63 s’en est allée mais reviendra

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De rébellions en répressions, retour sur l’histoire douloureuse des Touaregs du Mali à travers la chanson emblématique «63» du groupe Tinariwen.

Tinariwen poisson rouge

Le groupe Tinariwen autour d’Ibrahim ag Alhabib

Souvent évoquées dans les médias, les rébellions touarègues successives ont, depuis les années 60 (c’est-à-dire aux premiers jours de l’histoire du Mali et du Niger indépendants), revendiqué «une reconnaissance comme entité politique, juridique et territoriale» d’une région que certains appellent Azawad.

Celle de 2012, catalyseur du coup d’Etat au Mali et de l’effondrement des institutions du pays, est celle qui aura le plus ébranlé l’Etat malien : il aura fallu une intervention militaire française soutenue par la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma) pour que cet Etat recouvre en théorie l’intégralité de son territoire. Un accord conclu sous la médiation de l’Algérie et déjà validé par le gouvernement de Bamako est sur le point d’être signé par la Coordination des Mouvements de l’Azawad regroupant les organisations indépendantistes du nord.

Ce scénario tend vers une sortie de crise similaire aux rebellions passées (1990-1992, 2006,  2007-2009) par des accords de paix, des promesses d’intégration des populations touarègues aux structures étatiques ainsi qu’une plus grande autonomie des régions du Nord-Mali (Gao, Kidal, Tombouctou) ou du Niger.

La résolution de ces conflits n’a pourtant pas toujours été aussi schématique. Entre 1963 et 1964, Modibo Keita, premier président socialiste du Mali, décide de mettre un terme au système de gouvernance mis en place par l’autorité coloniale française qui accordait jusqu’alors un statut particulier aux chefferies touarègues (Imenikalen). Une révolte des Touaregs s’en suit dans l’Adrar des Ifoghas près de Kidal. Cette révolte est très violemment réprimée par la volonté du président de confirmer son idéal d’Etat Nation. Cet événement, vécu comme un traumatisme par les populations, est décrit dans cette chanson du groupe Tinariwen.

Ibrahim ag Alhabib, membre fondateur du groupe et compositeur de cette chanson, était présent lors de la répression de cette révolte. Agé de 4 ans à l’époque, il exprime la douleur vécue :

« Soixante-trois s’en est allée mais reviendra

Ces jours ont laissé leurs traces

Ils ont tué un vieillard et un nouveau né

Ils anéantirent les pâturages et abattirent les bovins

Soixante-trois s’en est allée mais reviendra »

Son père, soupçonné d’être en contact avec la rébellion, est exécuté par l’armée malienne à la même période. S’en suivra l’exil en Algérie. C’est dans ce pays au début des années 80 qu’est créé le groupe Tinariwen (Les Déserts en tamasheq).  Ibrahim ag Alhabib s’entoure d’Alhassan ag Touhami et d’Intayaden pour délivrer des messages à l’attention des Touaregs. L’une de leur première chanson sera d’ailleurs composée dans le but d’unifier la jeunesse tamasheq. Viendront ensuite des appels à prendre les armes avec une participation active à la propagande du Mouvement Populaire de l’Azawad d’Iyad Ag Ghali lors du soulèvement touareg de 1990.

Ibrahim ag Alhabib et son groupe se consacreront essentiellement à la musique après la signature des accords de paix de 1992, avec comme volonté première de promouvoir la culture touarègue à travers le monde.

 

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