Christianisme et marketing

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A l’image du Front National, les organisations d’extrême droite françaises se cherchent de nouveaux visages. Pour les uns, il s’agit d’humaniser le discours ; pour les autres, d’occuper au maximum le terrain médiatique en multipliant les « coups ». La place laissée par Marine Le Pen à sa droite historique semble profiter à une abondance d’organisations jusqu’ici dans l’ombre. Le Bloc Identitaire a fait beaucoup parler de lui ces dernières années mais de nouveaux venus se déchirent le premier rôle. Le christianisme est devenu au passage une affaire de marketing.

Depuis dix jours maintenant, le quartier du Chatelet à Paris est le théâtre (sic) de manifestations groupusculaires d’extrême droite. Pantalons beiges, trench bleus et crucifix se donnent rendez-vous chaque soir pour affirmer leur désaccord avec la représentation d’une pièce intitulée Sur le concept du visage du fils de Dieu de Romeo Castellucci. Derrière ce titre pompeux et légèrement indigeste se tient une œuvre stigmatisée comme blasphématoire par les mouvements catholiques intégristes. En cause, une lapidation toute symbolique d’un visage christique qui n’est pas du goût de tout le monde. Même si à première vue ces mobilisations n’ont rien de surprenant, l’ampleur qu’elles ont prise dans les médias nous pose la question de l’engouement qu’elles suscitent. Tout est pourtant une affaire de communication.

poisson rouge

Entre deux slogans extraordinairement ringards (France, jeunesse, chrétienté ou Le blasphème ne passera pas), les militants venus perturber la pièce s’agenouillent sur la chaussée pour s’adonner à leur passe temps favori : la prière de rue. Le Renouveau Français, qui s’affirme comme l’instigateur de la contestation, participe activement à ces mises en scènes douteuses et exhumées d’un âge passé. Ce groupuscule pétainiste, pourtant, stigmatisait il ya quelques mois encore les musulmans qui priaient au beau milieu de la rue Myrha (Paris 18ème), allant jusqu’à proposer son aide à l’organisation d’un apéro Saucisson Pinard contre l’islamisation. Le Bloc Identitaire avait alors refusé la proposition jugeant l’organisation trop « nationaliste ». Drôle de revirement pour ceux qui se cachaient jusqu’ici derrière le principe de la laïcité… Mais passons, car après tout les discours identitaires se mordent souvent la queue. Le Renouveau Français, tombé dans l’oubli depuis ses interventions plus ou moins lâches dans les kiss-in de réaction aux propos du pape (si si, vous vous souvenez que la capote était responsable du Sida !!!), a saisi une incroyable opportunité de faire parler de lui. Au printemps dernier déjà, quelques uns de ses militants accompagnés de l’institut Civitas (dont le Renouveau Français assure la sécurité) avaient détruit l’œuvre picturale du célèbre Andres Serrano. Une photo, exposée alors à Avignon, représentait un crucifix noyé dans un liquide jaunâtre. Son titre Immersion Piss Christ laissait peu de doutes quant à l’interprétation que l’artiste en faisait. S’attaquer constamment aux œuvres d’art critiques serait donc devenu le nouveau credo du groupuscule.

L’une de ses première intervention dans « l’affaire » Castellucci, a été cette étrange action menée lors de la représentation du 20 octobre par une dizaine de militants. Au beau milieu d’une salle bondée, ils se sont furieusement jetésur scène en brandissant une banderole estampillée « Christianophobie, ça suffit » censée ramener à la raison les brebis égarées qui assistaient au spectacle. Parmi ces activistes hystériques, nous avons pu noter la présence, ô combien drolatique, de notre mascotte favorite : le « rappeur » GOLDOFAF. Pour ceux qui auraient raté les hit parade de ces dernières années, un bref récapitulatif s’impose. Goldofaf, le rappeur facho faché, a été promu au rang de vedette de l’extrême droite française avec son détournement d’une chanson du groupe Sniper, Gravé dans la roche, puis son titre Honneur à la patrie. Malgré la pauvreté des rimes et la sécheresse des mots, celui dont le pseudo laissait présager un formidable talent a réussi à créer un petit buzz sur la toile. Bien souvent, pourtant, il était tourné en ridicule par les internautes. Pensez donc, un jeune homme tout droit sorti de la messe, habillé en Versaillais qui se lance dans le rap, ça peut prêter à sourire. Au risque de lui faire un peu de pub, la vidéo de son titre est indispensable pour comprendre l’absurdité de ses lyrics.

Le Renouveau français tente donc d’occuper le terrain à la droite du FN, en jouant allègrement d’arguments religieux délaissés par la nouvelle direction du parti. En s’attaquant à différentes formes d’art jugées « christianophobes », il affirme l’objectif suivant : agréger toutes les composantes non laïques de l’extrême droite radicale. Pourtant, ces méthodes nous rappellent, une fois n’est pas coutume, les pans les plus sombres et sordides de l’histoire européenne. S’attaquer à une œuvre reste un mode d’action hérité des pires passades fascistes et des délires obscurantistes. Mais le Renouveau Français n’en est pas à son coup d’essai : chaque année, il organise une cérémonie en commémoration des morts du 6 février 1934 (la tentative de coup d’Etat par les ligues factieuses). Les noms des morts sont énumérés les uns après les autres, et les militants répondent « présent » à chacun des patronymes. Triste spectacle calqué sur les méthodes du parti Nazi lui-même, qui pratiquait ce culte à la mémoire de Horst Wessel, militant SA érigé au rang de martyr.

Plus d’informations sur le Renouveau Français: blog d’Abel Mestre et Caroline Monnot

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3 commentaires sur “Christianisme et marketing

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