Polisse : Sous influences majeures

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Par Takuan

Depuis sa sortie le 19 octobre dernier, Polisse a drainé en salles plus d’un million sept cent mille spectateurs. Un film populaire qui ne baisse pas son froc et mêle une atmosphère très accessible au public français à l’influence de tout un pan de la fiction télévisuelle d’outre-atlantique.

La police, la vraie, avec un c, le dit elle-même : Polisse est truffé de raccourcis et d’approximations d’un point de vue juridique. Ce n’est pas très important. Le sort des enfants ne l’est pas tellement plus au sein du scénario. A aucun moment la réussite du film ne tient à son réalisme à ce niveau. En effet, ce qui fait l’attrait de ce quotidien romancé des membres de la brigade des mineurs, c’est bien les personnages en eux-même. Et on ne s’attacherait pas forcément autant à eux sans le parti-pris de la mise en scène.

Le vrai dans le faux

Il n’y a pourtant rien de bien original. Filmer une fiction comme un semi-documentaire, caméra à l’épaule et sans effets de style, est monnaie courante depuis quelques années. Mais aller au bout de ce principe dans un long métrage destiné au grand public est encore une rareté en France. D’un point de vue visuel, impossible de ne pas penser à des séries récentes comme la célèbre The Office ou Louie, qui, par le biais d’une caméra soi-disant embarquée, emmènent le spectateur au plus proche des personnages. Plus près de nous, on peut aussi citer l’inégal Entre Les Murs de Laurent Cantet. Difficile de ne pas se sentir inclus physiquement dans cette brigade, l’absence d’artifices visuels et l’imperfection du cadrage faisant apparaître le tout encore plus honnête et engageant que ne le ferait un réel documentaire sur le sujet. Mais ce choix de mise en scène ne fonctionnerait pas sans une écriture à la hauteur. C’est probablement là que se trouve la plus grande force de Polisse, et là où l’influence de la télévision américaine est la plus évidente.

Dans sa volonté de ne pas se limiter à une intrigue principale et privilégier une approche plus décousue et faite essentiellement de vignettes, Polisse rappelle en effet le format d’une série télévisée. A la différence près qu’une saison entière serait concentrée ici en deux heures. La façon dont Maïwenn suit une bande de flics un brin alcoolos qui en ont dans le slip et qui passent leur temps à échanger des traits d’esprit pour le moins fleuris n’est pas sans rappeler la narration des cadors du genre policier, et notamment l’incontournable The Wire. Ce n’est pas pour autant un copier / coller mou du genou ; Polisse a l’intelligence d’adapter ces formules et les réinterpréter à sa façon pour servir son sujet. C’est dans l’importance des dialogues, qui sonnent toujours très justes, et ce mélange de quotidien glauque et d’humour à froid que cette brigade des mineurs bien de chez nous rappelle les personnages du chef-d’oeuvre absolu de David Simon. Et ce n’est pas un petit compliment. Le ton fait mouche, car tout y est crédible – si on excepte le personnage de Maïwenn complètement inutile et hors de propos, mais ça relève du détail. C’est là la raison pour laquelle les spectateurs s’identifient à la chorale d’acteurs : n’importe qui peut se retrouver en eux, à la simple condition d’avoir déjà travaillé dans une ambiance de groupe.

Si Polisse a été l’un des grands succès de la rentrée, c’est bien parce qu’il parvient à marier une esthétique et une écriture héritées du haut du pavé de la télévision américaine avec une identité qui lui est propre. Dans un cinéma français qui se contente bien souvent de se regarder le nombril, la démarche est pour le moins salutaire.

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Un commentaire sur “Polisse : Sous influences majeures

  • Polisse et son armada d’acteurs low-cost à code-barre CANAL+ tatoué sur la fesse n’a rien à voir avec The Wire.
    Comment des personnages qui alternent entre présence fantomatique de présentateur météo et délire hystérique de télé-réalité peuvent-ils nous évoquer le swag sobre des persos de la série culte ?

    De la politique, pas la moindre trace. Il y aurait beaucoup à dire sur le recyclage de documentaire au cinéma au début du film (cf http://www.youtube.com/watch?v=3cljNboPU08). Mais Maïwenn n’a pas la radicalité du Redacted de Brian de Palma. Elle court après une réalité qu’elle semble ne pas saisir, se perd en route et finit par s’en foutre royalement.

    Polisse ? Un bon sketch bien marrant d’une heure et quelques. C’est bien mais c’est tout.

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