La guerre civile espagnole a été une productrice exceptionnelle de chansons, en particulier du côté du camp républicain. C’est que cette guerre civile,  préfigurant la Deuxième Guerre Mondiale qui allait la suivre de peu, a été un affrontement autant idéologique que militaire, et la propagande en fut évidemment une pierre angulaire. Dans ce contexte, qu’il s’agisse de moquer l’adversaire, de galvaniser les troupes, ou de mobiliser la population civile, une bonne mélodie et des paroles marquantes sont souvent aussi efficaces que l’affiche. Le fait que la plupart ces chansons nous soient parvenues et soient toujours bien vivantes dans les mouvements de gauche, en Espagne et ailleurs en est une preuve éclatante.

Au sein de cette foisonnante production, c’est à l’hymne du Quinto Regimiento que nous nous intéressons aujourd’hui. Cette chanson raconte comment ce régiment fut fondé, le 18 juillet 1936, à Madrid : à la suite du coup d’état franquiste le 17 juillet, les Milices Antifascistes Ouvrières et Paysannes, dont le rôle était initialement d’assurer la sécurité des dirigeants communistes, sont réorganisées afin d’assurer la défense de la ville. Cinq bataillons sont alors créés, dont celui qui deviendra le mythique Cinquième Régiment.

Ce régiment, suivant l’exemple de l’Armée Rouge, est organisé sur le modèle d’une direction partagée entre officiers militaires et commissaires politiques. Et pour une fois, ce modèle a porté les fruits attendus : non seulement près de 70 000 miliciens ont été éduqués et formés politiquement en moins de six mois, mais l’enseignement militaire a également été de première qualité, assurant au Quinto Regimiento de nombreux succès, notamment dans la défense de Madrid. Cette efficacité inspira le gouvernement républicain lors de la création en janvier 1937 de l’armée populaire républicaine, à laquelle le régiment fut immédiatement intégré.

En plus de ces aspects politiques et militaires, le Quinto Regimiento se distingue par l’existence en son sein d’une brigade dédiée à la diffusion de l’art et de la culture révolutionnaires. Ce « Bataillon du talent », organisé notamment autour des nombreux artistes et intellectuels s’étant portés volontaires. Les membres de ce bataillon, en plus de prendre part aux combats, organisaient l’éducation populaire et artistique dans toute la région de Madrid, grâce à des expositions, des concours etc.

Tout à la fois unité militaire exemplaire, lieu de formation unique en son genre pour les miliciens et organe d’éducation populaire, le Quinto Regimiento méritait bien sa chanson. Et quant à nous, pour faire perdurer sa mémoire et suivre son exemple, notre rôle est sans doute de continuer à transmettre, le plus largement possible, ces si efficaces chansons qui nous ont été offertes.