Brexit : l’opportunité de contre-attaquer

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Voilà, une partie des britanniques vient de décider de quitter l’Union européenne. Aux hérauts de la fin de l’Histoire, une partie de l’électorat britannique vient d’opposer un démenti violent.

Le Brexit est un vote de classe

Malheureusement, le Brexit est dans une large mesure un Brexit de droite dure, anti-immigration et, paradoxalement, libéral : l’UE étant perçue comme un appel d’air à migrants et un machin à règlementations entravant la liberté. C’est aussi, il semble bien, un Brexit de classe: le prolétariat et une partie de la classe moyenne des zones rurales ou des anciens bassins industriels contre la bourgeoisie financière et la classe moyenne diplômée des grands centres urbains, en ce qui concerne l’Angleterre du moins. Pourtant, depuis hier jour du vote, on nous sert la soupe du vote générationnel – les vieux auraient voté pour et les jeunes contre – sans que nous connaissions les chiffres de participation des uns et des autres : l’abstention des jeunes s’annonçait assez élevée avant le vote. Ironiquement, le Brexit est donc assez en phase avec l’Union européenne, qui mène une politique migratoire d’extrême-droite – avec le concours de la droite dure turque qui fait tirer à balles réelles sur les migrants qui tentent de passer la frontière turco-syrienne.

Les discussions pour négocier le Brexit s’annoncent âpres, car les dirigeants européens voudront dissuader toute velléité de sortie de la part de leurs propres populations. Il va donc falloir faire payer cher leur vote aux Britanniques. Pas d’alternative à l’UE dans sa forme actuelle : la Grèce a payé en premier le prix de son insolence, les Britanniques – ou les Anglais – seront les deuxièmes à le payer. Cela ne profitera qu’aux extrêmes-droites britannique et européennes. Celles et ceux qui mèneront la négociation, celles et ceux qui nourrissent une forme de vengeance contre le Royaume-Uni après le Brexit, tous ceux-là devraient regarder derrière : la dernière fois qu’un grand pays européen fut humilié par les autres pays, cela ne se termina pas très bien pour l’Europe et pour le monde.

Discipliner les travailleurs européens

Depuis sa création, l’UE est un formidable outil pour discipliner les travailleurs européens, mis en concurrence les uns avec les autres par la libre-circulation des capitaux et l’harmonisation sociale et fiscale par le bas entre pays de l’UE. De ce point de vue, l’UE n’est pas une entreprise de paix : c’est une entreprise de classe. Ce Brexit de classe peut être compris comme une expression du rejet de cette Europe-là, même s’il s’agit d’un rejet de droite.

L’Union européenne n’est pas l’Europe

Ne tombons pas dans le fétichisme de l’Union européenne. L’UE n’est pas le bien, l’UE n’est pas l’intérêt général. L’UE n’est pas l’Europe. L’UE n’est qu’une expression institutionnelle possible de l’Europe, qui reflète un rapport de force entre travailleurs et capital européens. L’UE ne changera pas si ce rapport de force qui la sous-tend ne change pas.

En imposant la « concurrence libre et non faussée » comme modèle de société, l’Union européenne est en train de tuer l’Europe comme projet social et politique: si les motivations et les arguments furent à chaque fois différents, les citoyens ont toujours voté contre l’UE quand ils ont pu se prononcer dessus. Alors, peut-être le problème ne vient-il pas seulement des citoyen-n-e-s qui ne comprendraient rien à la construction européenne, mais de l’Union européenne et de ce qu’en font les gouvernements ?

La contre-attaque : discipliner le capital européen

Pourtant, le Brexit offre l’opportunité de contre-attaquer pour une nouvelle Europe. La grande bourgeoisie européenne a besoin de l’UE, qui sert ses intérêts de classe. Le Brexit constitue donc un outil pour lui imposer un nouvel agenda: si le capital européen refuse de faire des concessions économiques et sociales majeures aux travailleurs européens, l’UE se disloquera petit à petit, minée par les extrêmes-droites qui croîtront toujours plus sur la mise en concurrence généralisée des peuples, sur la précarité et les inégalités grandissantes.

Discipliner le capital européen et rebâtir des solidarités de classe intra-européennes nécessite des gauches européennes en état de marche. Des gauches en mesure de s’emparer avec force du débat sur la (re)construction européenne ; des gauches en mesure de proposer un projet crédible et progressiste. Des gauches européennes qui ne craignent pas – au besoin – de rompre avec l’UE pour changer le rapport de force, des gauches européennes qui ne fétichisent pas l’UE.

D’un Brexit réactionnaire, les gauches européennes peuvent faire une arme progressiste sans précédent dans l’histoire de la (re)construction européenne. Bien sûr, cela nécessite de ne pas laisser l’initiative aux mêmes qui ont construit l’Europe telle qu’elle est actuellement et qui prétendent déjà, depuis hier jour du vote, la reconstruire. On sait avec eux à quelle Europe s’attendre. On peut être sûrs que le Brexit n’incitera pas nos gouvernants à demander leur avis aux citoyen-n-e-s européen-n-e-s sur la (re)construction. Il faudra donc l’arracher de leurs mains. L’Union européenne peut mourir, longue vie à l’Europe.

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