Témoignage du coup d’Etat en cours au Mali

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Par Jean Balthazar, correspondant poisson rouge au Mali
Le président de la république malienne Amadou Toumani Touré a été exfiltré du palais présidentiel et destitué de son poste dans la nuit de mercredi à jeudi suite à la mutinerie d’une partie de l’armée malienne. Ce coup d’Etat militaire intervient deux mois avant la fin de son second mandat et fait suite à une première manifestation dans la matinée du mercredi 21 mars dans la caserne militaire de Kati qui se trouve à 15 kilomètres de Bamako. Ces militaires ont pris le pouvoir après plusieurs heures de combat, dissous les institutions et suspendu la constitution datant du 25 février 1992. Jeudi matin, la circulation était fluide, malgré une forte présence militaire dans les rues.

Jeudi matin aux alentours de 4 heures du matin, « des militaires en uniforme sont apparus à la télévision nationale qu’ils occupaient depuis mercredi et annoncé avoir mis « fin au régime incompétent » de Bamako » incarné par Amadou Toumani Touré (ATT) président de la république malienne depuis juin 2002 et son gouvernement. Cette annonce faisait suite à l’exfiltration du palais présidentiel et à la destitution de son poste du chef de l’état. Ce groupement militaire a par la même occasion dissout « toutes les institutions » du pays, suspendu l’application de la constitution et décrété un couvre feu. Le porte-parole des mutins, le lieutenant Amadou Konaré parlant au nom « d’un comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) », a lors de cette même allocution justifié le coup d’Etat « par le « manque de matériel adéquat pour la défense du territoire national » mis à la disposition de l’armée pour lutter contre la rébellion et les groupes armés dans le nord » en proie à une « rébellion touareg » et aux activités de groupes islamistes armés depuis la mi-janvier.

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un combattant rebelle du MNLA

Assaut sur le palais présidentiel
Pour beaucoup, le gouvernement paye le prix de sa mollesse au Nord, les soldats sont frustrés par la situation qui prévaut au Nord du pays et une lassitude se faisait ressentir au sein de l’armée. Mais personne ne s’attendait à un coup d’Etat de la sorte aussitôt. Les évènements se sont déroulés très rapidement, mercredi en fin de matinée, une manifestation a eu lieu dans la caserne militaire de Kati à 15 kilomètres de Bamako. Après avoir détruit le magasin d’armes, des militaires, qui s’étaient soulevés après la visite du ministre de la défense Sadio Gassama, s’apprêtaient à lancer l’assaut sur le palais présidentiel de Koulouba sécurisé à ce moment par les commandos parachutistes du 333e Bataillon. Aux environs de 14 h, la situation était sous tension entre Koulouba et la ville garnison de Kati. Les deux camps (militaires et mutins) se préparaient à l’affrontement. A quelques mètres du palais présidentielle, les commandos parachutistes fidèles au président avaient fait un jalonnement le long de l’axe principal de Kati et furetaient tous les véhicules qui passaient. De l’autre côté, les militaires mutins lourdement armés circulaient librement et s’approvisionnaient en carburant. A 16 heures, la route vers Koulouba (palais présidentiel) était toujours sans encombre jusqu’au niveau de l’école nationale supérieur près du Parc national, des motards dissuadaient les personnes de monter sur la colline « il y a des coups de feu, rentrez chez vous ». Certains courageux bravaient malgré tout l’interdit.
Au sommet de la colline, certains assis au bord de la route attendaient de pouvoir rentrer chez eux, seule la route de Kati était véritablement bloquée, non par un contingent militaire, mais par un attroupement de personnes autour d’un 4×4 blanc. Un homme, l’air grave parlant plus fort que les autres, demandait à tous de ne pas continuer : « Voyez les militaires en face (à 500 m exactement), il y a des combats là-bas, ne restez pas ici ! Il y a des coups de feu, éteignez vos moteurs et prêtez l’oreille ». A ce niveau, c’est-à-dire à 200 m du rond-point qui fait la jonction entre Koulouba (le palais présidentielle), l’hôpital du Point G et la ville de Kati, la situation était « sous contrôle des forces armées » loyaliste selon un policier en civil, mais nul ne savait (mis à part les militaires) ce qui se passait 1 km plus loin. D’autant que la présence de journaliste n’était pas
souhaitée sur place.

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Bamako (Mali), avec le palais présidentiel de Koulouba sur les hauteurs de la ville

Irruption dans la cour de l’ORTM
Dans le même temps, des militaires en armes avaient fait irruption dans la cour de l’Office de radio télévision du Mali en plein centre ville et renvoyé chez eux les travailleurs de la télévision et radio publique malienne. La télévision et la radio publique n’émettait plus à 13 heures. La circulation était bloquée à ce niveau et des militaires effectués des rondes. Un homme en costume invectivait les militaires en leur conseillant d’« enlevez (leurs) galons et bérets, c’est plus prudent… ». A 18 heures 30 des échanges de coups de feu se faisaient entendre et des civils fuyaient la zone d’affrontements. Des militaires stationnés à tous les carrefours interdisaient aux civils d’entrer dans la zone. Toute la nuit, des échanges de tirs nourris entre la garde présidentielle et les mutins ont été entendues durant plusieurs heures à proximité du palais présidentiel. En ville précisément dans le quartier de Baco Djicoroni Golf, des coups de feu se faisaient également entendre. A deux heures une station service était attaquée. Au petit matin, le calme était revenue, la vie reprenait son cours et les populations, au lieu de rester cloitré, sortait à la recherche d’informations deux heures après l’annonce de la destitution d’Amadou Toumani Touré. La circulation était fluide, seul des attroupements et des légers embouteillages étaient visibles aux alentours des stations services. Des militaires en tenu réquisitionnaient de l’essence, faisaient le plein de voitures banalisés vraisemblablement volés et recherchaient le soutient des populations en tirant des coups de feu en l’air, et en criant des vivats. Certains civils applaudissaient, d’autre regardait la scène postée à quelques mètres. Automobilistes et motards circulait librement aux alentours de huit heures dans toute la ville.

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présence de militaires dans le quartier de la télévision d’Etat (ORTM)

Contestation
Malgré tout, et pour beaucoup, la situation n’est pas tout à fait claire et l’inquiétude se fait sentir. Ce coup d’état, troisième du mali indépendant après ceux de 1968 et de 1991 ne ressemble en rien aux précédents : lors de l’arrivée au pouvoir de Moussa Traoré (en 1968) et au moment de l’avènement de la démocratie (en 1991) les populations civiles étaient parties prenante du mouvement. Des manifestations de soutient de grande ampleur était organisé. Aujourd’hui, rien de tel n’a été mis en place. Pour l’heure seul Oumar Mariko secrétaire général du parti Sadi (Solidarité africaine pour la démocratie et l’intégration) seul parti d’opposition parlementaire a répondu à l’appel des mutins qui « ont besoin de toutes les forces vives du pays ». Celui-ci se dit « prêt à échanger avec ceux qui ont renversé le régime ». De plus, ce coup d’Etat suspend le processus électoral qui comprend une présidentielle, dont le premier tour était prévu le 29 avril. La tenu des élections était de toute façon peu probable. D’une part parce que, les combats au Nord du pays ont provoqués près de 200.000 déplacés et refugiés dans les pays voisins. D’autre part, l’idée d’un report avait commencé à être évoquer par certains leaders politiques malien dont Oumar Mariko secrétaire générale du parti SADI parce que le fichier électoral faisait toujours l’objet de contestation. Dans le même temps, un report de ces élections faisait courir le risque de créer un vide constitutionnel. Le mandat du président ATT, devant se terminer le 8 juin prochain. En outre de nombreuses rumeurs circulent encore. Le ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, celui de l’Administration du territoire, Kafougouna Koné, de la défense Sadio Gassama et une majorité de membres du gouvernement auraient été arrêtées ainsi que Modibo Sidibé candidat à l’élection présidentielle et proche d’Amadou Toumani Touré. La maison du candidat Soumaila Cissé aurait été saccagée ainsi que celle de Djiguiba Keita (PPR) ministre des sports. Le palais présidentiel de Koulouba aurait également était pillé selon Aminata Traoré journaliste aux quotidiens les échos « imprimantes, ordinateurs, moquettes et frigos ont été enlevés par des militaires. »

A 14 heures cette après midi, des coups de feu en l’air troublaient encore la population Bamakoise malgré l’interdiction faite ce matin par le comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE). La population attend surtout des informations sur le sort du président déchu, selon plusieurs informations, il serait retranché dans un camp militaire de Bamako avec des militaires loyaliste.

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