Bread and Roses

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« Du pain, et des roses aussi ». Voilà un mot d’ordre saisissant qui a été lancé en 1912 à Lawrence, Massachusetts, pendant la grande grève des ouvriers du textile. Un mot d’ordre qui ne vient pas de nulle part, mais qui fut inspiré par un poème de James Oppenheim, Bread and Roses, écrit en 1911, preuve s’il en fallait encore que c’est quand il s’enracine dans une culture profonde que le mouvement ouvrier est le plus fort.

La grève de Lawrence de 1912, menée notamment par les Wobblies de l’IWW est représentative du climat de guerre sociale qui règne aux États-Unis au tournant du XXème siècle. Syndicats jaunes, assassinats de grévistes, accusations mensongères contre les leaders du mouvement afin de les neutraliser : le patronat d’alors, soutenu sans faille par les pouvoirs locaux, ne reculait devant aucun moyen pour parvenir à ses fins. Face aux exploiteurs et à leurs milices, les piquets s’organisent et une solidarité nationale s’installe vite, qui mènera finalement à la victoire sur la base des revendications initiales du mouvement : une baisse du temps de travail, et un salaire constant.

Mais pour toute typique qu’elle a pu être dans son déroulement, la grève de Lawrence était tout de même inédite pour l’époque, en raison de ses participants : les ouvriers du textile étaient alors principalement des ouvrières, immigrées avec ça (italiennes, slaves, hongroises, syriennes et portugaises notamment). Dans un pays qui se construit alors sur le communautarisme, l’union d’une telle population apparaît difficile. Elle sera pourtant possible dans la lutte, et même victorieuse, déjouant tous les pronostics.

Le poème d’Oppenheim donne la parole à des ouvrières, réclamant non seulement de quoi vivre, ce que symbolise le pain, mais également des conditions dignes, les roses. Il était donc tout naturel que les ouvrières de Lawrence se l’approprient et en fassent leur mot d’ordre. Depuis lors, les deux sont indissociables, et le succès de la grève fit le succès du texte. C’est en toute logique qu’il fut rapidement mis en musique, avec un chant lui aussi représentatif de son époque : un rythme de marche, un choeur, souvent a cappella, et voilà de quoi forger un hymne à la hauteur du mouvement ouvrier.

En 2000, Ken Loach s’inspira de la grève de Lawrence pour en tirer un film lui aussi intitulé Bread and Roses. Très intelligemment, il replace l’action à la fin des années 1990 : les ouvrières immigrées ne sont plus européennes, mais latinas ; elles travaillent comme femmes de ménages dans les hôtels de Los Angeles, et plus dans les usines textiles du Massachusetts. Le résultat est, comme toujours avec Ken Loach, à la hauteur du sujet, et le film vaut le détour, ne serait-ce que pour voir Adrian Brody en leader syndical avec beaucoup de cheveux et un petit bouc fort seyant.

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