Sénégal, l’insurrection qui vient?

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Mise à jour : le jour de la parution de notre article, des milliers de Sénégalais sont descendus dans les rues de Dakar (mais aussi de Thiès, Mbour et Kaolack), bravant l’arrêté interdisant les rassemblements jusqu’au lundi 30 janvier. Comme nous l’avions écrit, la situation explosive au Sénégal a aboutit à des manifestations massives à caractère insurrectionnel. A la nouvelle de la validation de la candidature d’Abdoulaye Wade par le Conseil constitutionnel vendredi à 21h, la manifestation a tourné à l’émeute: barricades, jets de pierre et affrontements avec la police (qui aurait conduit à la mort d’un policier) jusqu’au milieu de la nuit. L’opposition semble ne pas vouloir s’arrêter là et projette d’organiser plusieurs actions. De surcroît, au lendemain des émeutes, un des responsables du Mouvement du 23 juin, Alioune Tine a été arrêté et son domicile perquisitionné. Youssou N’dour quant à lui s’est vu refuser sa candidature faute d’un nombre suffisant de signatures d’élus. Affaire à suivre.


Présidentielle au Sénégal : un policier tué lors… par BFMTV


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Depuis bientôt un an la contestation au Sénégal ne cesse de gronder. La rue, les jeunes et l’opposition rappellent au président Abdoulaye Wade et à son parti (le Parti Démocratique Sénégalais) qu’ils n’ont plus leur place à la tête du pays. Les grèves, les manifestations, les rassemblements et les émeutes s’enchaînent. Étrangement, les événements sénégalais ne sont traités en France que par les médias spécialisés sur l’Afrique. Retour sur une actualité largement occultée.

Considéré depuis longtemps comme le bon élève de l’Afrique, le Sénégal a souvent été loué pour sa stabilité politique et économique, pour son développement et ses infrastructures modernes. Le clan du président Wade, au pouvoir depuis 2000, entretient même des rapports cordiaux voire étroits avec la France (proche de Sarkozy et Guéant) mais aussi avec la nébuleuse de la Françafrique, en la personne de Robert Bourgi, le monsieur mallettes de l’Elysée.
Depuis quelques années pourtant la situation du Sénégal se dégrade : coupures d’électricité quotidiennes, augmentation du prix des aliments et de l’énergie, retard de paiement dans le secteur public, chômage et faible croissance. La faute à la crise certainement. Oui mais, ajoutez à cela le recul des libertés individuelles, les modifications dans la Constitution sans aucune consultation et les convocations régulières de journalistes dans les tribunaux et vous obtenez le cocktail parfait pour une insurrection.

Abdoulaye Wade, un troisième mandat illégal

La détérioration des conditions de vie est un des facteurs de mobilisation mais il n’est pas le seul, la contestation vise très précisément le président Wade. Ce dernier aujourd’hui âgé de 85 ans se représente aux élections prévues au mois de février 2012. Or, Wade avait lui-même réduit la durée du mandat présidentiel à 5 ans et interdit à quiconque de cumuler plus de deux mandats. Il semble avoir changé d’avis assez vite sur cette mesure puisqu’il a, par un tour de passe-passe constitutionnel, ramené la durée du mandat à 7 ans et autorisé sa propre candidature à un troisième mandat. Il n’en fallait pas plus à l’opposition pour s’insurger : comment le président peut-il décemment modifier la Constitution à son avantage ? Wade quant à lui apporte une réponse pour le moins simpliste à ce choix dans une interview accordée au site Slate Afrique: « Quand j’étais dans l’opposition, j’avais décidé de ramener le mandat à cinq ans. Mais, une fois élu, je me suis rendu compte que cinq ans en Afrique c’est trop peu. Parce qu’en cinq ans personne ne peut réaliser des choses suffisantes pour convaincre les populations, c’est impossible. ».
Poisson Rouge

L’affaire du « ticket » à l’origine des émeutes de 2011

En mars 2011, Wade et son conseil des Ministres adoptent un projet de loi permettant l’élection d’un « ticket », c’est-à-dire du président et du vice-président en même temps, en un seul tour avec seulement 25% des voix. Derrière ce « ticket » se cache, selon les opposants, une manœuvre du clan Wade destinée à préparer l’arrivée au pouvoir de Karim Wade, fils du Président et ministre des Transports aériens, de la Coopération internationale, des Infrastructures, de l’Aménagement du territoire et de l’Energie, rien que ça ! Abdoulaye Wade pourrait ainsi se présenter aux élections aux côtés de son fiston puis abandonner son poste et lui laisser les rênes du pouvoir.

Rapidement, un large mouvement de contestation s’est créé, composé entre autres de partis politiques, d’organisation de la jeunesse, à l’instar du collectif « Y en a marre », qui ont investi les rues des grandes villes sénégalaises. En plein « printemps arabe », les manifestants voient se dessiner devant eux la possibilité d’une révolution. Karim Wade, le fiston, aurait demandé en vain à Nicolas Sarkozy d’envoyer à Dakar les casques bleus stationnés en Côte-d’Ivoire afin de neutraliser les émeutiers… Les émeutes de juin 2011 seront tout de même durement réprimées mais Wade abandonne la totalité de son projet de loi mettant fin aux rassemblements et aux grèves.

Poisson Rouge

 

Février 2012, des élections tendues

Aujourd’hui, la tension est à son comble et les déconvenues s’enchaînent pour le président Wade plus que fragilisé par la grève qui touche l’enseignement secondaire et les émeutes lycéennes mais aussi par les défaites de son parti aux dernières élections régionales et municipales. Le clan du président aurait même fait appel à de jeunes gros bras pour intimider ses opposants : attaqué dans son bureau, le maire socialiste du quartier Cœur Mermoz à Dakar, Barthélémy Dias, a même abattu un jeune nervi d’une trentaine d’années.
Les élections qui se tiendront dans un mois, le 26 février, sont au centre des préoccupations. En cette fin de semaine, les candidats à la présidentielle doivent déposer leurs dossiers de candidature au Conseil Constitutionnel. Wade a donc décidé, pour éviter toute pression sur le Conseil, d’interdire les rassemblements et les manifestations du 27 au 30 janvier. Les candidats de l’opposition (parmi lesquels Youssou N’Dour et le socialiste Ousmane Tanor Dieng) et le M23 (mouvement du 23 juin créé suite à la grande de manifestation de Dakar) rejettent l’arrêté qui interdit toute manifestation. Quant aux jeunes leaders du M23, ils appellent à refuser la candidature de Wade et promettent de mener le combat à son terme.

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