Diagnostic : une Mélenchonite aigüe

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Mélenchon troisième homme ? L’information se répand comme une trainée de poudre dans les journaux et les médias. Et même si les sondages, comme à leur habitude, n’arrivent pas à accorder leurs violons sur ce point (15% d’intentions de vote selon un sondage LH2-yahoo contre 12.5% pour l’Ifop(dirigé par Mme. Parisot)), il semblerait que cette place lui revienne de droit au moins dans les esprits. Selon les analystes politiques et les journalistes, cette réussite serait due à la qualité et au dynamisme de la campagne du candidat du Front de Gauche. Il faut dire qu’après le meeting qui s’est tenu à la Bastille et qui a rassemblé 120.000 personnes selon les organisateurs (un demi et trois pastis selon la Police), il aurait été difficile de continuer à ignorer cette toute nouvelle force vive.

Et pourtant, ce statu quo n’a pas toujours été une évidence. Si l’on revient quelques mois en arrière, ce « grand tribun » que les plateaux télé s’arrachent maintenant ne bénéficiait pas de tant de bonté et de bienveillance. Il y a cinq mois, ils étaient rares ceux qui croyaient en cette entreprise, même dans les propres rangs du Front de gauche. Rappelons-nous aussi du grand jeu des médias qui consistait à mettre en boite les images de leader du FDG en plein dérapage. Et tant pis si elles étaient sorties de leurs contextes, l’idée était là. Par exemple, l’affaire du jeune pigiste et du « tu fermes ta petite bouche ». Ces images ont fait le tour des rédactions comme l’expression d’une forme d’agressivité et d’intolérance du prétendant à la présidentielle. Et pourtant d’autres images existent. Si elles se sont faites plus rares, voire inexistantes, elles permettent pourtant de comprendre sur le fond cette « altercation ».

Mais trêve de passéisme, nous ne sommes pas là pour nous raconter des histoires d’anciens combattants et regarder en arrière. Ce qu’il y a d’intéressant avec cette nouvelle donnée, ce sont les répercussions qu’elle engendre.

Premier constat des conséquences de la montée de J.L Mélenchon : la baisse des intentions de vote pour Marine le Pen. Il faut croire que le leader du Front de Gauche a eu raison de se poser dès le début de la campagne en seul réel opposant au FN. Ecartant la thèse plus journalistique que réaliste de la « dédiabolisation », il n’a cessé d’affronter, avec les égards qu’il se doit, la candidate du FN en se basant sur ce que son parti est, plutôt que sur l’image qu’en donnaient les médias. Etant le seul à se positionner en tant que réel rempart à Marine Le Pen et rappelant sans cesse le vrai visage du FN, J.L Mélenchon a su rassembler derrière lui certains indécis ou abstentionnistes. D’autre part, il a su ravir à la présidente du FN la place de voix contestataires. En effet, en voulant masquer le vrai visage de son Parti et lui donner un semblant de respectabilité, Marine Le Pen a délaissé les thèmes frontistes traditionnels pour accentuer sa campagne sur les sujets sociaux-économiques. L’illusion n’a pas tenu très longtemps. D’une part, la belle a rapidement montré ses limites en matière économique prouvant ainsi une certaine incompétence en la matière. D’autre part, en voulant faire plus à gauche que la gauche au niveau social, tout en alliant ses propositions aux notions de préférence nationale et de droit du sol, Marine Le Pen a mis en évidence les failles de sa logique et l’amateurisme de ses propositions.

A l’inverse, J-L Mélenchon est resté depuis le début de sa campagne sur des propositions logiques au schéma de pensée de son camp. Il a su, au dire des commentateurs politiques, se donner de la  crédibilité au niveau économique et allier revendication de gauche et réalisme économique. Mais surtout il a réussi à imposer le projet de société du Front de gauche comme réelle alternative au système. Sans affirmer qu’il y a eu un report d’intention de vote du FN au FDG, on peut en déduire que les faiblesses du camp Le Pen sur les questions de société et la perte de l’aspect contestataire du vote frontiste au profit du FDG ont fait fuir les moins convaincus et attiré du côté Mélenchon les citoyens en manque de subversion.

Un retour au clivage politique.

La percée du Front de Gauche de ces dernières semaines semble avoir fait tomber les masques et réveillé les consciences. Depuis 2005, nous nous étions habitués à assister à des débats très fermés au final. Les réflexions tournaient exclusivement autour des thèmes chers au FN, savamment matraquées par des polémistes habiles ou encouragées par les frasques de N. Sarkozy et de ses supplétifs. Mais voilà, cinq ans d’expérience gouvernementale d’un Le Pen en plus light mais plus garnis en scandales d’Etat, deux crises économiques majeures et une situation Grecque désastreuse ont montré que taper sur les immigrés ne permettait pas de résoudre le chômage et les crises capitalistes. Du coup le débat s’est déplacé vers les questions économiques, sociales et de transparence d’Etat. Le Front de Gauche a alors pu trouver sa place, s’exprimer et apporter son lot de réflexion. Les réactions ne se sont pas fait attendre.

Du haut de sa tour d’argent, Mme Parisot s’était faite jusque-là assez discrète. Chose assez logique puisque les candidats qui étaient, il y a encore quelques semaines, sur les trois premières marches du podium, n’inquiétaient pas vraiment le MEDEF. Entre un Sarkozy lié de très près au patron du CAC 40, un Hollande dénonçant « le monde de la finance » mais allant le rassurer quelques jours après, « les grands de ce monde » ne se faisaient pas trop de cheveux blancs. Même le livre de Mme Parisot, « Un piège bleu Marine », avec un titre si accrocheur, ne critiquait au final Marine Le Pen que sur son père tout en évitant de l’éborgner réellement. Il en est tout autrement maintenant. Les propositions du FDG sur la finance et les rapports entre les patrons et les salariés sont, dirons-nous, bien plus ambitieuses et, il faut le croire, font couler quelques sueurs froides à Mme Parisot. Du coup branle-bas de combat et grosse artillerie : « je trouve que Mélenchon est beaucoup plus l’héritier d’une forme de Terreur que l’héritier des plus belles valeurs de la Révolution. » (Europe 1 le 01/04/12).

poisson rouge

Marine le Pen n’est pas non plus restée indifférente. Dévissant dans les sondages à cause de sa stratégie de campagne et d’un J-L Mélenchon offensif, la douce a donc décidé de durcir son jeu. Fini, les grandes promesses sur la discontinuité entre le père et la fille, sur la normalisation des idées du FN. La présidente du FN a redécouvert que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures : « Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France remplis d’immigrés ? […]  combien de Mohamed Merah parmi les enfants de ces immigrés non-assimilés ? […] Ce qui s’est passé n’est pas l’affaire de la folie d’un homme, ce qui s’est passé est le début de l’avancée du fascisme vert dans notre pays ».

Plus surprenant encore, certains que l’on ne soupçonnait pas ont révélé leurs proximités avec les idées du leader du FDG, démontrant ainsi une certaine forme de radicalité. C’est le cas notamment de Christophe Barbier, rédacteur en chef de l’Express et plus connu pour son écharpe rouge que pour ses prises de position en faveur de la gauche : « je suis plus républicain que démocrate, et j’adhère aux thèses de Mélenchon là-dessus […] les républicains doivent faire en sorte que les valeurs soient préservées […] il faudra faire un putsch ou une révolution (si la peine de mort est rétablie) ». Même si ses accointances idéologiques avec Mélenchon ne l’ont pas empêché de l’égratigner comme il le faut.


BarBier Vs Polony & Pulvar [POL] Ruquier 310312… par peanutsie

On pourrait aussi parler du grand retour de Montebourg. Mis en avant par le P.S pour séduire les électeurs du FDG et tenter de rabibocher un Mélenchon très remonté contre Hollande. A noter ce manque de tact de Montebourg qui, pour tenter de justifier un rapprochement entre le P.S et Le FDG, à rappeler l’histoire du programme commun qui permit l’élection de F. Mitterrand en 1981 mais qui sonna le glas pour le Parti Communiste. Pas sûr que cette histoire de cocufiage incite vraiment les électeurs FDG.

Plus généralement, que l’on se réjouisse ou non de la montée de J-L Mélenchon dans les sondages, il est indéniable que cette nouvelle position de troisième hommes change en profondeur les tenants et les aboutissants de cette campagne présidentielle. A quelques semaines du scrutin du premier tour, les certitudes sur le dénouement  viennent de changer.

 

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8 commentaires sur “Diagnostic : une Mélenchonite aigüe

  • Venez aux ASSEMBLEES CITOYENNES !
    http://www.comitescommunes-moret.info/spip.php?rubrique30

    Les Assemblées citoyennes sont un espace ouvert, de rencontres et de discussions non limitées dans le temps. Pour chacun, quel que soit son âge ou sa situation sociale, nous sommes tous des citoyens. L’important est de vouloir chan- ger les choses en mieux

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  • Mélenchon est et restera la vieille gagneuse du Parti Socialiste… C’est un rabatteur rien de plus et de nouveau (l’histoire se répète pour ceux qui n’en retiennent rien), les pauvres cons de cocos vont se faire entuber par plus malin qu’eux et cette fois, ils vont même fournir la vaseline à leur bourreau…
    Après avoir été sénateur PS pendant 30 ans, voté « oui » à Maastricht comme les copains et été ministre d’un gouvernement qui n’a eu guère à envie à l’UMP en matière de soumission des diktats européistes, atlantistes et libéraux, il réussit à faire croire à ces décérébrés de bolcheviks qu’il est la révolution faite homme !! Incroyable qu’il n’y en ait pas eu quelques uns à vouloir le virer à coups de piolet…
    Mine de rien, il doit se réjouir intérieurement en bon trotskard, d’avoir fait main basse sur ce chien crevé qu’est le ci-devant PC…

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    • hmmm ça sent le soralien de bas étage .. ouvrez les fenêtres ça fouette par ici

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  • C’est une analyse Polo. Ceci dit quand on regarde un peu sur les rapports PC/front de gauche et FRont de gauche PS, on se rend compte que ce serait plutôt le PC qui serait tenté de faire un enfant dans le dos de Mélenchon. La question du PS est d’ailleurs un des gros débats au sein du FDG, entre PG et PC. Le PG semble plus partisan d’un rejet total du PS que le PC. 9a s’explique notamment par le fait que Mélenchon est maintenant « un notable politique » et il n’a pas besoin du PS pour être élu alors que le PC a besoin d’un maximum d’élus pour faire survivre sa structure et donc est plus enclin a « négocier » avec le PS sur les élections post-présidentielle.

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  • Je pense surtout que le PCF n’a jamais eu besoin de négocier localement avec le PS, mise à part pour contrer l’extrême droite, et qu’il a toujours présenté aux législatives des listes indépendantes. Je vois mal pourquoi aujourd’hui, alors que le front de gauche s’affirme comme une force politique encore plus grande, il irait s’acoquiner avc ceux dont il n’a jamais eu besoin. Sur le reste, je pense que les doutes émis par Polo sont plutôt légitimes (même si je ne crois pas au scénario qu’il décrit). J’aimerai dans cette optique que les choses soient plus claires du côté du front de gauche. Le problème est que pour le moment le discours est flou : « nous ne particperons pas à un gouvernement d’austérité, et en aucun cas aux côtés des centristes ». Je crois que les foules de gens qui soutiennent Mélenchon attendent certes de battre la droite, mais aussi de tourner la page de 30 années de désespoir social démocrate. Heureusement mon cher polo, une large composante du PCF et du FDG attend au tournant le premier déserteur qui passera le cordon sanitaire.

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  • Ping : Poisson Rouge » Sortez de votre bocal ! » Le manifeste du parti communiste en bande dessinée

  • Il y a aussi des gens anti-atlantistes, écologistes, plutôt communistes, en tout cas vraiment à gauche.
    Pour ceux là, Mélenchon ressemble à un vote *utile*, après personne n’est parfait.
    Et il ne rabattra que ceux qui veulent bien vers le PS, ce qui ne sera pas mon cas, surtout à cause du MES, de l’OTAN, et puis plein d’autres raisons : le PS est désormais un centre mou de libéraux.

    Sinon, OK il a déconné pour Maastricht, mais depuis il attaque avec talent Bruxelles, il est capable de déplacer du monde vers la gauche, et ça c’est une victoire qu’on lui doit, c’est un fait.
    Sa grande victoire (il s’auto-congratule beaucoup à ce sujet) c’est l’effondrement du FN par une critique constructive, … je suis pas sûr qu’il en soit responsable, mais bon.

    Personne ne dit non plus que c’est parfait, …

    Troisième homme c’est sûr aujourd’hui, et il faut envisager qu’il soit n°1 dans quelques jours, ce n’est pas impossible.

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  • Ping : Poisson Rouge » Sortez de votre bocal ! » Mélenchon sera-t-il au second tour?

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