Le triple effet Kiss Cool

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Depuis que les politiques français, et en particulier la droite, ont découvert les exonérations de cotisations sociales, elles sont presque devenues le seul outil imaginable de politique publique. Elles servent à tout ! Ce remède miracle est censé ramener l’emploi, la productivité et la croissance en France à la vitesse grand V. Et même, si vous insistez un peu, et si vous êtes sympas avec elles, elles peuvent vous garantir le retour de l’être aimé en 48h.

Sauf que… Ça fait maintenant plus de dix ans qu’on créé des nouvelles niches chaque année, et le moins qu’on puisse dire c’est que l’emploi n’est pas franchement au top en France. On n’évoquera pas la croissance, pour ne fâcher personne (« il n’y a pas de récession, dormez braves gens »). Et si la productivité a augmenté c’est avant tout grâce à la réduction du temps de travail. Bref, l’efficacité des exonérations est plus que douteuse. Si on était sur un blog de gauche, on pourrait même dire qu’elles ne servent strictement à rien sauf à dépenser l’argent public. « Mais alors », vous demandez-vous sans doute, « pourquoi on continue à en faire ? »

Eh bien, il faut avouer que derrière l’objectif économique affiché, les exonérations ont des petits côtés sympas, capable de convaincre n’importe quel politicard de droite de leur utilité en 40 secondes.

D’abord, tout bêtement, ça fait plaisir aux patrons. Mais si, vous savez, ces gens qui croulent sous les impôts. Ces gens, qui voudraient bien diminuer un peu leur profit pour en donner à leurs salariés, mais voyez c’est pas si simple que ça avec la conjoncture et puis les chinois est-ce qu’ils redistribuent eux, allez retourne au boulot plus vite que ça feignasse et ne t’avise pas de monter un syndicat. Ces gens sur qui l’impôt pèse tellement que leur seule solution est la fraude massive. Bon, bin, ces gens, quand vous leur filez du fric, ils votent pour vous (qu’est-ce qu’ils sont sympas quand même…). C’est le premier effet Kiss Cool.

Le deuxième avantage des exonérations, c’est qu’elles coûtent de l’argent. Or en temps de disette budgétaire, quand on demande au peuple de se serrer la ceinture, dépenser de l’argent inutilement est toujours bienvenu pour enfoncer le clou. Plus précisément, les exonérations de cotisations sociales, comme leur nom l’indique, créent un gros manque dans les recettes de la Sécurité Sociale. Osons les comparaisons vaseuses : les exonérations de cotisations sociales sont la pelle géante qui creuse le trou de la Sécu. Les allégements généraux par exemple, coûtent plus de 20 milliards d’euros par an. C’est à peu de choses près le montant du trou de la Sécu, justement. Marrant, non ? Rien qu’en mettant en place des petites exonérations gentilles, on peut détruire le système social français, faire passer des saloperies comme la loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoires », puis dans un second temps filer le pactole que représentent les dépenses de santé aux copains (Guillaume Sarkozy, si tu m’entends…). Voici pour le deuxième effet Kiss Cool.

Le troisième effet Kiss Cool est mon préféré. Il permet, grâce à un savant mélange de mauvaise foi et d’opportunisme, de pratiquer un petit tour de prestidigitation qui fait disparaître de la scène les exonérations pour pouvoir expliquer que ce ne sont pas elles, non non, qui coûtent de l’argent, mais un autre phénomène, éventuellement vaguement en relation, choisi avec soin évidemment. Le tout sous les applaudissements du public, s’il vous plaît. Le dernier en date à en avoir profité est Bernard Accoyer, mercredi dernier sur France Inter. Il expliquait aux journalistes en train de lui lêcher les bottes combien les 35 heures étaient mauvaises pour la France. Son principal argument était qu’elles coûtaient 40 milliards d’euros par an en dispositifs fiscaux. Ce que ne précisait pas M. Bernard Accoyer, c’est que parmi ces 40 milliards, il y en a au moins la moitié qui sont en fait un dispositif d’exonérations sociales dont le nom vous rappellera sans doute quelque chose : Fillon. Eh oui, si « les 35 heures » coûtent tant à l’Etat c’est parce qu’un certain Fillon François, en 2003, a décidé de prolonger ad vitam aeternam une mesure provisoire dont le but était d’amortir le choc de la réduction du temps de travail en l’étalant sur plusieurs années. Le dispositif Fillon 2003 propose ainsi des mesures d’exonérations plus que généreuses sur les bas salaires, qui permettent d’accuser la gauche de tous les maux du pays et de remettre en cause une des rares mesures de progrès social des 20 dernières années, tout en créant de jolies trappes à SMIC dont les banquiers et autres vendeurs de credit revolving doivent rêver la nuit. Pas mal non ?

Enrichir les copains, détruire le système social français sous prétexte d’économie, et en plus faire porter le chapeau de ces forfaitures à la gauche, c’est donc ce que permettent les dispositifs d’exonérations sociales. Pile poil le projet social de l’UMP, dites-donc. On aurait voulu faire mieux qu’on n’y serait pas arrivé. Du coup, ce n’est pas franchement surprenant que ce racket organisé ait tant de succès auprès de notre gouvernement…

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2 commentaires sur “Le triple effet Kiss Cool

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