Le système Poutine 3/3

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Par Mask

Les premiers opus de la saga Le sytème Poutine sont à lire ici.

Suite au bourrage d’urnes avéré du 4 décembre dernier, le gouvernement oligarchique de son altesse impérial Vladimir Vladimirovitch Poutine fait face à un vague de protestations et de manifestations sans précédent. Une « révolution blanche » à l’image des printemps arabes est en train de voir le jour dans le pays.
Pour autant, le Tsar n’est pas encore tombé. Car lorsqu’on se confronte à la réalité russe, on ne garde pas bien longtemps ses illusions. Vladimir Poutine, pur produit des services du ministère de l’Intérieur, n’a pas réussi à dépasser ses origines et n’a jamais cessé de se conduire comme un lieutenant-colonel du tristement célèbre KGB. Aujourd’hui comme hier, sa principale préoccupation reste de régler ses comptes avec ses concitoyens épris de libertés, celles-là même qu’il s’obstine à piétiner allégrement depuis plus de dix ans.

poisson rouge

Pour s’assurer une prise sur le pouvoir pour longtemps, Poutine utilise deux stratégies vieilles comme le monde. Celle de la menace et celle de la récompense. Pour appliquer la première, il s’appuie sur un réservoir d’anciens du KGB qu’il a su placer à des postes-clés du tout-puissant ministère de l’Intérieur, dont il a très largement augmenté les crédits à son arrivée au pouvoir. En renforçant ainsi les pouvoirs de la police, de l’armée et des services de renseignements (FSB, GRU et les fameux « Spetsnaz »), il s’est assuré la fidélité de ce que les russes appellent les siloviki (« les hommes de force »). Les hommes de ces organes savent qu’ils doivent leur carrière et leur avancement à un seul homme, et lui ont, par conséquent, juré un serment tacite de fidélité. Leur influence sur la vie politique russe est indéniable, la directrice du Centre d’étude des élites moscovites, Olga Krychtanovskaïa, estime que 78 % des 1 016 principaux responsables politiques russes ont travaillé précédemment dans une organisation affiliée au KGB ou FSB. Les liens entre le monde politique (ou économique) et le FSB sont encore accrus, par cet attachement inaliénable des ex-agents du KGB ou FSB envers leur ancien service.

Ayant ainsi protégé ses arrières, Poutine s’attaqua alors à un défi plus vaste, celui de mettre au pas les puissants oligarques qui avaient prospéré joyeusement sous l’ère Eltsine. L’exemple le plus frappant d’entre eux est celui de Mikhaïl Khodorkovski, ancien patron du groupe pétrolier Ioukos. Ce groupe est issu de l’époque soviétique. Il fut acquis dans des conditions douteuses par Khodorkovski au milieu des années 1990, pour 309 millions de dollars seulement, dans le cadre de privatisations qualifiées de « hold-up du siècle ». Suite à l’acquisition de l’entreprise Sibneft, Ioukos était en 2003 la première compagnie pétrolière de Russie et la quatrième au niveau international. Il semble que ce soit le projet de céder le groupe Ioukos à un groupe pétrolier nord-américain pour 40 milliards de dollars qui ait déclenché la campagne dirigée contre Khodorkovski. Celui-ci fut donc accuser de détournements de fonds à hauteur de 22 milliards de dollars. Il coule actuellement des jours paisibles dans une geôle au fin fond de la Sibérie.

 

Mikhaïl Khodorkovski poisson rouge

Mikhaïl Khodorkovski

D’autres oligarques se sont rapprochés du pouvoir et ont obtenu des postes au sein de structures étatiques, en contrepartie de la mise au service du pays de leurs fortunes (souvent acquises dans des conditions aussi douteuses que celle de Khodorkovski). C’est le cas de Roman Abramovitch, d’Anatoli Tchoubaïs ou de Vladimir Potanine. Enfin, d’autres semblent jouir d’une certaine impunité, tel Pavel Fedoulev qui, en septembre 2000, s’est emparé du combinat métallurgique d’Ouralkhimmach, avec l’aide des OMON (les forces spéciales du Ministère de l’Intérieur). La longue série de privatisations contestées dans l’industrie métallurgique russe, commencée en 1991, continue sous le gouvernement du président Poutine
Il y a un autre type de personnes que Vladimir Poutine n’aime vraiment pas. Ce sont les défenseurs des droits de l’homme et parmi eux un genre bien particulier, les journalistes. En témoigne ces chiffres, pendant les seize dernières années, 600 journalistes ont été tués dans le monde dont 120 en Russie selon Reporter sans frontières. La plus célèbre d’entre eux est probablement Anna Politkovskaïa, journaliste d’investigation connue pour son opposition à la guerre de Tchétchénie, elle est assassinée devant l’ascenseur de son immeuble, à Moscou, dans l’après-midi du 7 octobre, jour anniversaire de… Vladimir Poutine. Moins médiatique mais tout aussi inquiétant, le très grand nombre de journalistes internés de force dans des hôpitaux psychiatriques spéciaux dont on est sans nouvelles pour la plupart (peut-être étaient-ils réellement fou ? Soyons réalistes…).

Anna Politkovskaya poisson rouge

Anna Politkovskaya

Les bloggeurs ne sont pas non plus à l’abri de la violence du pouvoir. Oleg Kachine, célèbre blogueur, lu par des milliers d’internautes chaque jour, et journaliste du quotidien Kommersant, a été victime d’une sauvage agression près de son domicile à Moscou dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 novembre 2010.

Ci dessous la vidéo de l’agression d’Oleg Kachine. Nous avons estimé utile de la diffuser tout en tenant à prévenir nos lecteurs de la violence qu’elle dévoile.

Oleg Kachine s’était particulièrement intéressé aux mouvements d’opposition, comme Oborona et NBP, et aux mouvements de jeunes pro-Kremlin. Il avait récemment couvert la polémique autour de la forêt de Khimki et le bras de fer engagé entre les autorités soutenant le projet autoroutier et les mouvements de défense de l’environnement. Plusieurs journalistes et blogueurs ont été agressés et arrêtés pour avoir donné une version des faits différente de la version officielle.
On pourrait multiplier quasiment à l’infini les exemples de ce type. Depuis une dizaine d’années en Russie, les droits et les libertés de l’Homme sont bafoués par un homme qui s’est fortuitement propulsé à la tête du pays et qui est aujourd’hui l’égal d’un tsar que l’on doit adorer et craindre.

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