Blanc d’Ulysse et rouge érable

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Nouvelle saga du Poisson Rouge: Barberousse nous raconte en plusieurs épisodes sa vision des milieux étudiants au Québec.

1. Charles

Au Québec, l’université Laval c’est 15 bâtiments indépendants regroupés par spécialités. Je suis dans le pavillon « sciences humaines », et il est blanc, hiver oblige. Peu d’affiches, pas de graffitis, je me perds dans les couloirs jusqu’à ce « vins et fromage » de début de session pour les étudiants de sociologie. C’est là que je rencontre Charles, la poutine et les carrés rouges.
Ça c’est le truc marrant du militantisme au Québec. Un signe de reconnaissance, un carré rouge en feutre porté à la boutonnière. Ça fait Français ? la province canadienne entretient des relations complexes – en forme de village d’Astérix en continent américain – avec l’anglophonie du continent nord-américain. En tous cas. Les carrés rouges c’est un symbole qui a été récupéré par la CLASSE.

Poisson Rouge

Un peu de bureaucratie : au Québec, tout étudiant paye, dans ses droits d’inscription – 2168$ par année en moyenne et ça va augmenter – son adhésion à une association étudiante. Par exemple, je suis affilié à l’APEUL, l’Asso des étudiants de science politique deuxième et troisième cycle (master ou doctorat en France) de l’université Laval. L’APEUL elle-même, et donc moi aussi, fait partie d’une asso qui regroupe tous les 2e et 3e cycles de l’université Laval. Quand cette dernière entre en grève, c’est 11 000 étudiants qui partent. Et cette asso pourrait avoir adhéré à la CLASSE, l’association des associations qui ont une position pour la gratuité scolaire au Québec. La CLASSE regroupe grosso modo 100 000 membres. Mais mon asso n’en fait pas partie, et donc moi non plus. Il semblerait que je n’aie pas d’avis sur la question de la gratuité scolaire. Et justement, le gouvernement de Jean Charest veut encore augmenter le prix des études pour le porter à 4093$ par an, une augmentation de 75%. Sacrée blague si vous voulez mon avis.

On est au 15 janvier, il y a peu de mobilisation mais Socio parle de tomber en grève, entre le vin et les bouchées, par la bouche de Charles. Il a été assistant au cours sur la socio de la culture auquel assistait ma bonne pote française, ils se plaisent et on discute. Il est super, on boit, on rigole et ça s’termine en poutine rue St Jean : patates au four, sauce style jus de viande et fromage genre cheddar en petites balles de la taille d’une noix.
Charles habite en colocation au Manoir, qui est immense et à trois rues de chez moi. Il a, comme beaucoup d’étudiants, quelques milliers de dollars de dettes, l’université coûte cher. Et le credo du gouvernement libéral de Jean Charest est que l’éducation est un investissement sur l’avenir que l’on rentabilise dans sa vie professionnelle…en devenant homme politique par exemple ? non, recteur d’université : en 2007, le recteur de l’université Concordia prenait près du million de dollars en prime de départ. Cette augmentation des droits de scolarité polarise déjà les étudiants. Pour l’instant, ça discute et ça se mobilise.

De là, avance rapide jusqu’au mois de mars pendant laquelle on apprend que le seul journal un peu méchant au Québec s’appelle La Conspiration Dépressionniste, qu’il existe du rap québécois de qualité (vidéo ci-dessous), qu’un refusé de l’armée canadienne de 25 ans, « masculiniste », a tué 14 femmes à l’école polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989, que le clivage gauche/droite était représenté jusque récemment par le combat autonomistes québécois/fédéralistes canadiens, que les hippies sont très mal vus par une large majorité de la gauche de gauche, qu’ici la sociologie critique ne renvoie pas à Pierre Bourdieu, et que les bobettes sont des sous-vêtements.

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