Il sentait bon le sable chaud mon légionnaire

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Des histoires de légionnaires, il y en a cent, il y en a mille. Chacune me fait rire à tremper mon jean, un peu comme les histoires de curés pédophiles. A chaque fois que je lis dans un canard local les exploits de nos képis blancs, je savoure avec délectation leurs méfaits en récidive. Ici, on découvre qu’une descente dans un bar minable de la côte d’azur se termine en bagarre sanglante, à grands coups de chaises et de verres brisés. Ailleurs, il est question d’insultes racistes puis de viol collectif sur le plus chétif de leurs collègues fraîchement recruté. Une autre fois, après une classique mêlée au bois de Boulogne pour « casser du pédé », quelques légionnaires éméchés s’en prennent à des policiers et leur font passer l’envie de les faire souffler dans le ballon. Bref, l’univers de nos joyeux trublions semble jonché de bavures, de dérapages et de tequila, et ce depuis 1831. Loin de les rendre sympathiques, cette réputation de casse-cous fait visiblement leur fierté, et ils la travaillent savamment, notamment à travers leur distrayant journal interne, « képi blanc ».



Récemment parti en vadrouille sous le soleil de Bamako, j’ai eu la chance, devrais-je dire l’honneur, de rencontrer un ancien de la légion étrangère, un vrai de vrai, un dur, un tatoué
. Alors que j’inspecte le comptoir d’un bar crasseux du sud de la ville pour étancher ma soif de voyageur, un homme blanc se présente à moi. Nous l’appellerons Michel. Trapu et court sur pattes, Michel exhibe ce qui lui reste de pectoraux et d’abdominaux largement entamés par des années de boisson. Un fort strabisme et un léger zozotement lui donnent de prime abord un côté vulnérable auquel il ne faut pas se fier, et son accent du sud ouest, rond et chaleureux, dissimule en fait des propos si durs qu’ils feraient rougir jusqu’au bon Dieu. Après les politesses d’usage, et quelques verres consommés, je commence à pouvoir dessiner les contours du personnage.

Michel aime les putes, malgré ses trois mariages et ses deux enfants qu’il a laissé en France. D’ailleurs on le voit souvent défiler dans le quartier au bras d’une poule de bas étage qui ne fréquente les hommes que pour leur portefeuille, et qui s’enfuit une fois leur compte en banque vidé. Cela, Michel a du mal à l’admettre, et préfère s’énerver contre « les femmes de ce pays », « qui sont toutes avides d’argent et qui restent avec toi que pour les thunes ». La dernière du moment s’appelle Titi, vient de Centrafrique, et Michel exprime souvent des regrets à son égard en ponctuant ses phrases: « J’aurais jamais dû la baiser celle là ».

Michel est poète, cela va de soi, et avance dans la vie comme un bateau ivre, de ville en ville, de bars en bars, d’histoires en échecs. Il aime montrer sa cicatrice à la hanche, « un coup de fusil » reçu après une « sale histoire » qui demeure un mystère pour la plupart des gens qu’il croise, comme son tatouage sur l’épaule et le bras, un immense Mamba Noir. Ce serpent, c’est une philosophie pour lui, qu’il résume d’ailleurs très bien: « ça veut dire que si tu t’approches trop, si tu me touches, je te mords et t’es foutu ». Mais malgré sa réputation de dur à cuir qui le précède, Michel aime à se prêter un cœur tendre et pur. Il me montre les photos de ses gosses, m’explique comme il les aime, comme sa femme est belle, me raconte comment il a affronté la justice malienne pour sortir un gamin innocent de prison. « La justice malienne, parlons-en » me lance t-il en ouvrant une bière.  « Ici, c’est la mafia qui gère tout, et le chef de la mafia, tu l’entends gueuler à l’heure qu’il est, c’est l’imam , le chef des musulmans ». Oui, Michel est con et raciste, mais ça n’a jamais tué personne jusqu’à présent, donc il continue: « j’en ai marre de ce pays, tout est crade, les égouts sont à même le sol, et les maliens sont des flemmards, ils ne foutent rien pour arranger ça. Ils ont essayé de mettre des poubelles en plastique dans les rues, mais tu sais quoi? Les habitants les ont arraché pour les mettre chez eux, et en faire des réservoir pour l’eau ».

Au fur et à mesure que la discussion se poursuit, et malgré mes tentatives pour lui faire comprendre ma vision des choses, radicalement différente, l’alcool semble lui délier la langue (il faut dire que six pastis et autant de bières ne font pas que du bien quand il fait 40°). « Au moins, pendant la colonisation, c’était propre. Et puis ils étaient tous là à demander l’indépendance, et quand ils l’ont eu, ils sont venus chez nous ». Face à ce discours violent, vide, incohérent et faux, je devrais peut être fuir, ou m’énerver. Pourtant, je reste là, à l’écouter déblatérer des conneries pendant près de deux heures, sans trop essayer de le convaincre. Il faut dire que je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’écouter parler un homme aussi différent de moi, aussi loin de mes idées.

Au bout d’un moment je comprends une chose, essentielle. Malgré tout ce qu’il peut en dire, Michel ne déteste pas le Mali, pas plus que le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire ou la Mauritanie. La preuve, il veut y faire sa vie. En fait, c’est plutôt l’Afrique qui déteste Michel. Il représente parfaitement les maux de la colonisation que le continent cherche à tous prix à balayer, à oublier. Lui veut venir passer sa retraite ici, monter une affaire, exploiter des travailleurs localement quand en France il n’aurait pas l’argent pour le faire, profiter de sa situation et d’une stature sociale qu’il n’a pas en Europe. Et en fin de compte, du haut de son mépris de blanc, et de sa violence toute occidentale, Michel se prend les pieds dans le tapis africain.

Ici il ne lui arrive que des merdes. Avant de me rencontrer, il a passé quelques jours en taule dans de drôles de circonstances: « un ami (malien) m’avait donné rendez-vous chez lui, j’y suis allé. On a fumé un pétard ensemble, et en me raccompagnant, il a insisté pour me donner un sachet d’herbe de sa récolte. Je l’ai pris, et dès que je l’ai mis dans ma poche, un flic m’a tapé sur l’épaule. Le poste, puis trois jours en cage, et ils ont refusé de me rendre mon passeport pour me faire chanter. Ca a duré dix jours en tout , c’était un traquenard c’est sûr ». Et en fait c’est toute l’histoire de notre légionnaire en Afrique occidentale. A chaque fois qu’il essaye de s’imposer, toutes ses valeurs d’intolérance et de domination se retournent contre lui, chaque affaire qu’il monte est un désastre, chaque rencontre devient rivalité, chaque ami devient ennemi. Son malheur (tout relatif) me fera rire pendant de longues minutes, mea culpa. Mais à considérer que l’on peut venir fumer l’herbe malienne, coucher des femmes dans son lit et acheter des terrains comme à la belle époque des colonies, le serpent se mord la queue, et pire, Michel risque de devenir chèvre. Et ça, pour un légionnaire, ça le fait moyennement.
Des histoires de légionnaires, il yen a cent, il y en a mille. Moi je n’en ai qu’une, mais je l’aime bien.

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9 commentaires sur “Il sentait bon le sable chaud mon légionnaire

  • Oui c’est ça que j’ai voulu retranscrire Rémi, c’était de montrer la vulnérabilité du personnage malgré ses odieux défauts. Et tu sais, plus le temps passait, plus je trouvais formidable cette situation, qui n’aurait pu m’arriver que là bas, loin de mes idées établies. Bref, je ne sais pas si je pourrais le qualifier de « belle rencontre », mais en tous cas, il m’en est resté beaucoup de choses, la preuve…

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  • super l’article!

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  • Pas mal de choses à en tirer de ce bonhomme vu le plaisir que j’ai eu à lire cet article, bravo ça m’a emporté!

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  • C est réussi en tout cas!

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  • Publié le 4 mars 2011 par L’as de Madrid | Catégorie : Analyse, Tranches de vie
    Le Français <>
    Ta tout dit concernant les légionnaires Le racisme, l’alcole, les prostitués et l’arrivisme !!!!
    Et toi camarade Lénine étudier dans nos école de la république ta fait quoi de ta vie pour la république?
    Combien personnes sont mort sur chant de bataille pour la France de ta famille d’intellectuelle de gauche.
    Cette parodie d’écrit avec ta plume de minable, tu peut coller sur tout personnes perdus dans la vie. Quelle esprit d’écrivant primitive divulguant et transformant des récits d’un alcolique-Français
    Quelle honte

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  • rien na voir avec le site j’aurait voulu savoir si vous pouvez me renseigner mon grand père était légionnaire il avait un tatouage dans le dos se qui signifie son régiment c’était bateau avec voile stp qu’elle
    régiment était t’il car il est mort et je ne sais rien sur lui et personne ne veu me dire qu’elle que chose merci d’avance ( légionnaire Mr faur justin )

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  • La légion!? certains disent « khaki dehors, caca dedant »…
    Un corps pourri par l’arrivisme des chefs qui envoient les hommes au casse pipe pour leur propre carrière, médailles et promotions…
    C’est pour çà qu’ils ont d’énorme pertes… Rien à foutre de la vie des hommes…
    Régiments hors la loi… Fausse identité, brimades, violence, viols, drogue, alcool… Un monde en dehors des lois de la République qui devrait disparaître.
    Non respect des droits de l’homme. L’Etat Major de l’Armée ne connait même pas leur effectif exact! Un comble!
    Vol de la solde des hommes, des retraites des anciens, passage à tabac pour ceux qui ne veulent pas rempiler. Trafiques en tout genre. les légionnaires de Guyane sont souvent tenanciers de bordels au Brésil…
    Elle est belle l’armée française avec des zozos comme çà!
    Il n’y a rien qu’en Corse qu’ils rasent les murs… Parce qu’en Corse, on rigole pas avec ces brutes qui ne respectent ni le pays ni les gens…

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    • On en lit quand même des belles des bêtises… mais le post de Martine est tout de même l’état de l’art de la connerie… et en Corse les légionnaires ne rasent pas les murs, ils s’entendent même bien avec les corses…

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