Ni pute, ni soumise, ni Miss France

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Le 4 Décembre (demain) aura lieu l’élection au titre de miss France 2011. Une fois encore TF1 s’illustrera par une brillante programmation culturelle et nous proposera un divertissement aussi percutant qu’original. Une fois encore s’exhiberont toute une tripotée de jeunes filles plus fades les unes que les autres, aux regards vitreux et aux sourires hallucinés. Une fois encore elles défendront des prises de positions engagées « contre la faim dans le monde » ou « pour la paix sur terre » quand un animateur hypocrite leur tendra le micro, provoquant en chacun de nous une envie soudaine de fin du monde et de planète exsangue.

Pourtant, force est de constater que l’édition Miss France 2011 sera bel et bien un triomphe comme les années passées. Comment donc expliquer qu’une émission aussi peu novatrice, peu ambitieuse et aussi vide de sens puisse encore faire vibrer les chaumières françaises ? On nous ressortira à coup sûr que les temps sont durs et que « les gens ont besoin de rêver ». Que du rêve… TF1 va effectivement nous plonger dans une fabuleuse aventure onirique truffée de bons sentiments et de strings à paillettes.

On le sait bien, ce qui fait péter l’audience un samedi soir réside avant tout dans la capacité d’un programme à faire croire que ce qui se passe dans le bocal est à la portée de chacun d’entre nous. C’est un peu comme un effet LOTO, une sensation de pouvoir décrocher le jackpot à tout moment et de pouvoir prétendre au titre suprême depuis son canapé. Ainsi, on ne regarde pas le concours de Miss France, on le vit ! Télé-réalité, Française des jeux, Miss France, la télévision participative a réellement révolutionné notre approche du petit écran, devenu au fil des années le plus pur et le plus efficace des opium du peuple. On s’identifie aux sujets, on partage leurs colères, leurs détresses, on saisit son téléphone, on compose un numéro surtaxé, et on vote!!! On vote, on vote, on vote jusqu’à ce que le candidat que l’on supporte soit élu. Apprentissage de la démocratie ou fanatisme du consommateur? A vous de voir…

Outre donc la réduction du spectateur au simple état de consommateur, le carnaval des cruches semble fonder son succès sur une dimension sexiste allègrement mise en avant. Le fait de reluquer avec insistance les courbes de Miss Sologne s’apparente moins à du voyeurisme champêtre qu’à une considération de la femme comme objet sexuel. On est bien loin du provincialisme naïf revendiqué par les communicants de l’émission. En 1949, déjà, Simone de Beauvoir utilisait ces termes précurseurs dans « le deuxième sexe », qui définissent assez bien ce que transmet aujourd’hui un événement de ce type : « Puisque la femme est destinée à être possédée (par l’homme), il faut que son corps offre les qualités inertes et passives d’un objet ». Triste constat quelques décennies plus tard, la pente semble encore plus glissante, et l’image de la femme dans les médias de masse encore plus détériorée.

Une miss est en quelques sortes l’archétype de la potiche manipulée, dont le droit le plus élémentaire, le droit à la parole, demeure la propriété unique de l’équipe de requins qui gère sa communication. En témoignent les censures perverses dont elles font régulièrement l’objet, et l’hypocrisie générale qui veut que l’on hurle au scandale lorsqu’elles se déshabillent un peu trop. Pas de grisbi pour les miss, elles sont et resteront des purs produits de marketing méprisés et téléguidés par des experts voraces.

Ce qui va me manquer, à moi, dans cette nouvelle édition, c’est Geneviève. La vieille peau avait un petit côté réac sympathique et aristo d’extrême gauche qui me plaisait beaucoup, je tiens à le souligner. J’utilise bien ici l’imparfait car nul n’est censé ignorer que depuis l’année dernière, la Fontenay ne fait plus partie de la grand messe annuelle. Évincée du projet par la société de production ENDEMOL qui voulait récupérer le pactole, la supportrice d’Arlette (oui oui, Laguiller) ne participera plus au comité Miss France. Finis les couvres chefs d’anciens régime et le rouge à lèvre grumeleux, place aux bronzages Flamby et aux dents ultrabright du comique autoproclamé Arthur et de son pote J-P Foucault. Enfin, fini, pas tout à fait. Un autre opus de la saga des miss nous a permis de constater que la vieille souhaitait proposer un autre concours, pour le moment sans succès : Miss Nationale. Et paf, qui dit mieux? Deux concours de miss, l’angoisse.

Heureusement, l’association Ni putes Ni soumises a décidé de sauver le monde et l’image de la femme la semaine dernière en organisant une journée « toutes en jupes » . C’était pas désagréable en fait de savoir que les bobos du 11è arrondissement allaient pouvoir se donner bonne conscience dans la plus franche camaraderie militante, avec le style en prime.

N’ayant pas compris les tenants et les aboutissants d’une telle démarche, moi qui suis un peu léger, j’ai essayé de me renseigner sur le site de l’association pour saisir leurs arguments. Et là, patatras, pas une revendication, pas même un esprit de rébellion ne semblait apparaître d’entre les lignes. Mis à part les quelques satyres peuplant encore le métro parisien qui ont pu joyeusement se rincer l’œil, il me semble que cette journée de la jupe a été, une fois encore, un échec cuisant quant au débat sur la place faite aux femmes. Pis encore, il semblerait que cette journée ait débouché sur une épidémie de rhume généralisée. Pensez-vous, faire enfiler des jupes à toutes ces militantes un 25 novembre, fallait vraiment pas avoir froid aux yeux !

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2 commentaires sur “Ni pute, ni soumise, ni Miss France

  • hahahahahahahaha !!! franchement t’as trop raison !!!!

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  • Pour revenir sur la citation de Beauvoir, un documentaire italien avait étudié la question de la réification du corps des femmes à la télé italienne. Ca s’appelle « il corpo delle donne », ça dure à peine 25 minutes, et c’est ici : http://www.ilcorpodelledonne.net/?page_id=515

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