Emmanuel Todd est un charlot qui s’ignore

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Emmanuel Todd était invité un peu partout ces derniers temps pour faire la promotion de son dernier livre, Qui est Charlie ? (qui coûte 18 euros, que nous n’avons donc pas acheté ni lu ; d’autant plus qu’on s’était déjà fait avoir la fois d’avant avec le Mystère Français). Il a pu à cette occasion relâcher un peu la pression et rabâcher à l’envi que les manifestants du 11 janvier étaient des xénophobes, des oppresseurs voire des nazis qui s’ignoraient. En parsemant de quelques références un peu glorieuses (Marx, Weber…), le coup était presque parfait.

Petit problème : la méthode de Todd est plus quedouteuse. Ayant oublié que corrélation n’est pas causalité, et remarquant que les marcheurs étaient le plus nombreux (comment les a-t-il comptés d’ailleurs ?) dans les zones où vivent les cadres catholiques zombies, il en déduit que tous les Charlie du 11 janvier appartenaient à cette même catégorie (qu’il est le seul à utiliser par ailleurs). Je suis mauvaise langue : ce n’est pas la seule observation qu’utilise Todd. Il s’est aussi appuyé sur son entourage « de centre gauche » comme il l’avouait à France Inter. Et il voudrait après cela que l’on parle de sociologie ?

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Outre le fait qu’il néglige tous les travaux qui ont étudié les conditions nécessaires à l’expression publique d’une opinion (Albert Hirschman en tête – nous aussi on peut citer des sociologues pour faire classe), Todd fantasme complètement sur ces manifestations. Le coup de grâce est porté par Nonna Mayer et Vincent Tiberj, qui analysent dans le Monde les résultats d’un sondage réalisé pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Il en ressort non seulement que les marcheurs du 11 janvier rejettent bien plus fortement que le reste de la population l’antisémitisme et la xénophobie, mais qu’en plus, les descendants d’immigrés et les musulmans étaient surreprésentés dans les cortèges. Pire : les catholiques zombies de Todd sont ceux qui rejettent le plus le mouvement « Je suis Charlie ».

Les résultats de ce sondage posent certes quelques questions, notamment dans une participation qui semble surestimée par rapport au nombre annoncé à l’époque de manifestants. Mais le raisonnement par contraposée fonctionne quand même : ceux qui rejettent a posteriori le mouvement du 11 janvier sont largement plus antisémites, islamophobes et xénophobes que ceux qui s’en revendiquent. Alors, Emmanuel, devons-nous en conclure quelque chose sur tes propres opinions ? Serais-tu, toi aussi, un nazi qui s’ignore ?

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Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : Emmanuel Todd apporte aussi une critique nécessaire de l’instrumentalisation de ce mouvement dans les semaines et mois qui ont suivi, pour justifier tout et n’importe quoi, de la loi sur le renseignement à la négociation sur les seuils sociaux dans les entreprises. Cette instrumentalisation doit effectivement être dénoncée, mais pas, comme le fait Todd, en supposant qu’elle est conforme à « l’esprit du 11 janvier ». Au contraire, elle le pervertit tout à fait, en cherchant à museler dans une politique mortifère ce que ces manifestations exprimaient : « nous sommes vivants, réjouissons-nous et profitons-en ! ».

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5 commentaires sur “Emmanuel Todd est un charlot qui s’ignore

  • Eh bien, vous n’avez pas peur du ridicule. Non seulement vous critiquez un livre que vous n’avez pas lu (il se trouve gratuitement dans la plupart des bibliothèques) mais vous vous appuyez sur un article tellement fallacieux et absurde qu’il a déjà été mis en pièces un peu partout. Dire que « Les résultats de ce sondage posent certes quelques questions, notamment dans une participation qui semble surestimée par rapport au nombre annoncé à l’époque de manifestants », c’est plus qu’un euphémisme : avez-vous réalisé qu’en prenant ce sondage au sérieux, il fallait admettre quinze millions de manifestants, au lieu de quatre ? N’importe quel chercheur honnête aurait renoncé à utiliser ce sondage, et n’importe quel journal honnête aurait renoncé à publier l’article des chercheurs malhonnêtes. Et, pour boucler la boucle, n’importe quel plumitif d’internet aurait renoncé à relayer des âneries pareilles.

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    • Vous remarquerez que je ne commente pas ce sondage sur les questions relatives à la participation aux marches du 11 janvier, mais uniquement sur celles qui touchent à l’adhésion sur le fond à ces marches, qui elles relèvent du sondage d’opinion plus classique, et peuvent être prises (aux précautions habituelles avec les sondages près) pour argent comptant.
      Or c’est bien la nature profonde de la mobilisation et les dynamiques idéologiques qui la sous-tendent qui sont le sujet de Todd. Et sur ce point, malgré toutes ses limites, le sondage reste infiniment plus crédible d’un point de vue méthodologique que les corrélations pour le moins hasardeuses de Todd.
      Je vous laisse à vos jugements sur l’honnêteté de Vincent Tiberj et Nonna Mayer, mais il me semble bien que ce sont les âneries de Todd qui n’auraient jamais dû avoir l’écho que leur ont donné les grands médias.

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  • Vos querelles de statisticiens, trés vertueuses, mais oui! (et puis on a affaire à des pointures, anonymes oui! mais quelles pointures!) non vos querelles n’empêcherons pas le besoin d’analyser ce mouvement suscité par un nombre insignifants de morts injustes comparées à celles qui se produisent tous les jours, sur des points plus sensibles que « la liberté de la presse qui s’est baillonnée toute seule avec ses financiers en Occident ». Que vous ayez été noyé au milieu de la grande marée ne vous qualifie pas pour mieux le juger arguant l’empirisme. Ce que Todd saisit, et qui est indéniable, c’est que derrière l’effet de masse, (il aurait suffit de comparer les images de Lyon et Marseilles comme il le reconnait, tant les corrélations sont strictes) il y a des divisions sociologiques profondes et trés signifiantes qui nous apprennent que l’élan laïciste qui se trouve être le dénominateur commun des manifestants, du FN au NPA, n’est autre qu’un symptôme de la survivance de l’âme catholique française suicidée (et donc pas davantage offensable) à travers le déni du droit pour l’islam à se sentir offensé. Jalouse! Comme une volonté de faire corps dans la nostalgie d’une unité sociale que le laïcisme en bout d’course ne pourra plus fonder, face à un ennemi fantasmé, l’éternel prolétaire et ses valeurs antibourgeoises, que l’on somme de se dédouanner de son faciès, de ses moeurs, de ses coutumes, pourtant bien davantage respectables. Ce prolétaire là y croit, qu’il sortira du bocal. Et puis y a ceux à qui ça monte au bocal.
    Un observateur dépassionné

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    • Réponse à ksiq. Quand vous parlez d' »élan laïciste » et du »déni pour l’islam à se sentir offensé » vous utilisez la même rhétorique que les assassins, les tortionnaires et les esclavagistes de daesch. Je ne perdrai donc pas mon temps à débattre avec un individu comme vous, mais sachez que votre délire néo-marxiste fait le jeu de la barbarie et du du fanatisme. Vous n’êtes ni une victime ni un révolutionnaire, vous n’êtes qu’un individu inepte et ignorant.

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  • Emmanuel Todd, Olivier Besancenot et Edwy Penel : lorsqu’une partie de la gauche devient complice de la barbarie et de l’obscurantisme…

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