Eduardo Mondlane

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Hier, jeudi 3 février, le Poisson Rouge (et c’est sans doute le seul) a eu une pensée pour Eduardo Mondlane, leader de la guerre d’indépendance du Mozambique, assassiné en 1969 alors qu’il luttait pour que son peuple accède enfin à la liberté. Né en 1920, Eduardo Mondlane était le fils d’un chef tribal de Manjacaze, petite ville du Sud du Mozambique, cette ancienne colonie portugaise d’Afrique Orientale qui s’étire entre l’Afrique du Sud et la Tanzanie avec une côte sur l’océan Indien, en face de l’île de Madagascar.

Avant d’entrer dans l’Histoire du Mozambique et des indépendances africaines, Eduardo Mondlane a suivi des études de sociologie et d’anthropologie en Afrique du Sud puis aux États-Unis. Une fois diplômé, il devient professeur mais est surtout engagé par l’ONU. A cette occasion, les officiels portugais essaient de le retourner de leur côté en lui offrant des postes officiels au sein de l’administration coloniale, ce que Mondlane refusera en bloc. C’est toujours animé de cet esprit d’indépendance et de révolte qu’il revient en Afrique : « bien que j’aie aimé la vie universitaire par dessus tout, j’ai décidé de consacrer le reste de ma vie à la guerre de libération de mon pays, jusqu’à l’indépendance ! ».

Il participe alors à la création du Front de Libération du Mozambique (FRELIMO), qui fédère les principaux mouvements  indépendantistes du Mozambique et mène la lutte depuis la Tanzanie voisine. Il en sera élu président en 1962. Dans la droite ligne des mouvements révolutionnaires d’indépendance, le FRELIMO lance une guérilla  d’indépendance contre le colon portugais à partir de 1964. Dans une optique marxiste, les opérations militaires étaient notamment accompagnées d’une redistribution des terres et de la mise en place de fermes coopératives, l’objectif final étant la mise en place d’un régime démocratique socialiste.

Eduardo Mondlane en compagnie de Ernesto Guevara, à Dar Es Salaam le 14 février 1965

Sous la présidence de Mondlane, le FRELIMO accède à une reconnaissance internationale et obtient le soutien de la plupart des grandes puissances, aussi bien communistes qu’occidentales. Malheureusement, Mondlane sera assassiné en 1969, à l’aide d’un colis piégé. De nombreuses hypothèses ont été émises quant aux responsables de cet assassinat : ennemis internes au sein du FRELIMO, agents de la police secrète portugaise ? Les éléments les plus récents montreraient en tous cas qu’Aginter Press, une agence portugaise qui servait de vitrine à la CIA au Portugal, serait directement impliquée dans cette opération.

L’assassinat d’Eduardo Mondlane n’aura pour autant pas eu raison du mouvement indépendantiste, qui obtient, avec son nouveau leader Samora Machel, l’indépendance du Mozambique en 1975. Un régime socialiste s’installe, sous la présidence de Samora Machel qui doit faire face à une guerre civile entretenue par les grandes puissances. En 1986, il meurt à son tour, dans un accident d’avion douteux, mais le FRELIMO reste au pouvoir. Comme quoi les leaders ont bien su transmettre le savoir révolutionnaire. La guerre civile et les intérêts capitalistes plongent le pays dans la faillite, et auront fait  plus d’1 millions de morts et 4 millions de déplacés (sur les 10 à 12 millions d’habitants du pays).

Depuis la fin de la guerre civile en 1994, des élections ont lieu régulièrement et le FRELIMO est réélu. En 2005, des exploitations agricoles louées à des Blancs pour relancer l’économie locale font faillite. Les politiques de réduction de la pauvreté sans développement des ressources locales à long terme, appuyées et financées par les gouvernements occidentaux, sont évidemment une des causes de cet échec. Le Mozambique est qualifié par les instances internationales (ex : la Banque Mondiale) comme une « réussite en termes de croissance », avec une « croissance » annuelle « exceptionnelle », jusqu’à 9 % en 2005. Quand on sait que ce pays est classé au 172e rang sur 177 pour son indice de développement humain, l’espérance de vie est de 43 ans, et le taux d’alphabétisation des plus de 15 ans de seulement 55%, on est en droit de s’interroger sur les critères de nos représentants internationaux pour juger de la réussite des Etats.

Vous venez de lire le premier article d’une nouvelle rubrique du Poisson Rouge : « Espoirs assassinés« . « Au nom de l’idéal qui les faisait combattre et qui nous pousse encore à nous battre aujourd’hui » (comme le chantait Ferrat), cette série aura pour but de rendre hommage régulièrement à des grands Hommes de notre passé qui représentaient autant d’espoirs formidables pour l’humanité et qui furent victimes de la guerre que mène depuis trop longtemps le capitalisme contre les peuples.

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5 commentaires sur “Eduardo Mondlane

  • Bon article, j’appprécie réellement lorsque quelqu’un tente de dépoussiérer un peu l’histoire pour mettre sur le devant de la scène des faits importants méconnus, ainsi que des personnages emblématiques (presque) oubliés.
    Une seule remarque cela étant, je pense que le terme « chef tribal » est un terme à proscrire, car éminemment connoté. En effet, la notion même de tribu, de tribalisme, est aujourd’hui entièrement remise en cause par toutes sortes de savants, ou du moins les plus progressistes, car elle représente exactement ce qui me dérange dans l’étude des sociétés non occidentales:
    on a tendance à enfermer dans le même sac (à merde) toutes les structures politiques que les colons européens n’ont pas réussi à comprendre lorsqu’ils sont arrivés sur le continent africain.

    La tribu est donc un terme fourre-tout qui témoigne juste du mépris qu’avaient les occidentaux à l’égard des structures politiques étrangères. En réalité, ce qu’on a appelé « tribu » ressemblait plus souvent à un village, ou à un groupe de villages, ou à une zone géographique qu’à autre chose; et les occidentaux ont propagé cette notion falsifiée de tribalisme pour assouvir la soif d’exotisme (tu vois le côté « os dans le nez », « jdanse tout nu » etc…) d’une époque.
    Pour moi, il aurait suffit de parler de « chef », ou de « notable », ou de « responsable » local, sans se sentir obligé de rabaisser la situation à coup de concept erroné et très réducteur!!!

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  • Et d’ailleurs le colonisateur s’est toujours servi de ce vocabulaire pour démontrer la supériorité de la civilisation occidentale, et pour pouvoir administrer les colonies avec bien plus de facilité!!!

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  • Complètement d’accord avec toi, le mec qui a écrit ce texte a mal relu sa copie, je ferai en sorte que ça ne se reproduise pas !

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