Blanc d’Ulysse et rouge érable. Episode 2

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Nouvelle saga du Poisson Rouge: Barberousse nous raconte en plusieurs épisodes sa vision des milieux étudiants au Québec. Episode précédent à lire ici.

2. Début mars, la grève débute.

La fac de Laval est en ébullition, les sciences humaines les plus propices au dévoilement sont déjà en grève, et la première AG de Science Politique 2e et 3e cycles a lieu le 12 mars. Là la grève est votée, à une courte majorité, et pour une durée limitée : une semaine, quand socio est déjà en grève depuis maintenant trois semaines. C’est le moment de réaliser qu’il n’y a pas de tradition militante étudiante au Québec, pas de révolutionnaires professionnels de 30 ans au statut d’étudiant, pas de syndicat qui fédère étudiants et travailleurs. C’est donc pour une large part de la réinvention, et c’est assez fascinant. Le recours à l’action directe est alors hors du champ des possibles. Il faut, pour tous les étudiants, « se concilier l’opinion publique » par des actions « festives » et « créatives »…d’aucuns diraient imagistes, avec tout latitude aux médias pour « faire » le mouvement.

Alors que les journaux et nouvelles québecois sont encore plus concentrés qu’en France (deux énormes entreprises, extrêmement diversifiées, se partagent le marché) il ne fait pas de doute pour les étudiants et étudiantes militant-e-s que c’est grâce à la couverture médiatique que l’on pourra gagner le soutien de la population, de « l’opinion publique », « l’opinion de ceux qui sont dignes d’avoir une opinion » dirait Bourdieu.
Comme l’université est loin de la ville, les militant-e-s se retrouvent dans des lieux comme la librairie St Jean Baptiste, où les livres sont en libre accès, les consommations peu dispendieuses et surtout pas nécessaires à l’occupation d’une place assise. Là se tiennent des conférences, qui montrent que si le mouvement est avant tout étudiant, il reste une bonne proportion d’activistes hors milieu étudiant, pour qui la hausse des frais de scolarité sonne un peu comme une bonne blague. En partie fédérés autour du mouvement Occupy – auquel nombre d’anarchistes apportait du soutien logistique sans nécessairement participer aux prises de décisions-, ils gardent des réseaux relativement hermétiques par rapport aux réseaux étudiants, même si la plupart d’entre eux/elles porte le carré rouge. On ne parle pas encore de convergence des luttes, et les luttes sont très territorialisées, à la fois dans l’espace topographique (la fac ou la ville de Québec) et dans l’espace des possibles (on lutte contre la hausse des frais de scolarité, il n’y a pas d’élargissement des revendications).

En conséquence, les étudiants sont vus par les militants plus âgés comme des amateurs et par le reste de la population comme des privilégiés – avec téléphone portable dernier cri et voiture luxueuse -. Pour autant, certains professeurs commencent à apporter leur soutien. Des conférences sont organisées qui montrent comment ce dégel des frais de scolarité s’inscrit dans une logique plus large, mondiale en fait, de généralisation du modèle de l’utilisateur-payeur pour les services publics (par exemple un-e étudiant-e au Québec paye ses droits de scolarité en fonction du nombre de crédits universitaires qu’il veut avoir : ici on achète littéralement son diplôme, la certification étatique du savoir).
La critique s’en trouve d’autant élargie, et les quelques actions organisées (comme remplir le bureau du secrétariat aux finances de l’université de ballons, rouges comme le fameux carré) échauffent le monde pour ce qui doit être – traditionnellement – la manifestation la plus violente de l’année : celle contre la brutalité policière, du 15 mars, à Montréal.

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