De la Tunisie et du Mauvais Esprit

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Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’équipe du Poisson Rouge a un sens du timing qui tient de l’exceptionnel. Pensez donc ! On publie un article qui explique à Ben Ali pourquoi il doit partir le vendredi à midi, et à 17h, ça y est, c’est fait ! Sûr que quelqu’un lui a envoyé l’article par e-mail et qu’il s’est dit « si le Poisson Rouge s’y met, c’est fini, il me reste plus qu’à partir« .

Si les Tunisiens ont été contents qu’il se barre enfin, ça n’a pas été le cas de tout le monde, bien évidemment. Ah, il faut les voir, les Frédéric Mitterrand, les Michel Mercier et autres Dominique Strauss-Kahn ! Quel drame pour eux ! Qui va leur assurer leurs vacances à Hammamet, maintenant que le bon pote Ben Ali est parti ? Et comment est-ce qu’ils vont bien pouvoir faire pour justifier leur soutien inconditionnel à celui dont ils admettent du bout des lèvres, que peut-être, effectivement, il a été un peu mauvais, par exemple sur la liberté d’opinion et sur la liberté de la presse ?

Rassurez-vous, ils n’ont pas mis bien longtemps à la trouver, l’astuce qui leur permet de passer pour des héros, alors qu’ils sont les pire salauds. « Ben Ali a été un rempart contre l’islamisme », nous répètent-ils à longueur d’éditoriaux. Et de nous rappeler qu’il faut avoir peur des arabes, parce qu’avec ces gens-là, voyez-vous, quand on leur laisse prendre leur destin en main, c’est la porte ouverte à l’islamisme.

« Plutôt Hitler que le pouvoir aux Verts », les entend-on presque dire, parodiant tristement leurs prédécesseurs des années 30. Au moins, ils œuvrent au respect et au maintien d’une des plus solides traditions françaises : le soutien inconditionnel aux dictateurs qui nous laissent spolier tranquillement le bon peuple. Sauf que cette fois, ça ne marche plus, tout simplement parce que cette menace islamiste, il n’y a qu’eux qui pensent qu’elle peut advenir.

Il suffisait de se rendre à la manifestation de samedi à Paris pour constater que les barbus ne sont franchement pas représentatifs du peuple tunisien. Et les personnes que nous avons pu rencontrer lors du meeting de soutien de jeudi dernier nous l’ont rappelé à plusieurs reprises : les Tunisiens savent que l’origine de leurs problèmes est avant tout économique et que sur ce point, les islamistes n’ont rien d’efficace à proposer (un peu comme le Front National chez nous, quoi).

Les soutiens du président déchu Ben Ali pourraient d’ailleurs se poser une question toute simple : dans les pays où les islamistes sont arrivés au pouvoir, qu’est-ce qui leur a permis une ascension fulgurante ? On peut proposer quelques éléments de réponse, qui ne permettent évidemment pas de faire le tour de cette question complexe : en Palestine, quel pays a permis au Hamas de gagner les élections à Gaza, en annihilant l’opposition ? en Afghanistan, quel pays a formé et armé les Talibans, pour lutter contre l’URSS ? au Maroc, qui est bien content que Mohammed VI s’appuie sur les islamistes ? Bref, le moins qu’on puisse dire c ‘est que les islamistes ont rarement réussi à s’imposer sans le soutien des grandes puissances occidentales.

Pour la Tunisie, la crainte qu’on peut avoir c’est que notre beau gouvernement joue justement cette carte. D’ailleurs, notre chère Alliot-Marie, qui s’était empressée de proposer la collaboration des forces de l’ordre française pour sauver le régime de Ben Ali, n’a encore rien fait alors que les milices sèment le chaos à Tunis et que c’est maintenant qu’il faudrait agir pour le maintien de l’ordre, afin que la volonté du peuple tunisien puisse être respectée. Enfin bon, dans cette affaire, on n’en est pas à la première contradiction, et certainement pas non plus à la dernière.

Allez, une dernière petite gourmandise, pour la route. Libération s’enflamme ce matin en Une en demandant « à qui le tour ? » (en plus, c’était une idée à moi ce slogan) et en proposant une liste de joyeux drilles qu’on aimerait effectivement bien voir partir : Bouteflika, Kadhafi, Moubarak, el-Assad et Abdallah de Jordanie. Des gens de mauvais esprit pourraient se demander pourquoi Libé se limite à cette liste, et pourquoi des gens pourtant fort peu respectables, comme Mohammed VI ou le roi Abdullah d’Arabie Saoudite (qui vient d’accueillir Ben Ali) en sont absents… Mais de mauvais esprit, chez le Poisson Rouge, il n’y en a point et, comme dirait l’autre, de lettres, nous n’en avons que quatre (à proposer), et ce sont celles qui forment le mot « fric ».

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