Salauds de pauvres !

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Ça y est, nous y sommes. La campagne présidentielle est lancée, plus précisément il faudrait parler de pré-campagne. Nicolas Sarkozy a revêtu les habits de candidat présidentiable et a lancé ses lieutenants dans la bataille. Entre l’humour désopilant d’Eric Besson et les accusations de germanophobie à l’encontre du camp socialiste, il semble que cette année encore, le débat volera haut.  Petite parenthèse, certains lecteurs se sont plaints du tournant trop sérieux que prenaient les articles du Poisson Rouge. Pour rétablir l’équilibre, je vous propose  de vous raconter une petite blague. Alors, c’est l’histoire d’une pute dans un ascenseur qui dit à une autre… En fait je vais m’abstenir je crois.

Revenons  à notre sujet. Le 15 novembre, le Président de la république faisait un discours à Bordeaux, devant 3500 militants, sur le thème de la protection sociale et, de la nécessité de mettre en place des mesures plus stricte visant à lutter contre la fraude sociale. Mise à part les raccourcis douteux, qui induisaient que les personnes qui étaient contre la réforme des retraites trahissaient l’héritage du programme du Conseil National de la Résistance (CNR) et participaient en fait à la destruction du modèle social républicain (les millions de personnes qui étaient descendues dans la rue pour exprimer leurs désaccords contre la réforme ont du apprécier), ce discours a présenté l’un des thèmes principaux de la droite sarkozyste pour la campagne présidentielle : la lutte contre la fraude sociale.

Pour résumer l’esprit de ce discours, la lutte contre la fraude devrait s’intensifier à l’encontre des fraudeurs aux prestations sociales comme les allocations familiales, le RSA ou encore les allocations aux parents isolés. Deux jours avant ce discours, M6 préparait le terrain avec un Zone interdite consacré aux fraudes sociales. Le sujet est en effet assez porteur. Selon un sondage Ifop d’octobre 2010, rapporté par l’Express, 80% des personnes interrogées considéraient que « beaucoup de personnes abusent des aides sociales ».

L’argumentaire du camp sarkozyste se base principalement sur le rapport Tian, enregistré le 29 juin 2011 à la Présidence de l’Assemblée nationale, qui avait déjà fait l’objet d’un article dans le Poisson Rouge. Le Rapporteur Dominique Tian, député des Bouches-du-Rhône, avait fait fuité quelques grandes lignes du rapport dans la presse dès le 22 juin, avançant le chiffre de 20 milliards d’euros comme montant correspondant des fraudes sociales. Principales propositions avancées par Monsieur Tian, accentuer le contrôle du versement des prestations sociales et augmenter le flicage des bénéficiaires de ces mêmes prestations.

La fraude sociale en France

Le terme de fraude sociale renvoie généralement dans l’imaginaire collectif aux fraudes aux prestations sociales. Pourtant la fraude sociale englobe les fraudes aux prestations sociales et les fraudes aux prélèvements (le travail au noir). Premier constat tiré du rapport du député Tian, alors que le montant des fraudes aux prestations sociales détectées s’élève entre 2 et 3 milliards, les fraudes aux prélèvements atteindraient entre 8 et 15 milliards d’euros. Selon Monsieur Tian il y a « entre 10 % et 12 % d’entreprises en infraction et entre 5 % et 7 % de salariés non déclarés. » Une part très importante des fraudes sociales est donc due au « travail au noir » qui comme le rappelle Jean-Luc Préel (députe NC) lors de la remise du rapport Tian : « La fraude majeure, à savoir le travail illégal, est le fait majoritairement des employeurs ». Et pourtant le rapport Tian ne semble pas en tirer la moindre conclusion ; Sur 53 recommandations, seules 4 traitent explicitement du travail au noir

Les vrais chiffres des Fraudes aux prestations sociales

La Cour des comptes, dans une communication publiée en Avril 2010, résumait les chiffres disponibles et les plus viables au sujet de la fraude aux prestations sociales. La comparaison des deux rapports permet de relativiser les effets de communication de Nicolas Sarkozy et les chiffres avancés par Monsieur Tian. Premièrement, alors que le rapport Tian avance un taux de fraude aux prestations sociales de 1%, la Cour des comptes pose le taux de 0.77% (p.35) comme préjudice moyen pour l’année 2008 (tout en appelant à la prudence par rapport à ce chiffre). La Cour des comptes précise un certain nombre de chiffre intéressant. Par exemple, pour la branche famille de la sécurité sociale (p.42), le montant moyen de fraude serait de 674 M d’euros pour l’année 2008. Plus précisément sur les sommes versées par la Caisse Nationale des allocations Familiales (CNAF), le taux de Fraude pour les allocations familiales est estimé à 0.43 %, pour les prestations d’accueil du jeune enfant (PAJE) le taux de fraude est 0.24 %. Les fraudes les plus importantes concernent en fait essentiellement les prestations « intégrées dans le RSA comme le RMI (estimé de 3,61 %) ou l’API (avec un taux de 3,1 %) ». Nous sommes loin donc du système de fraude généralisé.

La Cour des comptes a l’avantage aussi de préciser la différence qu’il y a entre les sommes détectées (et misent en avant par le rapport Tian) et le préjudice financier potentiel. La Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs salariés (CNAMTS),  pour l’année 2008 affiche un montant de fraude détectée ou stoppée de 160 M d’euros, et un montant d’économie réalisée (sommes récupérées) de 131,7 M d’euros (p.35). Dans la même idée, la CNAF récupère en moyenne 88% des sommes fraudées, c’est-à-dire que pour un montant moyen de fraude détectée de 674 M d’euros, la CNAF  affiche au final un préjudice financier réel de 168 M d’euros (p.42). De l’aveu même du Président de la CNAF Jean-Louis Deroussen, « 90% des sommes indûment versées sont récupérées ». Une note en date du 6 avril devant le Conseil d’administration de la CNAF précise même que « dans la mesure où les indus semblent globalement bien détectés par les CAF (caisses locales des allocations familiales), le problème se pose d’avantage dans les termes de mauvaise qualification que de mauvaise détection ».

A la lumière de ces différents éléments, l’incompréhension est totale. La droite qui se disait pragmatique serait-elle devenue aveugle ? Sur la somme de 457 millions d’euros récupérée en 2010, un peu plus de 300 millions concerne les prestations sociales et 150 millions concerne les fraudes aux prélèvements. L’effort de détection se fait donc sur le dos des usagers qui pourtant sont 4 à 5 fois moins « tricheurs » que les petits et grands patrons.

Pour Finir, le chiffre de 3 milliards d’euros attribué à la fraude aux prestations devient dérisoire lorsqu’on le place à côte du chiffrage potentiel de l’évasion fiscale qui serait compris entre 50 et 73 milliards d’euros. poisson rouge

 

 

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2 commentaires sur “Salauds de pauvres !

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