Non cette idée n’est pas la proposition farfelue de féministes « enragées » mais c’est une réalité dans nombre de pays. En Afghanistan, au Burkina Faso, en Géorgie, au Laos ou encore en Ouganda, la journée internationale de la femme est en effet un jour férié ! En revanche,  à Madagascar ou au Népal , le 8 mars, seules les femmes sont dispensées de travail. Alors pourquoi ne pas s’inspirer de ces exemples ?

Bon, la seconde option semble compliquée à gérer quand on sait qu’en France, notamment, 97,6% des postes de secrétaires sont occupés par des femmes et que seuls 2,3% des infirmières et des sages-femmes sont des hommes. On ne peut fatalement qu’imaginer le bordel monstre dans ces secteurs!

Illustration de Lith

Origine(s) révolutionnaire(s) de la journée de la femme

Si on se penche un peu plus près sur la liste des pays qui chôment pendant la journée de la femme, on s’aperçoit très vite qu’il s’agit, pour la majorité d’entre eux, d’anciennes républiques soviétiques. Et oui, car c’est Lénine himself qui en 1921, a retenu la date du 8 mars ! Il rendait ainsi hommage à la grève des ouvrières de Saint-Pétersbourg, le 8 mars 1917, qui fut un des événements majeurs de la Révolution russe. D’ailleurs, quelques jours après l’abdication du tsar, le gouvernement provisoire proclama le droit de vote pour les femmes.

Toutefois, l’idée d’une journée internationale de la femme fut initiée dès 1910 par Alexandra Kollontaï, militante féministe soviétique, et Clara Zetkin, journaliste et femme politique allemande. Elles proposèrent à l’Internationale Socialiste, réunie à Copenhague, une journée qui célébrerait les femmes du peuple et promouvrait le droit de vote; le principe fut adoptée sans qu’aucune date ne soit retenue. Clara Zetkin pensait que cette journée permettrait de  «contrecarrer l’influence des groupes féministes sur les femmes du peuple» car, selon l’historienne Françoise Picq, «elle rejetait en effet l’alliance avec les “féministes de la bourgeoisie”».

Affiche soviétique. « 8 mars – C’est la journée internationale des femmes! »

Les récupérations du 8 mars

En 1977, l’ONU décrète la «Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale», ôtant définitivement tout caractère révolutionnaire à cette initiative. Les marques et les grandes surfaces s’y mettent aussi profitant de cette journée pour déployer de grandes opérations marketing. Zetkin et Kollontaï doivent se retourner dans leurs tombes. Depuis, certain.e.s s’entêtent à penser que la journée de la femme c’est comme la fête des mères et la Saint-Valentin en même temps. Des chocolats pour ta mère et des fleurs pour ta meuf ! Beaucoup d’entre nous frémissent déjà du battage médiatique et des déclarations consensuelles des politiques qui nous attendent ce dimanche. Chapeau à France 2 qui diffusera le film «Potiche» de François Ozon plutôt que le documentaire  «Un siècle de féminisme arabe» diffusé à minuit le jeudi 5 mars…

« On vous gâte pour la journée de la femme ! 30% d’économies avec votre Carte de Fidélité sur des produits sélectionnés rien que pour les femmes ! « 

Une journée de luttes

Ainsi, les critiques contre cette journée sont nombreuses et diverses, elles concernent notamment l’appellation de «journée de la femme» perçue comme une manière d’essentialiser les femmes, de les réduire à une image fantasmée qu’on se fait d’elles. Il semble cependant régner un certain flou autour de cette appellation, puisque l’on va entendre parler, selon les interlocuteurs, de la journée de la femme ou de la journée des femmes ou encore de la journée internationale des droits de la femme.

Beaucoup refusent également le principe d’une seule journée consacrée aux femmes et à leurs droits. Comme si, les questions de l’égalité salariale, de l’égalité des droits et le combat contre les discriminations ne nécessitaient qu’une journée de mobilisation et de prise de conscience.  Pourtant le débat reste ouvert: doit-on refuser cette journée ? Peut-être faudrait-il, comme l’estiment de nombreux mouvements féministes, se réapproprier le 8 mars en refusant le principe d’une célébration de la femme et en mettant «l’accent sur l’aspect de lutte». On pourrait imaginer alors une «journée de la lutte des femmes» ou une «journée des femmes en lutte».