à jour du 4 novembre 2012: Le groupe communiste/Front de gauche au Sénat s’est rangé aux côtés de l’UMP et du centre pour voter contre un projet de loi socialiste sur l’énergie. Il ne cesse de « tarabuster » la majorité selon le Nouvel Obs, qui crie avec les loups à la trahison politique.

Le discours officiel est clair, net, et sans demie mesure : il faut battre Sarkozy le 6 mai prochain. Du côté de la gauche de la gauche, Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon se sont accordés sur ce point et ont invité sans concessions leurs partisans à voter François Hollande au second tour de l’élection présidentielle. Pourtant, parmi les militants du Front de Gauche réunis place Stalingrad au soir du 22 avril, le discours était moins tranché qu’on pouvait le croire. La percée de l’extrême droite lors du premier tour, et le score décevant de Jean-Luc Mélenchon semblent avoir profondément changé les options politiques pour certains d’entre eux. Les instituts de sondage annoncent près de 95% de report des voix du Front de Gauche vers la candidature socialiste au second tour, mais plusieurs militants nous ont confié en coulisse leurs doutes profonds quant à leur engagement dans cette bataille. Explications.

Défaite ou victoire ? Le Front de Gauche sous pression
L’ambiance était cruelle place Stalingrad ce dimanche soir. Les visages tendus, inquiets, à l’image de militants du service d’ordre qui nous ont confié dans un élan d’amitié « c’est la merde là, c’est pas possible ». Devancés de près de 2,5 millions de voix par le Front National, les partisans du Front de Gauche réunis autour de leur champion ont accusé le coup, sous la pluie battante annonçant l’orage à venir. Les appels répétés du candidat à continuer la mobilisation n’y feront rien, le score pourtant historique de Jean-Luc Mélenchon est interprété comme une défaite par bon nombre de militants et de sympathisants. Romain, 24 ans, venu avec ses amis assister au « dernier meeting de la campagne » explique :

« Moi je vois ça comme une défaite, bien sûr. On voit que presque 40% des électeurs ont choisi une droite très dure, c’est forcément une défaite. Avec un PS très mou j’ai extrêmement peur pour l’avenir, pour nos valeurs. » Le discours officiel du Front de gauche est pourtant bien différent. Du côté du staff de Jean-Luc Mélenchon, on souligne avant tout la percée historique de la gauche de la gauche, dont les scores confondus avoisinent les 4,6 millions d’électeurs. Mais pour les militants de base, ce n’est pas suffisant. Etre devancé par l’extrême droite laisse plutôt planer le doute, voire le sentiment d’humiliation et la peur d’un avenir plus sombre. Romain continue : « On a réussi à fédérer un nouveau courant, avec une visibilité importante. Aujourd’hui c’est vrai qu’on a notre place sur l’échiquier politique donc c’est bon signe. Mais quand on voit autant de vote pour l’extrême droite, je suis très pessimiste. Un gouvernement socialiste après les législatives ne fera pas l’affaire face à ça. »

Melenchon place Stalingrad poisson rouge

Derrière une apparente mobilisation, les militants du Front de Gauche ont exprimé des doutes dimanche 22 avril

Le vote Marine Le Pen, Romain a déjà largement eu le temps de l’étudier. Dans sa ville du Val de Marne (94), Gentilly, il a remarqué depuis longtemps qu’ « il y avait souvent un vote ouvrier en faveur du FN assez important ». Pourtant cette fois-ci, Romain est satisfait et explique : « Marine Le Pen est vraiment à la traîne, et ça fait plaisir. Elle est loin derrière Mélenchon. Dans ma ville, qui est la plus pauvre du Val de Marne, ça signifie que même des populations désespérées ne se sont pas résignées au vote FN. » Si le score du Front de Gauche ne semble pas suffisant au niveau national, les militants observent localement qu’une « dynamique impressionnante s’est mise en place sur des revendications et des idées fortes, progressistes ». Le sentiment est donc partagé pour bon nombre d’entre eux.

« Je ne pourrai pas voter Hollande sans avoir honte »
Dans sa très courte allocution à ses militants, Jean-Luc Mélenchon semble avoir été clair : il faudra voter contre Sarkozy le 6 mai prochain, pour « renverser l’axe Merkozy et ouvrir la brèche en Europe ». Certes, le porte parole du Front de Gauche l’avait dit à maintes et maintes reprises durant la campagne pour le premier tour. Certes, au soir du 22 avril, lorsqu’il a exhorté ses troupes à « ne pas traîner les pieds, (à se) mobiliser comme s’il s’agissait de (le) faire gagner (lui)-même l’élection présidentielle », les militants présents ont applaudit en conséquence. Pourtant, Romain et ses amis ont illustré parfaitement les doutes nourris à l’égard du candidat socialiste. Pour commencer, son programme est jugé trop « mou », trop « libéral » par bon nombre d’entre eux. Le vote utile, ils l’ont réfuté au premier tour, alors pourquoi s’y précipiter aujourd’hui ? La théorie mélenchoniste, qui estimait que démettre la droite permettrait de propager de nouvelles idées à travers l’Europe, pouvait paraître cohérente si le Front de Gauche s’était hissé à la troisième marche du podium. Mais à l’heure où le Front National s’affirme comme la troisième force politique du pays, les pions ont bougé.

Ensuite, Romain nous confie que « La défaite (du Front de Gauche ndlr) est en partie imputable aux médias traditionnellement socialistes qui ont fait largement ressortir la peur du FN et qui n’ont pas arrêté d’attaquer les forces de gauche progressistes. » Dans son collimateur, « Charlie Hebdo, Le Nouvel Observateur, Libé ou rue 89 » cette « élite bourgeoise médiatique qui a tout fait pour planter Mélenchon ». On se souvient évidemment des dernières semaines de la campagne et des attaques répétées envers le candidat du Front de Gauche. Pour autant, Romain ne s’arrête pas à critiquer les médias de masses, mais montre du doigt aussi les militants de base du Parti Socialiste. Pour lui, ils sont représentatifs de « la gauche bourgeoise qui pense avant tout à ses propres intérêts, pas à ceux du peuple ». « Ils nous ont planté un couteau dans le dos vraiment, avec leurs histoires sorties ces derniers jours. Ce ne sont plus des alliés objectifs, ni des concurrents, ce sont des adversaires. »

Hollande libé poisson rouge

Libération, le Nouvel Observateur et d’autres médias sont aujourd’hui pointés du doigt par les militants Front de Gauche

Sur ces mots forts, Romain explique sa position quelque peu ambigüe pour le second tour :
« Je pense que je vais appeler à voter Hollande, car on ne peut pas hypothéquer non plus les cinq ans qui vont venir. On ne peut pas laisser Sarkozy en place. Mais pour autant moi je n’irai pas voter, j’ai trop de ressentiment sur la manière dont la campagne a été menée, après les attaques des militants du PS envers la gauche de la gauche… Je ne pourrai pas voter pour eux sans avoir honte. » Une honte partagée par bon nombre de ses amis qui se sont sentis « trahis » et « traînés dans la boue » par leurs anciens alliés de la gauche modérée. A les entendre, pour eux les jeux sont faits : seules les législatives à venir vont compter.

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3 commentaires sur “« Moi, militant Front de Gauche, je n’irai pas voter François Hollande le 6 mai »

  • « Appeler » à voter Hollande, et ne pas voter soi-même pour lui, ça me fait un peu penser à Ponce Pilate…

    Il ne s’agit pas de toutes façons de voter « pour » Hollande mais « contre » Sarkozy. Ce n’est pas un coupage de cheveux en quatre. Il s’agit bien de virer Sarkozy, et le bulletin Hollande est la seule arme pour ça. Il ne s’agit pas d’accorder à l’avance un soutien à Hollande.

    On peut craindre le pire de la politique que mènera Hollande; mais on sait que si Sarkozy était réélu, cette fois la défaite du Front de Gauche serait réelle et Sarkozy, fort d’un deuxième mandat populaire,
    ferait un deuxième quinquennat pire encore quele premier.

    On sait aussi qu’Hollande comprend le rapport de forces (on l’a vu) et serait influencé par un Front de Gauche fort au parlement, et des luttes sociales actives.

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  • Pour un front de gauche fort au parlement, il faudrait que celui ci garde sa ligne et ne réponde pas aux sirènes du PS qui propose des alliances dès le premier tour dans les circonscriptions ou le FN serait en position de gagner.
    Sinon très bon reportage

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  • Ce Merluchon, pardo Melanchon ne devrait pas exister

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