Le 30 juin de Marine Le Pen

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Hegel fait remarquer quelque part que, dans l’histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce.

Karl Marx, le 18 brumaire de Louis Bonaparte

La tragédie

Au petit matin du 30 juin 1934, Hitler lui-même procède à l’arrestation d’Ernst Röhm, alors chef de la SA, milice paramilitaire du parti nazi. Ce sera le signal d’une purge au cours de laquelle plus de deux cents assassinats seront commis, visant essentiellement les cadres de la SA, mais également quelques opposants politiques.

Depuis sa nomination comme Chancelier en janvier 1933, Hitler se trouvait dans une position délicate : d’un côté, les SA lui reprochent d’être trop modéré et de ne pas appliquer la révolution national-socialiste promise ; de l’autre, les milieux conservateurs traditionnels, alliés d’Hitler au gouvernement (parmi lesquels les militaires de la Reichswehr) et une partie des dignitaires nazis, trouvent ces miliciens fort encombrants et voudraient bien les voir neutralisés.Il faudra un temps certain à Hitler pour trancher cette question, mais il finira par prendre le parti des conservateurs et de l’armée, et donnera le signal de la purge, sous le prétexte d’une tentative de putsch, montée de toutes pièces par Himmler, Heydrich et Göring (qui en profiteront pour renforcer leurs propres positions). Qu’importe s’il faut sacrifier quelques uns des plus anciens et des plus fidèles militants du parti, et renier la plupart des promesses ayant attiré les allemands dans les filets nazis : le maintien au pouvoir est à ce prix.

Il n’en faut d’ailleurs pas plus à la droite conservatrice allemande pour se convaincre qu’Hitler n’est finalement pas l’extrémiste révolutionnaire qu’elle craignait, malgré les quelques victimes dans ses propres rangs. Et lorsque le maréchal Hindenburg meurt à peine un mois après, il n’y a plus aucun obstacle sur la route d’Hitler, qui est alors à la fois chef suprême du parti nazi, chef de l’Etat, chef du gouvernement et commandant des forces armées. La suite de l’histoire est malheureusement bien connue.

La farce

Le 4 mai 2015, le bureau national du Front National se réunit pour décider du sort de Jean-Marie le Pen. La décision est sans surprise : l’ancien président et toujours président d’honneur est suspendu du parti. Dans sa chute, il entraînera certains de ses fidèles, qui persistent à vouloir s’opposer à la nouvelle ligne voulue par Marine le Pen.

Depuis son arrivée à la tête du FN, Marine le Pen se trouvait dans une position délicate : d’un côté, les militants historiques de son parti lui reprochent d’être trop modérée et de ne pas assumer la ligne d’extrême-droite qui a toujours été celle du FN ; de l’autre, les milieux conservateurs traditionnels, de plus en plus séduits par la ligne bleue marine mais craignant encore un peu de franchir le pas, l’exhortent à se désolidariser des éléments trop extrémistes de son parti, au premier rang desquels son père et sa facheuse tendance à faire des blagues sur les chambres à gaz et les fours crématoires. Il faudra un certain temps à Marine le Pen pour trancher cette question, mais elle finira par faire le choix d’une prétendue dédiabolisation (probablement à la suite de ce terrible drame familial qu’a été l’assassinat du chat de Marine par les chiens de Jean-Marie). Qu’importe s’il faut pour cela abandonner en rase campagne un père à qui elle doit tout, et en particulier sa place de présidente du parti : l’accès au pouvoir semble à ce prix.

Les suites de cette histoire-ci ne sont pas encore écrites. Malheureusement, certains ont la mémoire courte, et au vu des premières réactions médiatiques, il semble que la danse du ventre de Marine le Pen ait elle aussi suffi à convaincre ceux qui ne demandaient finalement qu’à être convaincus : rien de surprenant après tout, toute farce a ses dindons. Le problème c’est qu’on risque fort de se faire plumer en même temps qu’eux.

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