Décryptage d'une mascarade

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Par Mask

Dimanche 4 décembre 2011, se sont déroulées des élections législatives en Russie. On annonçait déjà sur tous les toits une éclatante victoire de Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine. Il n’en fut rien. Il semble que seule la corruption et les fraudes électorales ont permit aux hommes en place au Kremlin d’éviter la déroute !

Avant d’analyser les résultats intéressons-nous d’abord au mode de scrutin. La loi électorale actuelle est la même que celle appliquée pour le scrutin précédent, en 2007. Il s’agit d’un mode de scrutin pleinement proportionnel. Les partis admis à la répartition des sièges doivent franchir un seuil de 7 % des suffrages exprimés sur le plan national. Ceux qui n’auraient pas atteint ce seuil reçoivent deux élus avec un score compris entre 6 et 7 %, et un élu avec un score égal ou supérieur à 5 % des suffrages exprimés. Les partis n’ayant rempli aucune de ces conditions sont exclus de toute forme de représentation.

Sept partis politiques ont remplis les conditions nécessaires pour concourir à ces élections. Je me permets d’ajouter le score de chacun d’eux. Les voici :
Russie Unie (centre-droit conservateur et autoritaire) : 49,34 % des suffrages.
Parti communiste de la Fédération de Russie (marxistes-léninistes nationalistes) : 19,19 % des suffrages.
Russie Juste (sociaux-démocrates) : 13,24 % des suffrages.
Parti libéral-démocrate (droite ultra-nationaliste) : 11,67 % des suffrages.
Parti démocratique russe « Iabloka » (centre-droit libérale) : 3,42 % des suffrages.
Patriotes de Russie (gauche nationaliste) : 0,97 % des suffrages.
Juste Cause (droite libérale) : 0,60 % des suffrages.

Ces résultats surprenants sont une sérieuse mésaventure pour le Premier ministre Vladimir Poutine et son parti, Russie Unie. Malgré les pressions mises en œuvre par le Kremlin sur les autorités locales pour assurer la victoire de ce parti, Russie Unie perd près de 15 points par rapport aux précédentes élections législatives de 2007, obtenant un score de 49,3 %. En termes de voix, la chute est encore plus impressionnante : près de 12,5 millions d’électeurs ont été perdus en l’espace d’une législature.

La participation, un peu supérieure à 60%, est en légère baisse par rapport à 2007. C’est une donnée importante à prendre en compte, puisque cela signifie que les anciens électeurs de Russie Unie se sont surtout reportés sur d’autres partis. Ces autres partis progressent tous, en dehors de la droite d’opposition pro-occidentale, qui stagne.

Le KPRF (communiste) enregistre la plus forte progression. Il passe de 11,6 % à 19,2 %. C’est une forme de renaissance pour ce parti qu’on décrivait il y cinq ans comme particulièrement affaiblit, et qui s’affirme finalement comme la seconde force politique de Russie. Ce résultat va dans le sens du regain de forme enregistré par les communistes aux récentes élections locales. Le KPRF gagne près de 4,5 millions d’électeurs. Cette percée des communistes est sans aucun doute liée au regain de popularité de Staline au sein de l’opinion publique russe, et à la nostalgie d’une partie de la population par rapport à l’ancien système soviétique, associé à la grandeur de la Russie et particulièrement au payement des salaires et des retraites. Malgré cette forte poussée, les dirigeants du KPRF ont fortement dénoncé les fraudes électorales organisées, selon eux, par Russie Unie dans les contrées les plus reculés de la Fédération.

La véritable surprise de ces élections vient du score de Russie Juste qui passe de 38 sièges à 64 et réalise là son meilleur succès électoral depuis la création du parti. Malgré une tendance à l’opposition assez faible face à Russie Unie, la nouvelle force électorale dont dispose le parti devrait leur permettre de changer leur fusil d’épaule. Après avoir soutenu Poutine et Medvedev aux deux dernières élections présidentielles, ce parti pourrait être tenté de présenter son propre candidat.

Les ultranationalistes du LPDR enregistrent eux aussi une poussée : en passant de 8,1 % à 11,7 %, soit un gain d’environ deux millions d’électeurs. Leur montée dans l’opinion publique russe n’est cependant pas une surprise vu la tendance xénophobe que prend la société russe. Ils representent probablement la seule force politique avec qui Russie Unie pourra négocier une éventuelle coalition pour renforcer son pouvoir (rappellons qu’en raison des particularités du mode de scrutin en vigueur, Russie Unie devrait conserver sa majorité absolue).

Enfin, ce n’est pas parce que l’électorat se lasse de Russie Unie qu’il se lasse pour autant de Vladimir Poutine. Il faut bien différencier ces deux éléments. Les Russes aimaient leurs tsars, ils n’aimaient pas forcément leur gouvernement. Il en va à peu près de même avec Vladimir Poutine.
Il sera réélu, sans doute avec une large avance. Mais c’est un signal fort lancé à son pouvoir, qui semble avoir perdu de sa capacité à faire pression sur les autorités locales pour corrompre les électeurs.

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Un commentaire sur “Décryptage d'une mascarade

  • Ce serait intéressant, dans votre article sur la gauche russe, de parler des « vrais » communistes (tels que l’AKM, les autonomes-communistes…) ayant rompu avec le KPRF, et des réseaux libertaires ou écologiques radicaux, très actifs (on les a vu notamment lors de la défense de la forêt de Khimki).

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