Le générique de fin du Parrain 3 se terminant, je décide d’éteindre enfin ma télé. Les yeux encore rougis par ce marathon télévisuel, je m’allonge et décide de méditer sur cette soirée spéciale mafia que je me suis faite. Enchaînant sans interruption « Scarface » et les trois « Parrain » de Coppola, j’ai des images plein la tête et tout doucement je commence à rêvasser. Costard Hugo Boss parfaitement ajusté, un cigare à la bouche et les Ray-Ban sur le nez je regarde l’heure sur ma superbe Rolex que tout le monde m’envie. Je descends les Champs-Elysées en direction du Fouquet’s, entouré de mes hommes de mains, tous armés. Bien évidemment, un gros caïd comme moi attire les plus belles nanas. J’ai choisi pour faire classe un ancien mannequin reconverti dans la chanson et au premier regard de défi qu’on ose me lancer je n’hésite pas à balancer un « Casse- toi pauvre con » et… mais merde je me prends pour Sarkozy là !

L’homme de gauche que je suis, le gauchiste pour certains, n’en revient pas. Je viens de me fantasmer en Sarkozy. Je viens de trahir la cause les gars ! Foutez moi au pilori et tirez, si vous voulez j’appuie même sur la gâchette… ou pas. Allez on se calme et on réfléchit. Mais qu’est-ce qui m’a pris, moi qui suis de toutes les manifs? J’ai pourtant rien fait de mal, je me suis juste imaginé en mafieux, pas en homme de droite !

Et si au final c’était la même chose ? Et si les codes et l’idéologie des gangsters étaient en fait les mêmes que ceux prônés par cette droite, conservatrice sur les mœurs et libérale économiquement. Les caractéristiques communes à tous les gangsters, que ce soit celles que l’on peut retrouver dans les clips du « Gangsta Rap » ou dans les films sur la Mafia, se retrouveraient-elles chez nos amis de droite ?

Ce qui saute aux yeux en premier c’est le culte de l’argent. J’entends déjà nos détracteurs crier au scandale : « il n’y a pas de honte à dire que l’on gagne de l’argent, on est bien obligé d’en avoir pour vivre ! Alors qu’est ce qu’il dit le gauchiste ? ». Et bien d’une part le gauchiste il vous emmerde (désolé pour le terme, mais c’est toujours un plaisir de l’écrire), et d’autre part il y a bien sur une différence entre, dire que gagner de l’argent est une chose obligatoire dans ce monde où tout se paye et considérer que gagner de l’argent est à la fois le but ultime de l’Être en société et en même temps le moyen de le placer sur une échelle d’importance par rapport aux autres. Le culte de l’argent c’est  bien ça :  » je gagne de l’argent, donc je suis », c’est penser que la seule chose qui compte à l’échelle de notre société, de notre ville, de notre quartier ou de notre entreprise est de gagner de plus en plus d’argent, et de l’afficher pour se distinguer des autres. En ça, les petits caïds des quartiers n’ont rien à envier aux petits bourgeois du 16éme : Armani contre Ralph Lauren, chaîne en or contre Rolex, BMW contre Porsche. Réjouissons nous, le « Bling Bling » est maintenant devenu universel.

Ensuite il y a, lorsque l’on regarde attentivement les films sur la mafia, une chose frappante : le modèle économique qu’ils mettent en place n’est rien d’autre qu’un système capitaliste hautement libéralisé. On pourrait presque croire que tous les mafiosos,du plus petit malfrat au plus grand parrain, sont tous des spécialistes assidus d’Adam Smith (un des maîtres à penser du libéralisme économique notamment avec sa théorie de « la main invisible » qui permet soit-disant aux marchés de s’autoréguler). Si l’on reprend ce que l’on voit dans ces films : rejet de toute forme d’autorité régulatrice, OPA constante sur les autres entités économiques en considérant que seules les structures les plus fortes doivent survivre, rejet des services publics et enfin absence totale de solidarité. Sur ce dernier point j’aimerais rajouter que le fait que les membres d’une « Famille » ne se balancent pas lorsqu’ils se font attraper par la police pour éviter des représailles envers leur personne n’a rien à voir avec la solidarité mais plutôt avec de la survie… un peu comme les membres du gouvernement d’ailleurs.

Enfin il est indéniable que le gangsta de base et le petit gars du 16ème s’entendraient à ravir sur la place de la femme dans la société. Le système patriarcal défendu par les uns et les autres, en ferait sans conteste les meilleurs amis du monde. Les rappeurs en mode gangsta n’ont pas à rougir de l’image qu’ils véhiculent de la femme : il suffit de voir la vidéo de l’article de l’as de Madrid sur les portraits de gréviste, pour comprendre que pour les droitiers la maxime « sois belle et tais-toi ! » mérite d’être défendue.

On pourrait encore faire une analogie entre la ressemblance flagrante entre le chef du clan et le chef d’entreprise, le rejet de la grève par les mafieux ou encore faire une liste de toutes les affaires douteuses que traînent les membres de l’UMP et du gouvernement mais je n’ai pas envie de me faire voler mon ordinateur.

En fin de compte les acteurs du grand banditisme ne font que recréer un système capitaliste parallèle. On dit que l’extrême est le réservoir de vote pour la droite, il faudrait peut-être maintenant regarder du côté de la mafia.