Procès Zyed et Bouna : il faut condamner les flics!

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NDLR: le procès de deux policiers s’est ouvert le 16 mars 2015, dix ans après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré (17 et 15 ans). Le parquet a demandé la relaxe pour les fonctionnaires le 19 mars.

Cela peut paraître une position affreuse, inhumaine de prime abord. Certes, il est difficile de plaider pour la condamnation de quelqu’un, fut-il le pire des salopards.

Pour autant, quand on se documente sur le procès de Clichy, on se rend compte qu’il est impossible d’espérer décemment une autre issue pour les deux policiers qui comparaissent ces jours-ci pour non-assistance à personne en danger. Non pas pour les enfoncer, ni accabler la police, ni pour des raisons de paix sociale ou de devoir de mémoire. Mais tout simplement parce que moralement, cette histoire doit interpeller la société entière.

Malveillance des forces de l’ordre

Je n’attaquerai pas cette «affaire» sous un angle politique ; d’autres le font bien mieux que moi, et puis je ne suis pas d’humeur. Non, pour ma part j’aimerais parler ici de ce qu’on relève trop peu dans le drame de Clichy : son caractère terrifiant et révoltant. Non seulement la mort injuste de deux gamins innocents ne peut laisser personne de marbre, mais c’est encore pire quand on s’aperçoit de la malveillance dont ont fait preuve les policiers présents sur les lieux. Car leur attitude au moment du drame les accable ; les enregistrements entre forces de l’ordre ce 27 octobre 2005 sont sans équivoque.

Ainsi, lorsqu’il voit Zyed, Bouna et Muhittin (le troisième adolescent qui a survécu) escalader le mur du transformateur EDF suite à une course poursuite, un des policiers s’exclame : «Deux individus s’introduisent sur le site EDF. En même temps, s’ils rentrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau. Ouais, s’ils rentrent sur le site, je ne donne pas cher de leur peau, hein !»

Les observateurs présents au procès évoquent un ton «détaché, presque ironique» quand ces mots sont prononcés. Alors même qu’il a conscience du danger qui guette les enfants, le fonctionnaire ne semble pas vouloir leur venir en aide. Pire, il a l’air de s’en moquer puisqu’il n’intervient pas.

Ce qui suit est plus glaçant encore. Lorsque les forces de l’ordre sont rappelées un peu plus tard par les amis de Muhittin, venus sur les lieux du transformateur secourir leurs deux camarades (les pompiers interviennent en priorité mais doivent attendre la venue d’un technicien EDF), c’est l’un des policiers présents lors de la course poursuite qui arrive le premier sur les lieux. Le récit de ce qui se passe ensuite est tout simplement gerbant.

Il fait immédiatement le lien entre ce qui s’est passé un peu plus tôt et la présence des deux mômes dans le local EDF : «Tout à l’heure il y a eu une poursuite pédestre avec des jeunes individus par rapport à un vol sur un chantier. Et là à proximité du site EDF nous avons été requis par les sapeurs-pompiers parce qu’apparemment, il y aurait des enfants à l’intérieur qui ont été électrocutés. Donc il y a de fortes chances pour que les deux affaires aient un lien.»

Pour autant, S.G. ne semble pas se préoccuper plus que ça du sort réservé aux enfants dans le transformateur. La salle de commandement lui demande ainsi, à plusieurs reprises, de faire état du nombre de victimes présentes sur les lieux afin d’organiser l’arrivée des secours au plus vite. Mais pour lui, ce qui est le plus urgent, c’est de demander du renfort pour calmer «les grands frères» qui sont sur place et qui trépignent devant la lenteur de l’intervention (plus d’une heure).

Alors que le commandement insiste, il répond : «Ecoutez pour l’instant on est en train d’essayer de régler le problème avec les grands frères qui viennent nous casser les bonbons.»

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Un crime contre notre humanité

Nous sommes plusieurs, au Poisson Rouge, à travailler dans différents services publics. Pas dans la police, bien sûr, mais dans d’autres structures de l’Etat qui ont pour mission de base d’assurer un service envers la société, comme peuvent l’être l’éducation, la santé, la solidarité ou bien, comme c’est le cas ici, la sécurité.

Ce qui est particulièrement frappant dans ces enregistrements, c’est justement le manque de sens moral qui semble gouverner les fonctionnaires de police. Le manque d’humanité au moment des faits (depuis, ils expriment des regrets) et cette froideur toute rationnelle qui les caractérise. Si vous et moi voyions des mômes se précipiter vers la mort, nul doute que nous tenterions de les aider. Pas eux.

Au-delà même de la mission de service public que la police est censée incarner, c’est donc la solidarité des uns envers les autres qui est ici remise en cause par ces agissements sauvages. C’est, somme toute, la notion d’humanité qu’on enterre. Je ne me fais aucune illusion sur le rôle répressif joué par la police dans notre société épuisée ; pour autant, j’ose parfois espérer qu’au fond de chacun demeurent des réflexes d’entraide. La mort de Zyed et Bouna le 27 octobre 2005 en est le triste contre exemple.

Alors oui, il faut condamner les deux policiers jugés en ce moment à Rennes. Non pas pour les enfoncer, ni accabler la police, ni pour des raisons de paix sociale ou de devoir de mémoire. Mais tout simplement parce que moralement, cette histoire doit interpeller la société entière.

Sources des enregistrements : Médiapart (seulement pour les abonnées)

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